mercredi 9 février 2005
Cet article reprend la première partie du sermon du vendredi donné par Sheikh Al-Boutî le 27 février 2004, le 7 Muharram 1425 A.H.
Louanges à Dieu moult fois renouvelées. Louange à Dieu à la hauteur de Ses bienfaits et de Son supplément de Faveur. Seigneur, louanges à Toi comme il se doit pour Ta Face honorée et la Magnificence de ton Pouvoir. Gloire à Toi Seigneur ; je ne suis point capable de Te louer comme il convient ; Tu es Tel que Tu T’es loué Toi-Même. J’atteste qu’il n’y a de divinité hormis Allâh, l’Unique sans associé. Et j’atteste que notre maître et prophète, Mohammad, est le serviteur de Dieu et Son Messager, Son Élu et Son Ami proche, le meilleur prophète envoyé. Dieu l’a envoyé au monde entier en guise d’annonciateur de la bonne nouvelle et en guise d’avertisseur. Seigneur, accorde Ta prière, Ta paix et Tes bénédictions, à notre maître Mohammad, ainsi qu’à sa famille, une prière et une paix permanentes et indissociables jusqu’au Jour Dernier. En outre, je vous recommande - ô musulmans - ainsi qu’à ma personne pécheresse la crainte révérencielle d’Allâh - Exalté soit-Il.
Ô serviteurs de Dieu :
Chacun sait que l’émigration de l’Élu - paix et bénédictions sur lui - et de ses Compagnons de La Mecque Honorée vers Médine La Lumineuse était une épreuve, qui précéda la magnifique victoire qu’Allâh - Exalté soit-Il - accorda à Son Messager, Mohammad - paix et bénédictions sur lui -, et à ses preux et nobles Compagnons. Chacun sait que cette dure épreuve consista à s’éloigner et à abandonner sa patrie, sans savoir si on y retournerait un jour ou non. Elle consista à abandonner les terres, les biens, les habitations, et parfois à abandonner épouse, enfants et famille. Les musulmans se coupèrent ainsi de tous leurs acquis qui s’opposaient à leur adhésion à la religion d’Allâh - Exalté soit-Il - et à leur dévouement envers Lui. Puis, après s’être coupés de leurs acquis, ils partirent pour cette terre connue pour son climat insalubre. Ils partient pour Yathrib [1] avec la certitude qu’ils exécutaient ainsi le commandement de leur Seigneur et Créateur - Exalté soit-Il -, et, ce faisant, ils ne visaient aucune récompense dans l’ici-bas ou dans l’au-delà. Il suffit que l’Élu - paix et bénédictions sur lui - reçût de la part de son Seigneur l’ordre d’émigrer et ils émigrèrent avec lui, se lavant les mains, pour ce faire, de tout bien, de toute propriété, de toute épouse et enfants et se dirigeant - comme je vous l’ai dit - vers une terre connue pour son insalubrité et son mauvais climat, si bien que l’Élu - paix et bénédictions sur lui - pria son Seigneur disant : « Seigneur, fais nous aimer Médine comme Tu nous as fait aimer La Mecque et transporte son insalubrité vers Mahyaʿah [2]. »
Puis, l’Élu regarda avec compassion ses Compagnons qui venaient de renoncer à leurs acquis. Ils étaient affamés et dénudés, ils étaient désintéressés de leur vie ici-bas. Il leva alors les mains implorant : « Seigneur, ils sont en ce jour affamés, nourris-les. Ils sont dénudés, habille-les. Ils sont pauvres, pourvoie pour eux. » Je ne vais pas citer les récits que vous avez maintes et maintes fois entendus, intéressons-nous plutôt à la leçon que l’on peut tirer du récit de cette émigration à notre époque. Grâce à quelle force réussirent-ils cette épreuve ? Quel mobile les poussa à abandonner tout ce qu’ils possédaient et à se diriger vers Médine la Lumineuse avec pour unique bagage la confiance en Allâh et leur conviction qu’il est nécessaire de Lui obéir ? Quel est ce capital qui leur permit de réussir dans cette épreuve ? Il s’agit de la confiance en la promesse d’Allâh et l’engagement qu’Allâh - Exalté soit-Il - a pris sur Son Être Suprême. Ils avaient entendu Sa Parole - Exalté soit-Il - : « Et c’était Notre devoir de secourir les croyants » [3] Ils avaient entendu Sa Parole - Exalté soit-Il - : « Si Allah vous donne Son secours, nul ne peut vous vaincre. S’Il vous abandonne, qui donc après Lui vous donnera secours ? C’est à Allah que les croyants doivent faire confiance. » [4] Ils avaient entendu Sa Parole - Exalté soit-Il - : « Mais c’est Allah votre Maître. Il est le meilleur des secoureurs. § Nous allons jeter l’effroi dans les cœurs des mécréants. Car ils ont associé à Allah (des idoles) sans aucune preuve descendue de Sa part. » [5] « Assurément Nous anéantirons les injustes, § et vous établirons dans le pays après eux. Cela est pour celui qui craint Ma présence et craint Ma menace ». [6] « Mais Nous voulions favoriser ceux qui avaient été faibles sur terre et en faire des dirigeants et en faire les héritiers » [7] Ces promesses et engagements divins scellèrent leurs ouïes et s’emparèrent de leurs cœurs. Ils savaient que c’était la Parole d’Allâh et que la Parole d’Allâh - Exalté soit-Il - était la vérité que rien ne pouvait altérer. C’est ce qui leur donna le courage et leur facilita la décision d’abandonner le peu qu’ils détenaient comme terre et patrie, comme habitations et familles, et tout ce qui pouvait constituer un obstacle sur leur cheminement vers Allâh - Exalté soit-Il. Ils réussirent dans cette épreuve grâce à leur confiance en ces paroles divines.
La leçon que nous pouvons en tirer, chers frères, c’est que ces Paroles d’Allâh - Exalté soit-Il - qu’Il a dites et répétées ne s’adressent pas uniquement aux premiers musulmans, cela s’adresse à l’ensemble des serviteurs d’Allâh, cela s’adresse aux croyants de tous les temps et à travers les âges : « Et c’était Notre devoir de secourir les croyants ». Il n’a pas dit « secourir les compagnons du Messager d’Allâh » mais « et c’était Notre devoir de secourir les croyants ». De même, le discours est adressé aux croyants à travers le temps lorsqu’Il dit : « Si Allah vous donne Son secours, nul ne peut vous vaincre. S’Il vous abandonne, qui donc après Lui vous donnera secours ? » Et lorsqu’Il dit : « Mais Nous voulions favoriser ceux qui avaient été faibles », le discours divin désigne les faibles parmi les serviteurs d’Allâh qui sont confiants en Son secours de tout temps. De même, lorsqu’Il dit « Allâh est l’Allié des croyants, Il les sort des ténèbres vers la lumière » [8], le discours divin s’adressait et s’adresse toujours aux croyants de tout temps.
Quelle différence y a-t-il donc entre les croyants de nos jours et ces croyants parmi les Compagnons du Messager d’Allâh ? Ceux-là qui entendirent ce discours divin, répété et confirmé, placèrent leur confiance en la Parole d’Allâh et y apportèrent foi, comme s’ils voyaient ce qu’Allâh leur promettait. Quant à nous, nous récitons et répétons ces versets très fréquemment, et à diverses occasions, mais où sont donc ces gens dont les cœurs sont accaparés par les promesses divines ? Où sont ces gens qui placent leur confiance dans les promesses de Dieu et l’engagement qu’Il prit sur Son Être Suprême, à l’instar des Compagnons du Messager d’Allâh - paix et bénédictions sur lui ? Telle est la différence entre nous et eux. En découlent les fruits délicieux que cette première génération récolta d’une part, et les conséquences humiliantes et le bourbier que nous connaissons aujourd’hui, d’autres part. Ceux-là placèrent leur confiance en le Créateur - Exalté soit-Il - et abandonnèrent pour cela la patrie, les ornements de ce monde, le clan, ils abandonnèrent tout et embrassèrent l’insalubrité et la terre au mauvais climat. Car leur consolation était la Parole d’Allâh - Exalté soit-Il - : « Et c’était Notre devoir de secourir les croyants », Allâh les secourut et les ramena - Exalté soit-Il - à leur patrie avec les honneurs dont ils s’était jadis dépourvus. Il leur octroya généreusement un supplément de terres, et des biens plusieurs fois supérieurs à ceux qu’ils avaient abandonnés dans le sentier d’Allâh - Exalté soit-Il. Se réalisa à leur égard la Parole du Très-Haut : « Et c’était Notre devoir de secourir les croyants » et Sa Parole - Exalté soit-Il - « Mais c’est Allah votre Maître. Il est le meilleur des secoureurs. § Nous allons jeter l’effroi dans les cœurs des mécréants. » Tout ceci se réalisa.
Quant à nous, nous voici écoutant ces discours divins comme ils les écoutèrent, nous voici méditant comme ils méditèrent, mais où sont ceux qui se réjouissent de ces discours divins ? Où sont ceux qui feraient de leurs cerveaux des réceptacles de la certitude en ces promesses divines sur lesquelles Allâh - Exalté soit-Il - engagea Son Être Suprême ? Méditez et observez, vous verrez que la majorité des musulmans sont isolés du discours d’Allâh - Exalté soit-Il - et sont sous l’emprise de leurs passions, de leurs pulsions, de leurs désirs, et de l’ici-bas. Les résultats obtenus dans nos vies sont donc logiquement à l’opposé des résultats obtenus par nos devanciers. Ceux-là, Allâh - Exalté soit-Il - projeta l’effroi dans le cœur de leurs ennemis, mais nous, Allâh - Exalté soit-Il - galvanise les cœurs et renforce le despotisme de nos ennemis à chaque fois qu’ils veulent nous agresser ou réaliser un dessein à notre détriment. Voyez le contraste, chers frères. Ainsi va l’adage : « L’individu est à la place où il se met ». Mets-toi en position de fierté de la vérité sur laquelle Allâh a engagé son Être Suprême. Mets-toi en position de certitude vis-à-vis de ce qu’Allâh - Exalté soit-Il - t’a promis. Vois alors comment Allâh projette l’effroi à ton égard dans le cœur de tes ennemis et de Ses ennemis. Mais il n’en sera rien si tu te détournes de la parole d’Allâh - Exalté soit-Il - et que tu considères la religion d’une manière traditionnelle si bien que ta relation avec elle ne dépasse pas le rapport d’une nation avec son héritage, comme on dit de nos jours. Un héritage, un simple héritage, voila ce qui est advenu à la religion pour laquelle nous avons été créés, voila ce qui est advenu au culte qui définit notre identité sur cette terre. Il ne s’agit plus que d’un héritage légué par les aïeux auquel nous sommes liés dans les limites de nos intérêts personnels ; si nous voyons que nos désirs et passions, que nos humeurs variables s’y opposent, alors nous embrassons très facilement la modernité, le renouveau, la modification et l’altération, nous embrassons ce à quoi nous invite notre ennemi inconséquent.
Telle est notre situation. Et c’est pourquoi Allâh - Exalté soit-Il - nous a livré à nous-mêmes. Il nous a livré à cette situation dont nous souffrons. D’où viendrait sinon cette arrogance que notre ennemi manifeste à notre égard ? D’où vient ce despotisme ? Les cœurs des serviteurs sont entre deux doigts du Très Miséricordieux [9], Il les retourne comme Il l’entend. Il est dès lors impossible pour une communauté d’être l’humiliée à moins qu’elle coupe ses liens avec Allâh - Exalté soit-Il -, comme il est impossible qu’Allâh - Exalté soit-Il - la soumette à un ennemi d’Allâh et à un ennemi de cette communauté sauf si elle s’écarte du pacte, trahit le dépôt et jette derrière elle la Parole dont Allâh l’a honorée. Certes, telle est notre situation.
Que nul ne dise : nous voici répétant la parole d’Allâh nuit et jour, nous voici écoutant le Coran cantilé par les voix les plus mélodieuses sur diverses radios et chaînes satellitaires. Chers frères, il s’agit là de cadres. Regardez plutôt l’intérieur du cadre, au lieu de regarder le cadre lui-même. Le cadre est orné mais son contenu est honteux, son contenu est certes honteux. Notre ennemi inconséquent nous fait entendre que nous devons abandonner notre religion, que nous devons modifier les programmes éducatifs dans nos sociétés, que nous devons dire adieu définitivement à cette religion. Viennent alors des gens dans notre monde arabo-musulman qui se jettent à plat ventre, que ce soit par l’attitude ou par la parole, et conviennent que : « À vos ordres, nous allons apporter les changements et les modifications que vous voulez. » Où est le dieu qui détient le pouvoir sur les individus et sur les cœurs, qui contrôle les cœurs de Ses serviteurs et qui a décrété une unique condition pour qu’Il chasse vos ennemis de vos demeures et les humilie. Cette condition c’est que vous soyiez sincères avec Allâh à l’instar des Compagnons du Messager d’Allâh ; autrement dit, que vous ayiez confiance dans les promesses réitérées sur lesquelles Il a engagé Son Être Suprême : « Et c’était Notre devoir de secourir les croyants » Qui dit cela ? Allâh. « Si Allah vous donne Son secours, nul ne peut vous vaincre. S’Il vous abandonne, qui donc après Lui vous donnera secours ? » Qui dit cela ? Allâh. « Mais c’est Allah votre Maître. Il est le meilleur des secoureurs. § Nous allons jeter l’effroi dans les cœurs des mécréants. » Si vous avez la foi et que vous êtes confiants en la Parole d’Allâh - Exalté soit-Il -, se réalisera la promesse véridique de Celui Qui dit : « Mais Nous voulions favoriser ceux qui avaient été faibles sur terre et en faire des dirigeants et en faire les héritiers », c’est-à-dire Allâh - Exalté soit-Il. Lorsque nous placerons notre confiance en ces Paroles et que nous renouvellerons notre pacte avec Allâh, Allâh - Exalté soit-Il - créera dans notre vie les merveilles de la victoire et de la puissance. Mais il n’en sera rien si nous ourdissons des plans divers et variés ayant une seule visée, qui n’est autre que le déchirement de cette religion, et sa transformation en des choses ténébreuses, si bien qu’il n’en resterait que des traces, des choses comme le soit-disant renouveau, la modernité, la laïcité, la modification du discours religieux, le changement ; tous ces slogans que vous entendez sont autant de plans issus de plans étrangers dont je suis certain, et visant à dévêtir cette communauté de l’habit de sa religion et d’arracher les restes ultimes de sa civilisation. Que lui restera-t-il ? Il ne lui restera plus qu’à devenir un esclave fouillant les poubelles de la civilisation occidentale putride, dont les odeurs se sont déclarées et qui s’est avérée être un fléau qui décime les cultures et les progénitures.
Telle est la leçon que nous devons tirer de l’hégire, de l’émigration de l’Élu - paix et bénédictions sur lui. Enfin, j’implore le pardon d’Allâh le Majestueux.
Traduit de l’arabe du site bouti.com.
[1] Yathrib est le nom anté-islamique de Médine la Lumineuse (Al-Madînah Al-Munawwarah). NdT.
[2] On dit aussi Mahîʿah. Il s’agit d’un village détruit et ravagé en Arabie. NdT.
[3] Sourate 30, Ar-Rûm, verset 47.
[4] Sourate 3, Âl ʿImrân, La famille d’Amram, verset 160.
[5] Sourate 3, Âl ʿImrân, La famille d’Amram, versets 150 et 151.
[6] Sourate 14, Ibrâhîm, Abraham, versets 13 et 14.
[7] Sourate 28, Al-Qasas, Les récits, verset 5.
[8] Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, verset 257.
[9] Allâh détient les cœurs et Il est - Exalté soit-Il - Omnipotent. Toute chose est à Sa merci. Nul et rien n’est comme Lui. NdT.
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