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Le versement de la zakâh aux proches

mercredi 1er octobre 2003

Question

J’ai entendu dire que l’on ne pouvait pas verser l’aumône légale purificatrice (zakâh) aux proches. Est-ce exact ?

Réponse de Sheikh ʿAtiyyah Saqr

On distingue deux catégories de proches : ceux dont la charge revient à l’individu comme les parents, les enfants et l’épouse, et ceux dont l’individu n’est pas tenu de subvenir aux besoins tels que les oncles et les tantes paternels et maternels.

Les juristes sont unanimes quant à la possibilité de verser la zakâh à cette seconde catégorie. Ils jugent même qu’elle est plus prioritaire car cela remplit un double objectif, à la fois la zakâh et l’entretien des liens de parenté, comme en atteste le hadîth rapporté par Ahmad, Ibn Mâjah, An-Nasâ’î, et At-Tirmidhî qui le jugea bon, ainsi que par Ibn Khuzaymah et Ibn Hibbân respectivement dans leur Sahîh, selon lequel le Prophète - paix et bénédictions sur lui - dit : "L’aumône faite au démuni est une aumône simple, et celle faite à un proche est double car c’est à la fois une aumône et un entretien des liens de parenté."

En ce qui concerne la première catégorie, à savoir ceux que l’individu est tenu de prendre en charge, il y a unanimité sur le fait que l’on ne peut pas leur verser la zakâh étant donné que celui qui souhaite s’acquitter de la zakâh est tenu préalablement de pourvoir à leurs besoins de sorte qu’ils ne soient plus considérés comme pauvres, ni démunis méritant la zakâh. Par conséquent, dans ce cas, celui qui s’acquitte de la zakâh est suffisamment riche pour pourvoir à lui-même et à ceux qui sont à sa charge. Ces derniers n’ont donc plus besoin de la zakâh. Ainsi n’est-il pas possible de verser la zakâh aux parents, ni aux jeunes enfants, ni aux enfants adultes capables de gagner leur vie. De même, la charge financière de l’épouse incombe à son mari qui ne peut donc pas lui verser la zakâh, car le versement de la zakâh aux membres de la famille à charge revient à la verser à soi-même étant donné que cela allégera la charge financière qui incombe à l’individu vis-à-vis de sa famille.

Al-Athram rapporte dans ses Sunan qu’Ibn ʿAbbâs dit : "Si le nécessiteux est un proche dont la charge ne t’incombe pas, alors verse-lui de ta zakâh. Sinon, ne lui en donne pas et n’en donne point à ta famille à charge." [1] Cependant, Ash-Shawkânî est d’avis que l’on peut verser la zakâh aux proches, que leur charge incombe à celui qui paye la zakâh ou non. Il fonde son opinion sur le hadîth rapporté par Al-Bukhârî et Muslim concernant Zaynab, l’épouse de ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd Ath-Thaqafî, et une autre femme avec elle, où l’on demanda au Prophète - paix et bénédictions sur lui - : "L’aumône versée par elles à leurs époux respectifs ainsi qu’aux orphelins placés sous leur tutelle est-elle valable ?" Il répondit : "Par ce geste, elles ont deux rétributions, celle de l’entretien des liens familiaux et celle de l’aumône."

De même, une narration d’Al-Bukhârî selon Abû Saʿîd mentionne que : "Ton époux et tes enfants sont les plus prioritaires parmi les ayants droit à l’aumône." Ash-Shawkanî argue que le Prophète - paix et bénédictions sur lui - n’a pas demandé de détails pour déterminer s’il s’agissait d’une aumône prescrite (la zakâh) ou d’une aumône surérogatoire. Or, le fait de ne pas demander de clarification donne une portée générale au propos, étant entendu que les choses sont originellement permises. Par conséquent, celui qui prétend que la proximité des liens familiaux ou le fait que la charge financière revient à l’intéressé sont des raisons empêchant le versement de la zakâh doit produire une preuve, et il n’y en a aucune. Ash-Shawkânî autorise cela car la mère n’est pas tenue de pourvoir à l’enfant du vivant de son père. Mais on pourrait objecter qu’il est possible (dans le récit susmentionné) que les orphelins ne soient pas les enfants de la femme et qu’il lui soit possible, par conséquent, de leur verser la zakâh.

On rapporte selon Mâlik que les personnes qui ne sont pas habiles à percevoir la zakâh sont les père et mère et les enfants. Les grand-parents et les autres ascendants directs, ainsi que les petits-enfants et les autres descendants directs, ceux-là peuvent percevoir la zakâh. Quant aux autres personnes à charge hormis les ascendants et les descendants, comme l’époux et l’épouse, les Imâms Mâlik et Ash-Shâfiʿî sont d’avis que l’argent qui leur est donné ne compte pas au titre de la zakâh, tandis que Abû Hanîfah et ses disciples pensent que cela est admissible et valable et ce, en raison de la portée générale des textes concernant l’aumône aux proches, où aucune distinction n’est faite entre les proches à charge et les autres proches, comme l’explique Ash-Shawkânî.

Tout ce qui précède concerne l’aumône obligatoire qu’est la zakâh. Quant à l’aumône volontaire, les proches de manière générale sont préférés à autrui comme nous l’avons mentionné précédemment. Parmi les textes incitant à dépenser en faveur des proches, il y a le hadîth suivant rapporté par Muslim : "Entre un dinar dépensé dans la voie de Dieu, un dinar dépensé pour libérer un esclave, un dinar dépensé donné en aumône à un démuni, et un dinar dépensé au profit des tiens, celui dépensé au profit des tiens te vaudra la plus grande rétribution."

Dans Tafsîr Al-Qurtubî [2], il est admis qu’une femme verse sa zakâh à son époux pauvre, conformément au hadith de Zaynab Ath-Thaqafiyyah, quand bien même il en userait pour l’entretenir comme le fit Ibn Habîb. Abû Hanîfah, quant à lui, est d’avis que cela n’est pas admissible, tandis que ses deux disciples ont soutenu l’avis contraire. Ash-Shâfiʿî, Abû Thawr et Ashhab voient que cela est permis tant que l’époux ne dépense pas cet argent pour les besoins de son épouse mais plutôt pour ses besoins personnels ou pour se vêtir, tandis qu’il subviendrait aux besoins de son épouse de son argent à lui.

Dans Al-Fatâwâ Al-Islâmiyyah [3] : "S’il verse la zakâh à une personne dont la charge lui incombe, cela est admis tant qu’il ne décompte pas cet argent de leur pension, exception faite de l’épouse, des ascendants et des descendants, comme cela est détaillé dans une fatwa du volume 5, page 1799."

P.-S.

Traduit de l’arabe de la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.

Notes

[1Conférer Nayl Al-Awtâr d’Ash-Shawkânî, volume 4, page 189.

[2Conférer Tafsîr Al-Qurtubî, volume 8, page 190.

[3Al-Fatâwâ Al-Islâmiyyah, volume 1, page 115.

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