lundi 28 novembre 2005
Le terme sunnah s’emploie dans la langue (arabe) pour désigner diverses choses. On l’emploie pour désigner le visage pour son poli et son satiné, ou encore pour son arrondi, son apparence, voire son front et ses tempes ; toutes ces considérations renvoient à l’aspect lisse du visage. On qualifie un visage de masnûn lorsqu’il est façonné et lisse [...]. On parle de la sunnah du visage pour désigner ses contours arrondis, ou encore son apparence, comme dans la poésie de Dhû Ar-Rummah :
Turîka Sunnat Wajhin Ghayra Muqrifatin *** Malsâ’a Laysa Bihâ Khâlun wa lâ Nadbun
Traduction :
Elle te montre une face sans défauts *** Lisse et saine de toute aspérité
De même, Al-Aʿshâ dit :
Karîman Shamâ’iluhu Min Banî *** Muʿâwiyata Al-Akramîna As-Sunana
Traduction :
Vertueux de caractère parmi les Enfants de *** Muʿâwiyah aux beaux visages
La sunnah désigne l’apparence et la partie du visage vu de face. On parle également de la sunnah de la joue signifiant son plat. Fin de citation. [1]
Al-Azharî dit : « La sunnah désigne la manière louable et droite. D’où l’expression : “Untel fait partie des gens de la Sunnah” (Ahl As-Sunnah) c’est-à-dire qu’il fait partie des gens de la voie droite et louable. » La sunnah désigne également la nature, sens que certains donnèrent au vers de poésie d’Al-Aʿshâ mentionné précédemment.
Karîman Shamâ’iluhu Min Banî *** Muʿâwiyata Al-Akramîna As-Sunana [2]
Nous avons vu précédemment que certains donnèrent au terme sunan [3] dans ce vers le sens de visages, tandis que d’autres lui donnèrent le sens de natures.
Ar-Râghib dit : « La sunnah du Prophète — paix et bénédictions sur lui — désigne les manières auxquelles il était attaché. La sunnah de Dieu — Exalté soit-Il — s’emploie pour désigner comment est Sa Sagesse et la manière de Lui obéir. » [4] La sunnah désigne l’historique fût-il bon ou mauvais. Le poète Khâlid Ibn ʿUtbah Al-Hudhalî dit :
Falâ Tajzaʿanna bi-Sîratin Anta Sirtahâ *** fa-Awwalu Râdin Sunnatan Man Yasîruhâ
Traduction :
Ne sois pas affligé de l’historique que tu as forgé *** Car le premier à agréer un historique est celui qui le forge
Et dans le Livre Saint : « Qu’est-ce donc qui a empêché les gens de croire, lorsque la guidance leur est venue, ainsi que de demander pardon à leur Seigneur, si ce n’est qu’ils veulent subir le sort des Anciens (sunnat ul-awwalîn), ou se trouver face à face avec le châtiment. » [5] Az-Zajjâj dit : « Le sort des Anciens fut de subir le châtiment. » [...] De même, dans le hadîth : « Quiconque initie une bonne sunnah (coutume ou manière) en recevra la rétribution et une rétribution (égale à) ceux qui la perpétuent et quiconque initie une mauvaise sunnah [...] » [6] ; ce hadith vise toute personne à l’origine d’une pratique et se posant en exemple à suivre. On dit de toute personne ayant initié une pratique perpétuée par un groupe de gens après elle qu’elle est à l’origine de cette sunnah (en arabe : sannahu).
Le terme sunnah fut employé à diverses occasions avec différentes acceptions. Quoiqu’il en soit, à l’origine, il signifie la manière et l’historique. Lorsque ce terme est utilisé dans le domaine de la sharîʿah, il désigne tout ce que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — a ordonné, interdit, ou recommandé, que ce soit verbalement ou par les actes. C’est pourquoi on dit que les références de la sharîʿah sont le Livre et la Sunnah c’est-à-dire le Coran et le Hadîth. Fin de citation. [7]
Ce terme figure à différents endroits dans le Noble Coran et désigne la coutume ininterrompue et l’usage suivi. Le très-Haut dit en effet : « Avant vous, certes, il y a eu diverses coutumes. » [8] Il dit également — Exalté soit-Il — : « Telle fut Notre coutume avec Nos messagers envoyés avant toi. » [9] et « Telle est la coutume d’Allâh avec les générations passées. Et tu ne trouveras jamais de changement à la coutume d’Allâh. » [10]
Différentes définitions de la sunnah firent leur apparition dans le jargon des savants religieux, et ce, en fonction du domaine d’étude dont ils faisaient leur spécialité. La multiplication des disciplines s’intéressant à la Sunnah donna naissance à des définitions précises dans chacune des disciplines en question : « Les savants des Fondements du Fiqh s’intéressent à la recherche des preuves juridiques ; les savants du Hadîth se soucient de la transmission des traditions attribuées au Prophète — paix et bénédictions sur lui — ; les savants du Fiqh s’intéressent à la recherche des règlements juridiques liés aux obligations (fard), aux devoirs (wâjib), aux recommandations (mandûb), aux interdits (harâm) et aux choses indésirables (makrûh) ; les prédicateurs quant à eux s’intéressent à tout ce que la législation ordonne ou proscrit. » [11]
Les savants des fondements définissent la Sunnah comme étant tout ce qu’on rapporte de la part du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, hormis le Coran, et comprenant ses paroles, ses actes, et ses approbations, et pouvant servir de preuve pour un règlement juridique. Certains savants des fondements donnent cette appellation aux pratiques des Compagnons du Messager — paix et bénédictions sur lui —, que celles-ci figurent dans le Coran, ou dans les traditions du Messager — paix et bénédictions sur lui — ou que cela soit le fruit d’un effort venant proprement des Compagnons tel que la compilation du codex (mushaf) ou la consignation des recueils (de hadîths).
Les savants du Fiqh définissent la Sunnah comme étant tout ce qui est établi comme venant du Prophète — paix et bénédictions sur lui — sans être ni une obligation ni un devoir. Les choses de cet ordre appartiennent à une classe juridique comprenant les actes qu’il est désirable d’accomplir, mais dont l’abandon n’entraîne pas de châtiment : « On l’emploie pour désigner le contraire de la bidʿah (innovation religieuse), comme lorsqu’on dit : “Untel fait partie des Gens de la Sunnah.” » Fin de citation. [12]
Les prédicateurs emploient ce terme par opposition à l’innovation religieuse. Ils disent par exemple qu’untel fait partie des Gens de la Sunnah lorsqu’il agit conformément à la pratique du Prophète — paix et bénédictions sur lui — qu’il s’agisse d’une chose mentionnée dans le Livre Saint ou non. Ils disent aussi qu’untel pratique une innovation, s’il est à l’opposé de cela.
Les savants du Hadîth emploient ce terme pour désigner les paroles du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, ses actes, ses traits de caractère, sa biographie, ses expéditions militaires, et certains récits le concernant. Certains savants donnent cette désignation « aux paroles du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, à ses actes et à ses états » [13], ce qui englobe la définition précédente car ses états englobent ses belles vertus, ses traits de caractère magnifiques ainsi que ses actes nobles. Certains savants définissent la Sunnah comme étant « tout ce qu’on attribue au Prophète — paix et bénédictions sur lui — comme paroles, actes, approbations ou traits ». [14] Ces définitions sont néanmoins très proches. Elles s’accordent toutes sur le fait que la Sunnah prophétique désigne dans la terminologie des savants du Hadîth les paroles du Messager — paix et bénédictions sur lui —, ses actes, ses approbations, ainsi que ses traits moraux et physiques. En fait donc partie la plupart des récits concernant sa biographie comme la date et le lieu de sa naissance, ses retraites spirituelles dans la grotte de Hirâ’ et divers événements ayant précédé ou suivi l’avènement de sa mission prophétique.
Traduit de l’arabe du livre de Dr Ahmad ʿUmar Hâshim, As-Sunnah An-Nabawiyyah wa ʿUlûmuhâ, éditions Gharîb, ISBN 977-172-232-8.
[1] Lisân Al-ʿArab, volume 13, p. 224. Beyrouth.
[2] Tâj Al-ʿArûs, volume 9, p. 344. Beyrouth.
[3] Sunan est le pluriel de sunnah. NdT.
[4] ibid.
[5] Sourate 18, Al-Kahf, La caverne, verset 55.
[6] L’Imâm Muslim rapporta d’après Al-Mundhir Ibn Jarîr, selon son père, que le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — dit : « Man Sanna fil-Islâm Sunnatan Hasanatan fa-Lahu Ajruhâ wa Ajru Man ʿAmila Bihâ Baʿdahu Min Ghayri An Yanqusa Min Ujûrihim Shay’. Wa Man Sanna fil-Islâm Sunnatan Sayyi’atan Kân ʿAlayhi Wizruhâ wa Wizru Man ʿAmila Bihâ Baʿdahu Min Ghayri An Yanqusa Min Awzârihim Shay’ ». (« Quiconque initie en islam une bonne sunnah en recevra la rétribution et une rétribution égale à ceux qui la perpétuent après lui sans que cela n’amoindrisse leur rétribution. Quiconque initie en islam une mauvaise sunnah en portera le péché et un péché égal à ceux qui la perpétuent après lui sans que cela ne les décharge de leur péché. »). Conférer Sahîh Muslim, volume 2, p. 705. At-Tirmidhî en rapporta une variante également : « Man Sanna Sunnata Khayrin Fattubiʿa ʿAlayhâ fa-Lahu Ajruhu wa Mithlu Ujûri Man Ittabaʿahu Ghayru Manqûsin Min Ujûrihim Shay’an. Wa Man Sanna Sunnata Sharrin Fattubiʿa ʿAlayhâ Kân ʿAlayhi Wizruhu wa Mithlu Awzâri Man Ittabaʿahu Ghayru Manqûsin Min Awzârihim Shay’an ». Conférer Sunan At-Tirmidhî, volume 4, p. 149. Ce dernier jugea ce hadîth bon. Il fut également rapporté par l’Imâm Ahmad dans son Musnad, volume 1, P. 193, éditions As-Sâʿâtî, et par Ad-Dârimî, volume 1, p. 107.
[7] Lisân Al-ʿArab, volume 13, p. 225. Beyrouth.
[8] Sourate 3, Âl ʿImrân, La famille d’Amram, verset 137.
[9] Sourate 17, Al-Isrâ’, La voyage nocturne, verset 77.
[10] Sourate 48, Al-Fath, La conquête, verset 23.
[11] Al-Hadîth wal-Muhaddithûn, page 1.
[12] Irshâd Al-Fuhûl, page 31.
[13] Tadrîb Ar-Râwî, page 5.
[14] Qawâʿid At-Tahdîth, page 61.
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