mercredi 21 septembre 2005
Beaucoup de gens — puisse Dieu les guider — se trompent lorsqu’il s’agit de comprendre l’essence des raisons qui excluent un individu du cercle de l’Islam et légitiment son excommunication (takfîr). On les voit s’empresser d’excommunier un musulman pour peu qu’il diverge d’avec eux sur la moindre question, si bien qu’il ne resterait sur terre que très peu de musulmans. Nous nous efforçons d’excuser ces personnes et de penser le bien d’eux, supposant qu’au fond leur intention est bonne et qu’elle procède de l’injonction du convenable et de l’interdiction du blâmable. Toutefois, ces gens oublient que le devoir d’enjoindre le bien et d’interdire le mal doit être accompli avec sagesse et bonne exhortation. Lorsque le débat s’impose, cela doit se dérouler de la meilleure manière, conformément à Sa Parole : « Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. [...] » [1]. En effet, une opinion formulée avec cette éthique est plus à même d’être acceptée et plus susceptible de réaliser le but espéré. S’écarter de cette ligne de conduite n’est qu’erreur et sottise.
Lorsque tu appelles un musulman qui prie, respecte les prescriptions divines, évite les interdits, prêche le Message de Dieu, construit des mosquées, érige des instituts islamiques, lorsque tu l’appelles à adhérer à une opinion que tu crois juste alors qu’il opte pour une opinion différente, concernant un sujet faisant l’objet de divergences de longue date entre les savants, si tu jettes l’anathème sur lui simplement parce qu’il ne se conforme pas à ton opinion, alors tu auras commis un péché gravissime et un acte abominable que Dieu t’a interdit, dans une situation où Il t’a recommandé de faire appel à la sagesse et à la bonne exhortation.
L’Imam érudit le Sieur Ahmad Mashhûr Al-Haddâd dit : « Il y a unanimité sur l’interdiction de jeter l’anathème sur un musulman, sauf s’il renie l’existence du Créateur Omnipotent — Gloire à Lui—, ou s’il commet un acte d’associationnisme (shirk) explicite n’admettant aucune interprétation, ou s’il renie le statut du Prophète ou une chose nécessairement connue de la religion, ou encore s’il renie une chose faisant l’objet d’une transmission abondante (tawâtur) ou d’une unanimité nécessairement établie dans la religion ».
On compte parmi les choses nécessairement connues de la religion, le monothéisme, la foi en les Prophètes, croire que le Message divin fut scellé par Mohammad — paix et bénédictions sur lui —, la foi en la résurrection, le jugement et la rétribution le Jour Dernier, et la foi en l’Enfer et au Paradis. Quiconque renie ce qui est nécessairement connu dans la religion est jugé mécréant. Il n’est point possible pour un musulman d’invoquer l’ignorance concernant ces questions, sauf s’il s’agit d’un converti récent. Ce dernier est excusé jusqu’à qu’il en soit instruit ; il n’aura point d’excuse après cela.
Le terme mutawâtir (concordant) désigne toute narration rapportée par un grand nombre de narrateurs de la part d’un grand nombre d’autres narrateurs si bien qu’il n’est guère possible qu’ils se soient accordés pour fomenter un mensonge. Le tawâtur (la concordance) peut se réaliser au niveau de la chaîne de narration à l’instar du hadith : « Quiconque ment à mon compte délibérément aura mérité son siège en Enfer ». Il peut s’agir également d’une concordance au niveau de chaque génération, à l’instar du Coran qui s’est répandu aux quatre coins de la terre, en Orient et en Occident, a été enseigné, récité, mémorisé, et transmis par une foule de prédécesseurs à une foule de successeurs, de génération en génération, si bien qu’il n’est plus nécessaire de retracer une chaîne de narration.
Il y a également une concordance au plan des actes hérités, à l’instar des œuvres qui se poursuivent depuis l’ère prophétique jusqu’à nos jours. Il y a concordance au plan des connaissances, comme la connaissance des miracles prophétiques dont les énoncés, bien que certains soient transmis de manière isolée (âhâd), présentent un dénominateur commun concordant et connu au delà de tout doute possible pour tout individu musulman.
Jeter l’anathème sur un musulman dans des contextes autres que ceux que nous avons exposés est une affaire très dangereuse, car, selon le hadith prophétique : « Si un homme traite son frère de mécréant, alors l’un des deux aura mérité cette qualification », rapporté par Al-Bukhârî selon Abû Hurayrah.
En outre, l’excommunication ne doit être prononcée que par celui qui, par la lumière de la Législation, connaît les tenants et aboutissants de la mécréance et les limites séparant la mécréance de la foi selon la Législation impeccable.
Par conséquent, il n’est nullement permis de se précipiter dans ce domaine, ni de jeter l’anathème pour la moindre illusion ou conjecture, sans vérification, ni certitude et sans science solide. Autrement, ce sera un déluge qui emportera tout sur son chemin, et il ne restera que peu de musulmans sur terre. De même, il est inadmissible de jeter l’anathème en invoquant la perpétration des péchés sans considération pour la foi et pour la reconnaissance de la profession de foi. En effet, Anas — qu’Allâh l’agrée — a rapporté que le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — a dit : « Trois choses font partie intégrante de la foi : Ne pas nuire à celui qui dit "Il n’y a de divinité qu’Allâh", nous ne jetterons pas l’anathème sur lui à cause d’un péché et ne l’excomunierons pas pour un acte ; le jihâd perdurera depuis l’instant où Dieu m’a envoyé jusqu’à ce que les derniers de ma communauté combattent le Dajjâl [2] et ne sera point annulé par l’injustice d’un tyran ni par la justice d’un juste ; et la foi en la destinée. » [3]
L’Imâm des deux Sanctuaires disait : « Si l’on nous demandait de dresser la liste des paroles justifiant l’excommunication et celles ne la justifiant pas, nous dirions : “En voilà une visée hors de portée et une peine perdue aux sentiers tortueux qui prend sa source dans les fondements du monothéisme. Quiconque n’a pas reçu les vérités ultimes ne peut guère tirer de conclusion des caractéristiques de l’excommunication.” »
Pour toutes ces raisons, nous mettons en garde contre l’anathématisation hasardeuse ne concernant pas les domaines susmentionnés car cela est extrêmement dangereux. C’est Dieu qui guide vers le droit chemin et c’est vers Lui que se fera le retour.
Traduit de l’arabe de Mafâhîm Yajib An Tusahhah de Sheikh Mohammad ʿAlawî Al-Mâlikî — qu’Allâh lui fasse miséricorde —.
[1] Sourate 16, An-Nahl, Les abeilles, verset 125.
[2] Ad-Dajjâl, ou l’Imposteur, désigne un charlatan qui apparaîtra à la fin des temps et soumettra les fidèles à la tentation. NdT.
[3] Rapporté par Abû Dâwûd. La chaîne de transmission de ce hadîth est faible, comme le souligne l’Imâm As-Suyûtî dans Al-Jâmiʿ As-Saghîr. Néanmoins, l’enseignement qu’il véhicule fait partie des principes établis de Ahl As-Sunnah wal-Jamâʿah, contrairement à la secte des Muʿtazilites pour qui les péchés excluent celui qui les commet du cercle de l’islam. NdT.
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