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Salâh Ad-Dîn Al-Ayyûbî - Saladin

mardi 22 avril 2003

Salâh Ad-Dîn Al-Ayyûbî - Saladin (1138 - 1193)

Un preux chevalier et un noble héros

Il fut connu dans les livres d’Histoire, en Orient et en Occident, comme un preux chevalier, comme un noble héros, comme l’un des plus grands chefs d’État que l’humanité eût jamais connus. Avant même ses amis et ses biographes, ce sont ses ennemis croisés qui furent les premiers à reconnaître sa noblesse de caractère. Il fut le type d’un homme colossal façonné par l’Islam. Il s’agit du héros Salâh Ad-Dîn Al-Ayyûbî, dit Saladin, le libérateur de Jérusalem et le héros de la bataille de Hattin [1].

Le destin voulut que Salâh Ad-Dîn Al-Ayyûbî devînt le Ministre du Calife fâtimide Al-ʿÂdid en 1168, succédant ainsi à son oncle Asad Ad-Dîn Shîrkûh qui ne put profiter du poste de Ministre que pendant quelques mois. L’accession de Salâh Ad-Dîn à ce poste marqua un tournant dans l’Histoire du sixième siècle hégirien. Ce fut alors que fut renversée une dynastie qui expirait son dernier souffle et qui souffrait les affres de la mort. Ce fut alors que s’érigea une nouvelle dynastie qui allait reprendre le flambeau de la lutte et du jihâd contre les royaumes croisés de Syrie et de Palestine. Ce fut cette dynastie qui sauva Jérusalem d’entre les griffes des Croisés qui occupèrent la ville pendant près d’un siècle.

Sa filiation et sa jeunesse

Il s’appelle Abû Al-Mudhaffar Yûsuf Ibn Ayyûb Ibn Shâdhî, surnommé Al-Malik An-Nâsir Salâh Ad-Dîn - le Roi Victorieux Saladin.

Les historiens sont unanimement d’avis pour dire que son père et sa famille étaient originaires de Dvin, une petite ville située à l’extrémité de l’Azerbaïdjan. Ils étaient Kurdes et appartenaient à la tribu des Rawâdiyah, les Rawâdiyah étant eux-mêmes une branche de la grande tribu kurde des Hadhbâniyyah.

Salâh Ad-Dîn naquit en 1138 dans la citadelle de Tikrit, en présence de son père, Najm Ad-Dîn Ayyûb, et de son oncle, Asad Ad-Dîn Shîrkûh. Manifestement, ils ne passèrent que peu de temps dans le château après la naissance de leur rejeton. Ils quittèrent en effet Tikrit, la ville natale de Salâh Ad-Dîn, en 1138 ou en 1139, pour se rendre à Mossoul, la capitale du Sultan ʿImâd Ad-Dîn Zinkî (Zengi).

Salâh Ad-Dîn grandit et s’épanouit sous l’aile protectrice de son père et de son oncle. Lorsque plus tard, Nûr Ad-Dîn Mahmûd, fils de ʿImâd Ad-Dîn Zinkî, devint Sultan de Damas, Najm Ad-Dîn Ayyûb et son fils Salâh Ad-Dîn lui prêtèrent serment de loyauté. Nûr Ad-Dîn voyait en Salâh Ad-Dîn la réalisation d’un bonheur futur et prolifique. De son côté, Salâh Ad-Dîn se mit à l’école de Nûr Ad-Dîn grâce auquel il put acquérir les voies du bien et la constance de l’effort et de la lutte.

Salâh Ad-Dîn en Égypte

Les dernières années de la dynastie fâtimide en Égypte connurent une lutte acharnée entre Shâwar et Dirghâm pour le poste de Ministre. Aucun des deux ne put remporter la victoire et instaurer son pouvoir. Chacun d’entre eux s’allia à une puissance étrangère pour l’aider à réaliser son objectif. Ce fut ainsi que Dirghâm s’allia aux Croisés et que Shâwar s’allia à Nûr Ad-Dîn Mahmûd, le Sultan d’Alep. Chacune des deux parties répondit à l’appel. Commença alors une course effrénée entre les Croisés et Nûr Ad-Dîn, qui voulaient profiter au mieux de la lutte entre les deux Ministres pour s’emparer de l’Égypte, territoire stratégique qui leur permettrait d’étendre leur pouvoir dans la région.

Nûr Ad-Dîn envoya avec Shâwar, qui s’était rendu à Damas pour lui demander son aide, le général Asad Ad-Dîn Shîrkûh Ibn Shâdhî, à la tête d’une armée au sein de laquelle figurait Salâh Ad-Dîn, qui fut contraint par son oncle Asad Ad-Dîn à l’accompagner.

Lorsque Asad Ad-Dîn et Shâwar arrivèrent en Égypte, qu’ils purent prendre le contrôle de la situation et tuer Dirghâm, et que Shâwar parvint à réaliser son objectif en regagnant son poste de Ministre et en consolidant son pouvoir, celui-ci trahit Asad Ad-Dîn Shîrkûh et s’allia contre lui avec les Francs.

Nûr Ad-Dîn et Asad Ad-Dîn apprirent que des négociations secrètes entre le traître Shâwar et les Francs avaient lieu. Craignant que l’Égypte ne tombât aux mains des Croisés, ils commencèrent à préparer une nouvelle campagne en Égypte, à laquelle participa également Salâh Ad-Dîn. Leur armée parvint sur les lieux en même temps que l’armée croisée et de nombreuses batailles les opposèrent. Finalement, une trêve fut signée entre les deux parties stipulant que chacune des deux armées syrienne et croisée devait se retirer d’Égypte.

Mais Asad Ad-Dîn dut mener une troisième campagne en Égypte après que les Croisés eurent dénoncé la trêve qu’ils avaient pourtant signée avec les Syriens. Encore une fois, Salâh Ad-Dîn fut contraint à accompagner son oncle.

La lutte s’acheva finalement en 1168 par l’élimination de Shâwar. Le général de Nûr Ad-Dîn, Asad Ad-Dîn Shîrkûh accéda alors au poste de Ministre du Calife fâtimide Al-ʿÂdid. Très vite, Shîrkûh mourut et ce fut Salâh Ad-Dîn, son jeune neveu de 32 ans, qui lui succéda.

Un Ministre sunnite dans un État shîʿite

L’ironie du sort voulut que Salâh Ad-Dîn, d’obédience sunnite, occupât le poste de Ministre pour une dynastie shîʿite, en même temps qu’il devait sa loyauté à Nûr Ad-Dîn Zinkî, le Sultan d’Alep, qui était sous la coupe du Califat ʿabbâsside. Sa mission, qui était à l’origine d’empêcher l’Égypte de tomber aux mains des Croisés, se transforma peu à peu : il s’appliquait désormais à ramener l’Égypte sous la tutelle ʿabbâside.

Salâh Ad-Dîn était peu expérimenté et n’avait rien qui pût lui faciliter sa tâche ardue. Il réussit néanmoins dans son entreprise avec un succès aussi surprenant que mérité. Les moyens qu’il employa à cette fin furent innovants, en ce sens qu’il préféra le changement pacifique et progressif à une révolution brutale, et qu’il prépara longuement le terrain afin de n’être confronté à aucun obstacle. Cela dénote pour le moins l’ampleur de sa réflexion, la profondeur de sa vision, le bienfondé de ses dispositions, la puissance de son entendement et son recul face à l’Histoire.

Mais pour que Salâh Ad-Dîn réussît à réaliser son objectif, il devait consolider en Égypte la doctrine sunnite, afin de pouvoir renverser plus facilement la dynastie fâtimide et éradiquer la doctrine shîʿite ismaëlite. Il lui fallut trois ans pour mener à bien cette entreprise, trois ans au cours desquels il avança par étapes réfléchies et sûres. Il démit ainsi de leurs fonctions les juges shîʿites et les remplaça par des juges sunnites, tout comme il fit construire un certain nombre d’universités dispensant un enseignement sunnite.

Dès que l’occasion se présenta à lui, et dès qu’il sentit que le milieu ambiant était fin prêt à accepter le changement, il entreprit une audacieuse démarche. Il édicta le premier vendredi du mois de Muharram de l’année 567 de l’Hégire (septembre 1171) que le sermon du vendredi ne mentionnât plus le nom du Calife fâtimide, qui était alors malade et cloué au lit, mais le nom du Calife ʿabbâside. Cela signifiait en fait la chute de la dynastie fâtimide et l’avènement d’une nouvelle ère.

La construction de l’Unité islamique

Salâh Ad-Dîn dépensa les premières années suivant la chute de la dynastie fâtimide dans la consolidation du nouvel État et dans le renforcement de son autorité et de son pouvoir. Cela était d’autant plus urgent que la dynastie fâtimide possédait encore quelques amis fidèles et quelques alliés à qui déplurent son renversement et l’affaiblissement de sa doctrine ismaëlite. Ceux-ci s’opposèrent alors à Salâh Ad-Dîn et conspirèrent contre le nouvel État naissant. L’un des plus grands félons qui s’en prirent à Salâh Ad-Dîn était ʿImârah Al-Yamanî, au Yémen. Des troubles apparurent également à Assouan, où une tentative de rétablissement de la dynastie fâtimide eut lieu. Mais tous ces mouvements de révolte furent matés par Salâh Ad-Dîn.

Avec la mort de Nûr Ad-Dîn Mahmûd en 1174, l’occasion se présenta à Salâh Ad-Dîn, qui dirigeait l’Égypte au nom de Nûr Ad-Dîn, d’asseoir son autorité sur la Syrie, afin de promouvoir le rang islamique, unifier tous les fronts face à la menace croisée et libérer les territoires usurpés. Il profita ainsi d’un appel au secours lancé par un prince damascène en 1174, pour aller jusqu’à Damas et contrôler la ville, sans effusion de sang. Il fit de même avec Homs, Hamâh et Baʿlabak, après quoi il déclara son indépendance vis-à-vis de l’autorité laissée par Nûr Ad-Dîn pour se rattacher au Califat ʿabbâside qui lui conféra le titre de Sultan. Il devint ainsi gouverneur d’Égypte. En 1182, il mena une seconde campagne en Syrie et réussit à annexer Alep et quelques autres villes syriennes. Le Nord de la Syrie était désormais entièrement sous son contrôle. Le gouverneur de Mossoul s’engagea auprès de Salâh Ad-Dîn de lui envoyer les aides militaires dès que celui-ci en aurait besoin.

Ce long travail d’unification du front islamique dura plus de dix ans, de 1174 à 1186. Durant toute cette période, il ne put se consacrer entièrement à la lutte contre les Croisés.

De victoire en victoire

An-Nâsir Salâh Ad-Dîn était désormais confiant en la solidité du front intérieur. Il passa alors à l’étape suivante : il allait maintenant consacrer toute sa force et toute son énergie à la guerre contre les Croisés. Il mena contre eux toute une série de batailles résonnant comme autant de retentissantes victoires, malgré une cuisante défaite subie quelques années plus tôt à Ramlah. Ces victoires connurent pourtant leur apogée en 1187 avec la bataille de Hattin. Ce fut une immense bataille au cours de laquelle furent capturés le Roi de Jérusalem, Guy de Lusignan, le Seigneur de Kérak, Renaud de Châtillon, et d’autres grands généraux croisés.

Cette grande victoire fut le prélude de la chute successive des villes et des châteaux croisés entre les mains de Salâh Ad-Dîn. Ce fut ainsi que se rendit le château de Tibériade puis que tombèrent des villes comme Saint Jean d’Âcre, Césarée, Naplouse, Arsouf, Jaffa, Beyrouth et bien d’autres encore. La voie était désormais libre pour entreprendre la conquête de Jérusalem. La Ville sainte fut assiégée jusqu’à sa reddition. Salâh Ad-Dîn y entra le vendredi 2 octobre 1187, soit le 27 Rajab 583 de l’Hégire. Ce fut l’une des plus grandes journées de l’Histoire de l’Islam.

Toute l’Europe fut secouée en apprenant que les Musulmans venaient de libérer leur Ville sainte. Les Rois d’Europe crièrent vengeance. L’une de leurs plus redoutables croisades fut alors mise sur pied, la plus nombreuse en hommes et en matériel. Trois armées la composait : l’armée germanique, l’armée franque et l’armée anglaise. Deux armées parvinrent à destination, alors que le Roi germanique se noyait en traversant un fleuve d’Asie Mineure, provoquant la dispersion de son armée. L’armée franque, sous le commandement de Philippe-Auguste, parvint à reprendre la ville d’Âcre, tandis que son alliée anglaise, sous le commandement de Richard Cœur de Lion, put s’emparer de la région côtière allant de Tyr à Jaffa, préparant ainsi la voie à la reconquête de Jérusalem. Les tentatives de reprendre la Ville sainte échouèrent néanmoins et Richard Cœur de Lion fut contraint à demander une trêve. La trêve fut signée le 2 septembre 1192 à Ramlah. Elle marquait la fin de la troisième croisade.

De l’esprit chevaleresque de Salâh Ad-Dîn

Au lendemain de la bataille de Hattin, Salâh Ad-Dîn fit venir dans sa tente le Roi Guy de Lusignan et son frère Amaury ainsi que le Prince Renaud de Châtillon. Le Sultan offrit au Roi Guy un récipient d’eau froide pour qu’il pût étancher sa soif. Après s’être désaltéré, le Roi captif donna le récipient à Renaud. Salâh Ad-Dîn, qui avait juré de tuer le Seigneur de Kérak, Renaud de Châtillon, de ses propres mains, refusa que de l’eau lui fût servie. En effet, ce prince croisé avait bafoué toutes les trêves conclues entre Salâh Ad-Dîn et les royaumes croisés. Il n’hésitait pas à attaquer les caravanes de pèlerins qui se rendaient à La Mecque et à Médine. En outre, il avait entrepris de mener une campagne contre La Mecque pour détruire la Kaʿbah, et contre Médine pour déterrer le corps du Prophète de son tombeau. Si ce n’était la vigilance de Salâh Ad-Dîn qui parvint à repousser ces attaques criminelles contre les lieux saints de l’Islam, Renaud de Châtillon aurait pu atteindre ses vils objectifs. Empêchant Guy de Lusignan de donner l’eau à Renaud de Châtillon, Salâh Ad-Dîn déclara : « Il est de nos coutumes arabes et de notre noblesse de caractère que lorsque le captif mange et boit de la nourriture et de la boisson de ceux qui l’ont capturé, il a la vie sauve. » Salâh Ad-Dîn entendait par-là qu’il ne désirait pas accorder ce privilège à Renaud de Châtillon.

Le Sultan amena alors devant lui le Seigneur de Kérak et lui dit : « Voici que je venge Muhammad - le Prophète - de tes crimes. » Puis il lui proposa la conversion à l’Islam, qui lui aurait permis d’expier ses fautes. Mais Renaud refusa. Salâh Ad-Dîn tira son épée et le frappa au niveau de l’épaule. Renaud de Châtillon fut achevé par les soldats musulmans.
Assistant à cette mise à mort, le Roi Guy de Lusignan ne douta pas un seul instant qu’il allait rejoindre le Seigneur de Kérak. Mais Salâh Ad-Dîn le rassura et le réconforta en ces termes : « Il n’est pas de l’habitude des rois de tuer les rois. Quant à celui-là [Renaud de Châtillon], il a dépassé toutes ses limites et a eu l’audace de porter atteinte aux Prophètes de Dieu - paix et bénédiction sur eux. »

Apports civilisationnels

Beaucoup de gens pensent que Salâh Ad-Dîn ne s’est préoccupé que de guerre et de jihâd, en négligeant les autres affaires de son État. L’image du chevalier combattant s’est sans doute imposée devant les autres aspects de sa personnalité, si bien que certains de ses traits resplendissants ont été occultés.

La première œuvre remarquable de Salâh Ad-Dîn est sa consolidation de la doctrine sunnite en Égypte. Il édifia dans ce but deux universités dispensant un enseignement sunnite : l’Université An-Nâsiriyyah pour l’enseignement chaféite et l’Université Al-Qamhiyyah pour l’enseignement malékite. Cette dernière université porte ce nom étrange par allusion au fait qu’elle prodiguait aux enseignants qui y exerçaient et à ses élèves du blé (qamh en arabe) qu’elle récoltait des terres qui lui étaient affectées. En outre, Salâh Ad-Dîn restreignit les postes de juge aux seuls chaféites, ce qui explique la diffusion de la doctrine chaféite en Égypte et dans ses alentours.

Le règne de Salâh Ad-Dîn vit émerger plusieurs penseurs et scientifiques. On peut ainsi citer Al-Qâdî Al-Fâdil (mort en 1200), qu’on pourrait identifier aujourd’hui au Ministre des Affaires étrangères et qui fut un auteur très apprécié ; Salâh Ad-Dîn le consultait sur les moindres détails militaires ou politiques. On peut également citer Al-ʿImâd Al-Asfahânî (mort en 1201), auteur d’ouvrages célèbres en littérature et en histoire. Avec Al-Qâdî Al-Fâdil, il travailla à développer le Dîwân Al-Inshâ’, sorte de Ministère des Affaires étrangères.

Salâh Ad-Dîn se préoccupa également de construire des murailles autour des villes, des tours de défense et des châteaux. L’un de ces plus fameux vestiges est le château du Mont qu’il fit contruire pour y établir son gouvernement, y caser son armée et en faire une place forte qui lui permettrait de défendre le Caire. Malheureusement, la mort empêcha Salâh Ad-Dîn d’achever sa construction. Celle-ci fut terminée plus tard lors du règne de son successeur. Salâh Ad-Dîn entoura le Caire et les régions avoisinantes d’une muraille de 15 kilomètres de long et de 3 mètres de large, ainsi que par des tours de défense. Les ruines de cette muraille existent toujours aujourd’hui par certains endroits épars.

Le système administratif connut sous le règne du Sultan une période de stabilité. Le Sultan présidait ainsi le gouvernement central dans la capitale et était secondé par un vice-Sultan. Ce poste fut créé par Salâh Ad-Dîn afin de pouvoir être remplacé lors de ses absences. Venait ensuite le Premier Ministre, chargé d’exécuter la politique de l’État. Puis enfin les ministères ou divans, comme le Dîwân An-Nadhar, Ministère de l’Économie et des Finances, le Dîwân Al-Inshâ’, Ministère des Affaires étrangères, le Dîwân Al-Jaysh, Ministère de la Défense, le Dîwân Al-Ustûl, Ministère de la Marine que Salâh Ad-Dîn développa au plus haut point afin de contrer les Croisés qui empruntaient la voie maritime pour attaquer les territoires musulmans. Des fonds importants furent consacrés au développement de ce divan qu’il confia d’ailleurs à son frère Al-ʿÂdil. La flotte musulmane participa ainsi à de nombreuses batailles navales sur les côtes d’Égypte et de Palestine. Ce fut notamment grâce à elle que Salâh Ad-Dîn put repousser la campagne de Renaud de Châtillon contre La Mecque et Médine.

Salâh Ad-Dîn développa également des fondations sociales dont le but était d’aider les gens et de les soutenir devant les vicissitudes de la vie. Il annula ainsi les taxes qui étaient prélevées sur les pèlerins qui traversaient l’Égypte. Il s’engagea à entretenir les pauvres et les étrangers qui se réfugiaient dans les mosquées. Il fit ainsi de la Mosquée Ahmad Ibn Tûlûn un asile pour les étrangers maghrébins.

Tel était Salâh Ad-Dîn

Salâh Ad-Dîn fut célèbre pour sa tolérance et son aspiration à la paix. Il en fut à vrai dire l’exemple le plus parlant. Après la reddition de la Ville sainte de Jérusalem, il traita les Croisés avec douceur, et afficha sa compassion envers les habitants de la ville. L’entrée des Musulmans dans Jérusalem sans la moindre effusion de sang et sans perpétration de crime marque l’une des pages les plus glorieuses de l’Histoire de l’Islam, une page en opposition totale avec ce qu’avaient commis les Croisés francs lorsqu’ils s’emparèrent de la ville en 1099. Ces derniers avaient en effet massacré les habitants musulmans par milliers, si bien qu’on baignait dans le sang jusqu’aux genoux. Au sujet des 10000 Musulmans qui s’étaient réfugiés dans la Mosquée Al-Aqsâ à l’arrivée des Croisés, le chanoine du Puy, Raymond d’Agiles, nous a laissé le témoignage suivant :

Il y eut tant de sang répandu dans l’ancien temple de Salomon, que les corps morts y nageaient portés çà et là sur le parvis ; on voyait flotter des mains et des bras coupés qui allaient se joindre à des corps qui leur étaient étrangers, de sorte qu’on ne pouvait distinguer à quel corps appartenait un bras qu’on voyait se joindre à un tronc. Les soldats eux-mêmes qui faisaient ce carnage supportaient à peine la fumée qui s’en exhalait.

Salâh Ad-Dîn avait préparé ses hommes à la lutte dans le Sentier de Dieu. Il sut créer cette atmosphère pleine de dévouement au service de l’Islam. Quiconque voulait s’attirer les égards de Salâh Ad-Dîn savait qu’il devait lui parler de jihâd et de lutte pour la cause de l’Islam.

Salâh Ad-Dîn était un homme de grande piété, épris de prières et d’invocations de Dieu. Jamais il ne manqua la prière à la mosquée. Même lors de sa dernière maladie, ne pouvant se rendre lui-même à la mosquée, il fit venir l’imam et la prière fut tenue dans sa tente, afin de ne pas manquer la prière communautaire.

Salâh Ad-Dîn fut un homme juste, qui s’était fixé deux jours par semaine, le lundi et le jeudi, pour recevoir et entendre les plaintes de ses sujets. Les juges et les savants assistaient à ces séances au cours desquelles le Sultan rendait leur dû aux personnes lésées. Les gens venaient à lui de toutes les contrées de son État : petits et grands, riches et pauvres, hommes et femmes. Quiconque avait subi un tort savait que son droit lui serait restitué auprès de Salâh Ad-Dîn. Le Sultan se moquait de savoir si la personne qui avait spolié les droits d’autrui était de son entourage, de sa famille ou de ses amis. Pour lui, quoiqu’il pût arriver, le droit était sacré.

Salâh Ad-Dîn ne se mettait jamais en colère lorsqu’on le contrariait. Il pardonnait et excusait ceux qui s’en prenaient à lui. Combien de fois eut-il été calomnié ou médit. Jamais il ne laissa sa colère l’emporter. Toujours, il la maîtrisait et ne faisait pas cas des torts qu’on pouvait lui causer. Quoi d’étonnant en cela puisque le modèle qu’il voulait imiter de tout son être était le Prophète Muhammad - paix et bénédiction sur lui.

Salâh Ad-Dîn était d’un courage exemplaire, ne craignant pas la mort. Au cours d’une de ses expéditions maritimes, son secrétaire Al-ʿImâd Al-Asfahânî, pris de panique au cours d’une tempête, dit à son Sultan : « J’ai peur. Comment toi, tu n’as pas peur ? » Il lui demanda : « Quelle est la plus belle des morts ? » Le secrétaire répondit : « La plus belle des morts est la mort dans le Sentier de Dieu. » Salâh Ad-Dîn déclara : « Tel est mon objectif. Mon objectif est de mourir de la plus belle des morts. Je ne veux pas mourir sur mon lit. Je veux mourir de la plus belle des morts : la mort dans le Sentier de Dieu. Je veux mourir frappé par une épée ou touché par une javeline ou atteint par une flèche. Je veux être tué dans le Sentier de Dieu. »

Tel était Salâh Ad-Dîn.

Retour à Dieu

Lors des négociations de la trêve de Ramlah entre les Musulmans et les Croisés, le Sultan Salâh Ad-Dîn tomba gravement malade et dut rester au lit. Il retrouva son Seigneur le 4 mars 1193, soit le 27 Safar 589 de l’Hégire. La douleur éprouvée par l’Islam et les Musulmans le jour de sa mort n’avait jamais été ressentie depuis la disparition des Califes Bien-Guidés.

A sa mort, il ne laissa ni biens ni terres. Ses conquêtes, les villes qu’il avait prises et qui se comptaient par dizaines, auraient pu lui garantir une fortune incommensurable. Pourtant, à sa mort, on ne retrouva dans son coffre qu’un dînâr en or et quarante-sept dirhams en argent. C’était la preuve manifeste de son ascétisme, de la chasteté de son cœur et de la pureté de ses mains.

Notes

[1Hattin est la francisation du nom arabe Hittîn.

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