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Sheikh Ahmad Fahmî Abû Sinnah

samedi 25 septembre 2004

Ahmad Fahmî Abû Sinnah (1909 - 2003)

Sheikh Ahmad Fahmî Abû Sinnah nous a quittés le 20 septembre 2003, à l’âge de 94 ans. Il était sans doute l’ultime représentant de la génération rénovatrice qui fut la sienne. Il fut le formateur de plusieurs générations d’intellectuels qui portent aujourd’hui l’étendard du savoir et de la prédication islamique, aussi bien en Égypte, son pays natal que dans la Péninsule arabe, l’Irak, la Syrie, le Maghreb ou la Turquie.

Qui est-il ?

Laissons le Sheikh Abû Sinnah se présenter à nous avec ses mots :

« Je m’appelle Ahmad Fahmî Abû Sinnah. Je suis né en 1909 à As-Saff, dans la province d’Al-Jîzah (Gizah), en Égypte. J’ai appris le Noble Coran auprès de mon grand-père Sheikh Mahmûd Khalîfah Abû Sinnah - que Dieu lui fasse miséricorde. Il m’a enseigné également de petits livres de grammaire et de tajwîd. »

À Al-Azhar

Le Sheikh poursuit :

« À 11 ans, en 1921, j’ai rejoint Al-Azhar. J’y ai achevé mes études primaires et secondaires, pendant que je vivais au Caire. J’ai eu pour professeurs de nombreux grands savants azharites comme Sheikh Yûsuf Hijâzî en jurisprudence, Sheikh ʿAbd Ar-Ra’ûf Ar-Rifâʿî en grammaire, ou Sheikh Muhammad Al-Mudallal, pour ne citer que ceux-là.

Je me rappelle que les études à Al-Azhar ont été interrompues lors de ma première année du cycle primaire, en raison des manifestations contre l’occupation anglaise, auxquelles ont participé les étudiants d’Al-Azhar. Naturellement, ils n’ont pas suivi les cours cette année-là et leurs études ont été perturbées. Les examens de fin d’année ont donc été annulés. Les cours ont repris l’année scolaire suivante en 1922-1923.

Je me souviens de mes camarades de classe à cette époque. Il y avait par exemple le Docteur Hasan ʿAwn, professeur à l’Université du Caire, au Département des Etudes Arabes, et qui a obtenu son doctorat en France, le Professeur Mahmûd Al-Azraq qui a travaillé ensuite dans la justice, et Sheikh Shaghbûn.

Le système scolaire était apprécié de tous, et j’aimais, en marge de mes études, m’adonner à la lecture, en particulier la lecture des livres de jurisprudence et de littérature.

Au début de l’année scolaire 1926-1927, un programme moderne a été apporté à l’enseignement azharite. En plus des sciences religieuses conventionnelles, à base de commentaires et de scolastique, on a introduit les sciences modernes comme la physique, la chimie, les mathématiques, la géographie et l’histoire. L’étudiant recevait ainsi un enseignement polyvalent. Le Recteur d’Al-Azhar était alors Sheikh Muhammad Abû Al-Fadl Al-Jîzâwî. Ses successeurs ont été Sheikh Mustafâ Al-Marâghî en 1928, puis Sheikh Al-Ahmadî Adh-Dhawâhirî en 1929 ».

Dans l’enseignement supérieur

Sheikh Abû Sinnah ajoute :

« En 1931, j’ai commencé ma première année dans l’enseignement supérieur. Le système scolaire était traditionnel et les cours étaient dispensés à la Mosquée Al-Azhar. J’ai eu de nombreux professeurs, parmi lesquels Sheikh Ahmad ʿAbd As-Salâm en jurisprudence et Sheikh Hâmid Jâd en exégèse.

C’est à cette époque que la Faculté de Lettres de l’Université du Caire, sous l’égide de Tâhâ Husayn, a commencé à ouvrir ses portes aux étudiants d’Al-Azhar et de Dâr Al-ʿUlûm. J’avais très envie de faire connaissance avec l’enseignement universitaire et je m’y suis inscrit. J’ai ainsi reçu une double formation : azharite et universitaire. Je suivais les cours des deux institutions, encouragé par mes professeurs de la Faculté de Lettres, comme le Docteur Amîn Al-Khôlî, professeur de Hadith, le Docteur Ibrâhîm Mustafâ, professeur de grammaire, et le Docteur Ahmad Ash-Shâyib, professeur de littérature.

J’avais voulu poursuivre mes études universitaires et abandonner mes études à Al-Azhar, mais mon père, qui n’était pas d’accord, m’a convaincu du contraire. Et c’est grâce à lui que j’ai atteint la position à laquelle Dieu m’a fait accéder aujourd’hui.

Après ma réussite aux examens de première année de l’enseignement supérieur, Al-Azhar a inauguré trois facultés officielles : celle de Législation Islamique, des Fondements de la Religion et des Lettres Arabes. C’était sous le Rectorat de Sheikh Muhammad Al-Ahmadî Adh-Dhawâhirî.

J’ai choisi d’intégrer la Faculté de Législation islamique. Le programme était particulièrement ardu du fait que, comme nous étions la première promotion, nous devions achever le programme en trois ans au lieu de quatre. J’ai eu comme professeurs Sheikh Hasan Al-Bayyûmî, Sheikh Yûsuf Al-Mirsafî, Sheikh Muhammad ʿAbd Al-Fattâh Al-ʿAnânî qui étaient mes professeurs de fondements de la jurisprudence. J’ai eu également pour professeurs Sheikh Muhammad ʿArafah en exégèse et Sheikh ʿAbd Ar-Rahmân Tâj, qui deviendra ensuite Recteur de la Mosquée Al-Azhar ».

Son œuvre majeure

On ne saurait parler du Sheikh Ahmad Fahmî Abû Sinnah sans s’intéresser à son œuvre majeure, qui est en même temps le premier de ses livres : Al-ʿUrf Wa Al-ʿÂdah Fî Ra’y Al-Fuqahâ’ Wa Al-Usûliyyîn (Le Droit coutumier aux yeux des Juristes et des Fondamentalistes) [1], qu’il rédigea il y a plus de soixante ans pour sa thèse de doctorat. Il était d’ailleurs le premier doctorant à obtenir ce diplôme à l’Université Al-Azhar, sa soutenance de thèse s’étant déroulée le 20 janvier 1941. Son ouvrage devint une référence pour tous les écrits postérieurs qui traitèrent du droit coutumier.

Ahmad Fahmî Abû Sinnah, après l’obtention de son doctorat

Et si ce livre a permis de rétablir le lien entre les fondements et les réglements dérivés de ces fondements en matière de jurisprudence, son autre ouvrage, Al-Wasît fî Usûl Al-Fiqh (Le Médiateur des fondements de la jurisprudence), a contribué à rapprocher les fondements eux-mêmes entre eux. Le Sheikh avait en effet senti la difficulté avec laquelle les étudiants de sciences religieuses appréhendaient les livres de l’héritage fondamentaliste, en raison de la précision des termes et de la rigueur de la méthodologie employée d’une part, et en raison de la faiblesse générale des étudiants d’autre part. Sheikh Abû Sinnah voulait expliquer de manière plus simple une référence incontournable du droit hanafite, à savoir At-TawdîhHall Ghawâmid At-Tanqîh. L’auteur de ce livre était l’Imâm Sadr Ash-Sharîʿah Al-Hafîd (mort en 1346 E.C. - 747 A.H.) qui composa ce livre pour expliquer son autre ouvrage At-Tanqîh, où il commenta les fondements juridiques posés par Fakhr Al-Islâm Al-Bazdawî. Sheikh Abû Sinnah choisit donc la deuxième partie de ce livre et l’expliqua dans son Médiateur susmentionné. Son commentaire critique fut aisément compréhensible par ses élèves et leur servit de médiateur entre leur esprit et une science profuse et complexe jusque-là inaccessible aux plus médiocres d’entre eux.

Parmi les autres ouvrages du Sheikh :

  1. Nadhariyyat Al-Haqq fî Al-Fiqh Al-Islâmî (La Théorie du Droit en Jurisprudence Islamique),
  2. Huqûq Al-Mar’ah As-Siyâsiyyah fî Al-Islâm (Les Droits Politiques de la Femme en Islam),
  3. ʿAqd Az-Zawâj (Le Contrat de Mariage),
  4. Maqâsid Ash-Sharîʿah (Les Finalités de la Législation Islamique),
  5. Al-Iqtisâd Al-Islâmî (L’Économie Islamique),
  6. Nadhariyyat Al-ʿAqd wa Nadhariyyat Al-Mulk wa Nadhariyyat Ad-Damân (La Théorie du Contrat, de la Propriété et de l’Assurance).

Sa méthodologie

Sheikh Abû Sinnah avait une vision précise concernant la réforme d’Al-Azhar. Il entendait notamment faciliter aux étudiants la compréhension des sciences religieuses, et ce, en refondant les ouvrages afférents dans un style simple, élégant et critique, tout en conservant l’héritage du passé. C’est dans cette optique que le Sheikh rédigea ses études sur les fondements de la jurisprudence, afin qu’elles contribuent à la renaissance moderne d’Al-Azhar, telle que l’avaient pensée le Sheikh Mustafâ Al-Marâghî et le Sheikh Al-Ahmadî Adh-Dhawâhirî.

Sheikh Abû Sinnah était un féru de tout ce qui se rapportait aux fondements de la religion, tant d’un point de vue scientifique que d’un point de vue culturel et humain. Son profond amour pour l’Imâm des fondamentalistes Al-Kamâl Ibn Al-Humâm l’amenait à parler de lui comme d’un ami personnel et d’une connaissance intime. Il étudiait avec beaucoup d’intérêt ses deux livres Al-Musâyarah, un traité sur les croyances musulmanes, et At-Tahrîr, un traité sur les fondements juridiques. Bien qu’étant lui-même d’obédience hanafite de père en fils, il ne s’en tenait pas exclusivement à son école de jurisprudence dans ses écrits. Il penchait systématiquement, après l’analyse, pour l’opinion qui lui semblait la plus correcte, peu importe qu’elle soit conforme ou non à son école juridique. Il était en cela connu pour l’amour qu’il portait à la recherche et à l’analyse et pour son refus du suivisme aveugle.

Sheikh Ahmad Fahmî Abû Sinnah raconte à cet effet une anecdote qui lui est arrivée avec son ami le Sheikh Muhammad Abû Zahrah. Les deux hommes étaient en effet de farouches opposants à l’usure sous toutes ses formes, en particulier l’assurance vie. Lors du Congrés de la Jurisprudence Islamique qui se tint à Damas lors de la réunification de l’Égypte et de la Syrie, Sheikh Abû Sinnah et Sheikh Abû Zahrah assistèrent le premier en tant que représentant d’Al-Azhar et le second en tant que représentant de l’Université égyptienne. De nombreux éminents savants voulurent alors autoriser l’assurance vie à l’issue de ce congrès. Parmi eux, il y avait Sheikh ʿAlî Al-Khafîf et le Docteur Mustafâ Az-Zarqâ. Malgré le nombre de leurs opposants, Sheikh Abû Sinnah et Sheikh Abû Zahrah n’hésitèrent pas à prendre la parole pour réfuter les tenants de l’assurance vie et pour démontrer son caractère illicite à la lumière des sources juridiques de l’Islam. Aux termes du débat, le congrès a opté pour l’avis des deux Sheikhs.

L’enseignement dans les universités arabes

Sheikh Abû Sinnah raconte : « En 1941, j’ai été embauché en tant qu’enseignant à la Faculté de Législation islamique, où je suis resté jusqu’en 1974, c’est-à-dire jusqu’à ma retraite. Mais à partir de 1960, j’ai été détâché dans plusieurs universités arabes, dont l’Université de Damas en 1960-1961, l’Université de Lybie où j’ai enseigné à la Faculté de Droit en 1962, l’Université de Bagdad en 1967, et enfin l’Université du Roi Ibn ʿAbd Al-ʿAzîz, connue aujourd’hui sous le nom d’Université Umm Al-Qurâ (Arabie Saoudite) en 1972. J’enseigne toujours là-bas actuellement et je suis professeur d’études juridiques. Je ne rentre en Égypte que pendant les vacances d’été.

Sheikh Abû Sinnah, à gauche, membre du jury dans une soutenance de thèse

Depuis l’obtention de mon diplôme, et tout au long de ces cinquante dernières années, je me suis occupé de différentes études juridiques, y compris celles où je suis spécialisé : les fondements de la jurisprudence et l’histoire du droit. Mais je me suis également intéressé à la politique législative, à l’économie islamique, aux fondements du droit, à la terminologie du Hadith, à l’exégèse, et enfin au soufisme que j’ai été amené à enseigner à l’Université de Lybie pour remplacer le Docteur ʿUmar Ash-Shaybânî, qui était absent ».

L’une des périodes de sa vie dont le Sheikh était le plus fier est son séjour à Damas entre 1960 et 1961, lors de la réunification de l’Égypte et de la Syrie. Il considérait que ces deux années furent les plus fertiles de son existence, en termes d’activités. Il y enseigna aux étudiants de la Faculté de Législation islamique de l’Université de Damas les fondements de la jurisprudence ainsi que d’autres matières secondaires. Devant l’intérêt et la motivation qu’il voyait chez ses élèves, il résolut de fournir encore plus d’efforts pour améliorer le contenu et le style de ses cours. Les étudiants affichèrent encore plus d’entrain et décidèrent de rassembler tous les cours de leur maître de conférences, pour les organiser et les dactylographier avant de les lui présenter sous une forme plus propre. Le Sheikh révisa ce que ses élèves lui apportèrent, y ajouta quelques compléments et publia ces cours dans un livre intitulé : Dirâsât Usûliyyah - Muhâdarât fî Usûl Al-Fiqh (Études fondamentalistes - Cours de fondements juridiques).

Avec ses étudiants

Le Sheikh disposait d’une bibliothèque qui occupait à elle seule tout un étage de sa grande maison, située à Hulwân, près du Caire. Les murs de la bibliothèque sont recouverts de milliers de livres de jurisprudence, de fondements de la religion, de droit, d’exégèse, de Hadîth, de lettres, de grammaire, de rhétorique, de conjugaison, de poésie, d’économie, d’histoire musulmane ancienne et contemporaine, d’écoles de pensée, etc. Il mettait cette bibliothèque à la disposition de tous ses étudiants qui pouvaient venir chez lui quand ils voulaient pour étudier. Certains ouvrages très rares qu’il possédait étaient encore sous forme manuscrite. Bien qu’on lui proposât à maintes reprises de les acheter pour des sommes considérables, il refusa l’offre, préférant en faire profiter ses étudiants gratuitement. Il accueillait ses élèves tout au long de la journée dans sa bibliothèque personnelle, située à l’extérieur de la maison, afin de leur permettre de travailler à leur aise. Il les servait lui-même, même lorsqu’il atteignit un âge avancé, s’acquittant de son devoir d’hospitalité, surtout lorsqu’il s’agissait d’étudiants venus de l’étranger.

Sheikh ʿAbd Ar-Rahmân As-Sudays, Imam de la Mosquée de La Mecque

Sheikh Abû Sinnah était connu pour le peu d’intérêt qu’il avait pour les fonctions officielles, et se contentait d’endosser l’habit du savant et de l’éducateur. Il refusa ainsi tous les postes qu’on lui proposa, y compris des postes administratifs au sein de l’Université Al-Azhar. Il déclina la proposition de devenir doyen de la Faculté de Législation islamique ; il déclina même la proposition de devenir Ministre des Biens de mainmorte dans le gouvernement égyptien. Il se consacra entièrement à l’enseignement et à la formation des générations futures. Des générations entières, de différents pays arabo-musulmans, furent ainsi encadrées par lui.

Professeur Abdullah Özcan

On peut notamment citer parmi ses plus illustres élèves : le Sheikh Sâlih Marzûq, Secrétaire Général de l’Académie de Jurisprudence à la Ligue Islamique Mondiale basée à La Mecque, le Sheikh ʿAbd Ar-Rahmân As-Sudays, Imam de la Mosquée Sacrée à La Mecque, le Docteur ʿAbd Allâh As-Sumayt, député koweïtien. Sheikh Abû Sinnah avait également de nombreux étudiants turcs, les plus célèbres étant : Emin Sirac, éminent membre du Parti du Bonheur, parti islamique turc, et le Docteur Abdullah Özcan, professeur de droit musulman à l’Université de Sakarya en Turquie.

Entre l’Académie des Études Islamiques et la Ligue Islamique Mondiale

Sheikh Abû Sinnah raconte : « En 1980, j’ai été désigné membre de l’Académie des Études Islamiques, alors que j’enseignais à La Mecque à l’Université Umm Al-Qurâ. Le Recteur d’Al-Azhar était alors le Sheikh Baysâr. Malgré mes responsabilités dans les nombreuses universités arabes, j’ai assisté à de nombreuses sessions de l’Académie, en particulier pendant les vacances d’été.

Parmi les hommages qu’on m’a rendus tout au long de ma vie, il y a mon obtention de la Médaille des Sciences et des Arts de première catégorie, dont on m’a décoré à l’occasion du millénaire de la Mosquée Al-Azhar en 1983. Dans la foulée, j’ai été désigné membre de l’Académie de Jurisprudence à la Ligue Islamique Mondiale. Notre travail consiste à émettre des fatâwâ, sous forme de résolutions, en réponse aux questions qui sont soulevées lors des congrès de l’Académie ».

Sa vie familiale

Sheikh Ahmad Fahmî Abû Sinnah gardait toujours des liens avec son village natal, As-Saff. Il y apposa d’ailleurs sa marque personnelle de manière indélébile. Il s’attacha particulièrement à diffuser la conscience religieuse et à combattre les innovations étrangères à l’Islam à travers ses leçons et ses sermons. Les trois quarts des jeunes du village reçurent leur formation azharite de l’institut fondé par Sheikh Abû Sinnah. Le Sheikh fonda également une école coranique où sont inscrits près de huit cents hommes, femmes et enfants, parmi lesquels treize complètent la mémorisation du Coran chaque année. Des compétitions d’apprentissage du Coran sont d’ailleurs organisées chaque année pendant le Ramadân dans le demeure du Sheikh au village. Sheikh Abû Sinnah fonda également des cimetières, un hôpital, une unité agricole, un bâtiment pour la poste et une école primaire, entre autres institutions.

Il avait par ailleurs une expérience unique dans la gestion de sa grande famille. Ainsi, dans un souci de solidarité, il fonda la Ligue de la Famille Abû Sinnah, et posa une charte identifiant les objectifs de cette association, à savoir réaliser l’union de la famille, venir à bout des différends, réduire les difficultés rencontrées par chacun de ses membres. Sheikh Abû Sinnah prévit une réunion régulière le premier mercredi de chaque mois. Il mit en place des comités ayant des responsabilités particulières comme par exemple : mettre fin aux disputes entre membres de la famille ou partager les successions conformément à la loi islamique. Cette Ligue rassemblait les personnalités les plus éminentes et les plus instruites de la famille Abû Sinnah. Le Sheikh désigna également un secrétaire qui prendrait en note ce qui était dit durant les réunions, un vice-président qui le remplacerait en son absence, et un trésorier qui gérerait le fonds familial et qui s’occuperait de distribuer des aides aux membres qui en auraient besoin [2].

Malgré ses responsabilités professionnelles et militantes, le Sheikh ne négligea pas de prendre soin de sa petite famille, insufflant chez ses enfants l’esprit de la vertu, de la religion et du savoir. Son amour pour ses enfants se manifestait notamment à travers les poèmes qu’il composait en leur honneur, en particulier à des occasions comme leur naissance, leur réussite aux examens ou leur mariage. Il composa ainsi pour l’une de ses filles une quinzaine de poèmes. Tout au long de son parcours, il fut soutenu par une épouse qui lui fut d’une aide inestimable. Le Sheikh avait en effet été victime dans son enfance d’un accident qui affaiblit notablement ses capacités visuelles. Ayant atteint un âge avancé, il perdit complètement la vue. Son épouse devint donc son scribe à qui il dictait tout ce qu’il voulait rédiger : des livres, des études, des conférences, des fatâwâ, des leçons, des sermons, etc. Elle lui faisait par ailleurs la lecture et lui enregistrait sur cassette les passages qu’il voulait écouter lors de ses déplacements. Elle l’aidait également à accueillir ses élèves qui venaient étudier chez lui.

Retour à Dieu

Sheikh Ahmad Fahmî Abû Sinnah fut rappelé auprès de son Seigneur le 20 septembre 2003, après 94 ans d’une vie entièrement consacrée au service de l’Islam. Que Dieu lui fasse miséricorde.

Notes

[1Les fondamentalistes désignent ici les savants spécialistes des fondements de la jurisprudence islamique.

[2Ce genre d’associations familiales, dans le sens le plus large du mot « famille », existent au Moyen-Orient, et, semble-t-il, prennent de plus en plus d’ampleur. Le but premier de ces associations est de réaliser l’entraide et l’union d’une famille, noyau de la société.

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