samedi 18 juin 2005
Sheikh Hassûnah Ibn ʿAbd Allâh An-Nawâwî Al-Hanafî naquit en 1839 E.C. dans le village de Nawây, dans le gouvernorat de Asyout, en Haute-Égypte. Il mémorisa le Coran, puis poursuivit ses études à Al-Azhar où il fit son apprentissage auprès de grands savants comme Sheikh Al-Imbâbî, Sheikh ʿAbd Ar-Rahmân Al-Bahrâwî et Sheikh ʿAlî Khalîl Al-Asyûtî.
Au début de sa carrière, il fut chargé d’enseignement. Puis, eu égard à son vaste savoir, il fut appelé aux fonctions de professeur de Fiqh (jurisprudence islamique) à la Faculté de Dâr Al-ʿUlûm et en Faculté de Droit. Il exerça également les fonctions de magistrat à la Cour Islamique (Al-Mahkamah Ash-Sharʿiyyah) . En 1312 A.H. — 1894 E.C. —, il fut appelé à la fonction de représentant délégataire (wakîl) d’Al-Azhar.
Suite à la démission de Sheikh Al-Imbâbî de ses fonctions de Grand Imâm d’Al-Azhar pour des raisons de santé, Sheikh Hassûnah An-Nawâwî fut nommé à ce poste par un décrêt royal du 8 du mois de Muharram 1313 A.H. — 1895 E.C. Le Sheikh œuvra alors pour la réforme d’Al-Azhar. Le 20 du mois de Muharram 1314 A.H. — 1896 E.C.—, soit un an après son entrée en fonction, une loi portant son nom fut édictée. Elle fixait les conditions d’admission des étudiants à Al-Azhar : être âgé de quinze ans au minimum, savoir lire et écrire, et avoir mémorisé la moitié du Coran au minimum à défaut d’une mémorisation complète. Cette loi réglementait également les études qu’elle répartit en deux cycles. Un premier cycle de huit années à l’issue duquel l’étudiant devait maîtriser un minimum de huit disciplines linguistiques et religieuses devait être sanctionné par un jury de trois savants examinateurs présidé par le Sheikh d’Al-Azhar. Les étudiants ayant passé cette étape avec succès avaient le choix entre la poursuite de leurs études en second cycle à Al-Azhar et l’exercice de la fonction de prédicateur et d’imâm dans les mosquées. Les études de second cycle, quant à elles, étaient sanctionnées par le diplôme d’Al-ʿÂlamiyyah, couronnant douze années d’études à Al-Azhar et donnant le droit aux étudiants brillants à enseigner au sein d’Al-Azhar. Un autre volet de cette loi visait à l’amélioration des conditions de vie des étudiants par la construction de logements aux normes de l’hygiène et par l’attribution d’aides financières.
Par ailleurs, suite au décès de Sheikh Al-Mahdî, Sheikh Hassûnah An-Nawâwî occupa les fonctions de Mufti d’Égypte entre le 10 du mois de Jumâdâ II 1313 A.H., soit le 24 novembre 1895 E.C., et le 11 du mois de Muharram 1317 A.H., cumulant ainsi les deux postes religieux les plus importants en Égypte. Pendant son mandat de Mufti, il rendit près de 287 fatwas.
Quatre années après sa prise de fonction à la tête d’Al-Azhar, le Sheikh s’opposa fermement à la volonté du Khédive [1] de faire siéger deux juges civils à la Cour Islamique parmi les autres magistrats de ce Tribunal. Le Sheikh, en sa qualité de député, s’opposa à une proposition de loi visant à consacrer ce projet. Un débat passionné au Parlement égyptien l’opposa au Premier Ministre Mustafâ Pacha Fahmî. En colère, le Sheikh courageux claqua la porte du Parlement en signe de protestation. Le Khédive ʿAbbâs Helmî lui proposa d’apporter les amendements qu’il voudrait sur la loi de manière à la rendre acceptable. Mais le Sheikh persista dans son refus arguant que : « La Cour Islamique Suprême se substitue au Mufti dans la plupart de ses décisions. Aucun amendement de ce projet de loi ne peut la rendre conforme à la loi islamique étant donné qu’un magistrat civil ne remplit pas les conditions requises pour être un mufti. » Son intransigeance lui valut d’être démis de ses fonctions en 1317 A.H., soit en 1899 E.C.
Son cousin Sheikh ʿAbd Ar-Rahmân Qutb An-Nawâwî fut nommé après lui à la tête d’Al-Azhar, tandis que Sheikh Muhammad ʿAbduh occupa le poste de Mufti. Quelques années plus tard, le Sheikh fut rétabli au poste de Grand Imâm d’Al-Azhar le 26 du mois de Dhul-Hijjah 1324 A.H. — le 8 février 1907 E.C. Il reprit son projet de réforme de l’enseignement à Al-Azhar. Ses efforts se soldèrent par une nouvelle loi édictée en 1326 A.H. — 1908 E.C. — divisant les études à Al-Azhar en trois cycles de quatre années chacun et sanctionnés par un diplôme : le diplôme élémentaire, le diplôme secondaire et le diplôme supérieur de la ʿÂlamiyyah, lequel conférait à son détenteur le droit d’enseigner à Al-Azhar et d’occuper un poste de prédicateur et d’Imam dans les mosquées. Cette loi subdivisait les disciplines enseignées à Al-Azhar en trois catégories, les disciplines religieuses, les disciplines linguistiques et les disciplines rationnelles. Cette loi de réforme introduisit d’autres disciplines au cursus d’Al-Azhar telles que la Sîrah, les procédures juridiques, la législation civile, le système judiciaire, l’administration, les biens de mainmorte, l’éducation, la pédagogie, le calcul, l’algèbre et la géométrie, ainsi que la géographie et l’hygiène et la santé. En réalité, certaines de ces disciplines étaient enseignées à Al-Azhar avant qu’elles ne tombent dans l’oubli à l’ère de la décadence du monde musulman.
L’une des contributions indélébiles de Sheikh Hassûnah An-Nawâwî fut de réunir dans une grande bibliothèque la multitude d’ouvrages éparpillés dans les bibliothèques des mosquées et dans les pavillons d’Al-Azhar, dont certains ouvrages très rares. Il put ainsi sauver un trésor de parchemins rares et posa la première pierre de la bibliothèque d’Al-Azhar (Al-Maktabah Al-Azhariyyah Al-ʿÂmiriyyah), qui comprend la deuxième plus grosse collection de parchemins en Égypte après Dâr Al-Kutub Al-Misriyyah.
Voyant qu’Al-Azhar ne marchait pas sur la voie de la réforme au rythme qu’il aurait souhaité, à cause de freins exercés par le pouvoir et par certains éléments de l’institution azharite, le Sheikh s’empressa de donner sa démission en 1327 A.H. — 1909 E.C.
Parmi ses écrits, on compte notamment Sullam Al-Mustarshidîn fî Ahkâm Al-Fiqh wad-Dîn, un traité de jurisprudence islamique en deux volumes qui jouit d’une grande notoriété.
L’Imâm Hassûnah An-Nawâwî passa les dernières années de sa vie chez lui, recevant ses amis et ses disciples jusqu’à son retour au Tout Miséricordieux — Exalté soit-Il — le 24 du mois de Shawwâl 1343 A.H. — le 18 mars 1925 E.C. Qu’Allâh — Exalté soit-Il — le compte parmi les véridiques.
Cette présentation se base sur Al-Aʿlâm d’Az-Zarkalî ainsi que sur les articles suivants d’Islamonline.net (article 1,
article 2).
[1] Khédive est un titre qui désignait le roi d’Égypte avant l’instauration de la République en 1952 E.C. NdT.
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