mercredi 17 mai 2000
Dans l’un des petits villages du delta du Nil, dans la province de Buhayra, Sheikh Muhammad al-Bahiyy naquit. Son père l’envoya au Kuttâb (école coranique du village) pour apprendre le Coran ainsi que la lecture et l’écriture. A l’âge de dix ans, Sheikh al-Bahiyy finit la mémorisation du Coran. Son père l’envoya à l’Institut Religieux d’Al-Azhar dans la ville de Dusûq. Il étudia également à Tantâ et à Alexandrie. A Alexandrie il termina le cycle secondaire de l’éducation d’Al-Azhar. Il était alors le premier au classement sur l’Alexandrie et le huitième sur l’ensemble de l’Égypte.
Après l’accomplissement du cycle secondaire, Sheikh Al-Bahiyy partit au Caire poursuivre ses études à Al-Azhar. A son époque, l’ancien système des études supérieures d’Al-Azhar n’était pas encore divisé en Facultés. A la fin des quatre ans des études supérieures Sheikh Al-Bahiyy fut à la tête du classement d’une promotion de 480 personnes.
Sheikh Al-Bahiyy fit alors des études approfondies de la littérature arabe. En 1930, il fut classé deuxième aux examens de spécialisation en littérature arabe.
En 1931, la province de Buhayra l’élit pour préparer une thèse en Allemagne. Sheikh Al-Bahiyy partit en Allemagne à la fin de l’année 1931, où il apprit l’allemand et l’anglais. Il s’installa à Hambourg où il joignit le département de philosophie de l’Université. En plus de l’allemand et l’anglais, Sheikh Al-Bahiyy appris et maîtrisa le latin et le grec.
En 1936, Sheikh Al-Bahiyy finit sa thèse en philosophie et en psychologie à l’Université de Hambourg. De plus, il obtint de la même Université un diplôme dans la « langue et littérature allemandes ». L’excellence de Sheikh Al-Bahiyy encouragea le Grand Imâm d’Al-Azhar, Sheikh Muhammad Mustafâ Al-Marâghî, de prendre complètement Sheikh Al-Bahiyy à la charge d’Al-Azhar. Sheikh Al-Bahiyy poursuivit sa carrière académique à Hambourg jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. A son retour en Égypte, il fut chaleureusement reçu par ses professeurs : Sheikh Muhammad ʿAbd Al-Latîf Daraz, Sheikh Mahmûd Shaltût et Sheikh Az-Zankalôni.
A son retour au pays, Sheikh Al-Bahiyy enseigna la philosophie et la langue arabe dans les Facultés des Fondements de la Religion (Usûl Ad-Dîn) d’Al-Azhar. En 1958, il occupa le poste de directeur du département culturel d’Al-Azhar.
En 1961, dans la vague de lois socialistes qui commençaient à couvrir les différents aspects de la société égyptienne, un projet de loi visait à ôter au Grand Imâm d’Al-Azhar une partie de son pouvoir, surtout concernant les questions financières. Sheikh Al-Bahiyy tenta de convaincre le Grand Imâm de l’époque, Sheikh Mahmud Shaltût, et de lui révéler les conséquences d’une telle loi. Cependant la loi fut intégrée très vite par le gouvernement, prenant de vitesse les deux théologiens et tous les membres d’Al-Azhar.
La même année, Sheikh Al-Bahiyy reçut une invitation de l’« Université de Colombie » à New York pour y travailler pendant un an. Al-Azhar avait cette année ouvert de nouvelles facultés couvrant les sciences non-théologiques. Sheikh Al-Bahiyy, nommé à la tête des universités d’Al-Azhar, a dû décliner l’invitation de l’université américaine.
En 1962, il fut nommé ministre de Al-Awqâf (Donations Islamiques). Il fit une demande pour ne pas être affecté au poste de ministre afin de garder son poste à l’université d’Al-Azhar. Sa demande fut refusée. La vague des lois socialistes des années soixante qui envahissait l’Égypte priva les Institutions Islamiques traditionnelles de la plupart de leurs sources de revenus. Ainsi les terres qui faisaient l’objet de dons pour être utilisées à des fins islamiques et à l’éducation furent confisquées par le gouvernement. Les mêmes lois furent appliquées à l’Eglise. Cependant, après peu de temps, l’Eglise retrouva ses propriétés après des négociations officielles... Sheikh Al-Bahiyy fit de grands efforts pour convaincre le gouvernement de la nécessité de rendre les propriétés islamiques, mais en vain.
Les efforts de Sheikh Al-Bahiyy pour que les donations islamiques soient exploitées de façon juste et sa volonté de répandre les écoles coraniques s’opposaient à la vague de socialisme des années soixante en Égypte. Ainsi, il perdit son poste de Ministre de Al-Awqâf en 1964 et le gouvernement lui redonna la direction des universités d’Al-Azhar... Sheikh Al-Bahiyy refusa sa mutation et protesta contre les pratiques du gouvernement en se retirant de la vie politique et de la direction d’Al-Azhar. Il décida de passer le reste de sa vie loin des hauts postes de la hiérarchie.
En 1965, Sheikh Al-Bahiyy enseigna à l’Université de McGill à Montréal au Canada. Dans son autobiographie, il se dit outragé par les préjugés et les partis pris de nombreux orientalistes dressés contre l’Islam. Il prépara une étude sur la méthodologie d’enseignement de l’Islam dans les pays occidentaux et en fit une traduction en anglais. L’étude fut publiée au Caire, et combien grande fut sa surprise, lorsqu’à deux reprises on tenta de le persuader d’enlever de son livre les parties traitant de l’orientalisme ; la première fois c’était le souhait de l’ambassade américaine au Caire, la deuxième fois c’était celui d’une grande figure communiste en Égypte. Sheikh Al-Bahiyy fit la sourde oreille à ses tentatives de persuasions.
En 1966, un membre du gouvernement demanda à Sheikh Al-Bahiyy de donner une conférence sur l’Islam et le socialisme, dans l’espoir de promouvoir le socialisme et de faire passer des idées socialistes auprès des musulmans en Égypte. Déception du membre du gouvernement. En effet, Sheikh Al-Bahiyy mis en valeur les points de divergence entre l’Islam et le socialisme. Depuis ce jour, Sheikh Al-Bahiyy fut interdit des médias en Égypte.
Dans son autobiographie, Sheikh Al-Bahiyy mentionne un événement qui agrandit le fossé entre lui et le gouvernement en 1966. Le ministre de la défense lui demanda son opinion au sujet d’un livre intitulé : Jalons sur la voie. L’auteur de ce livre était une figure éminente des Frères Musulmans, le martyr Sayyid Qutb, qui fut exécuté en Égypte en 1966. Lorsque Sheikh Al-Bahiyy dit au ministre « j’aurais tellement souhaité être l’auteur de ce livre », la colère du ministre brilla dans ses yeux, mais cela sans le moindre effet sur l’opinion de Sheikh Al-Bahiyy qui resta ferme.
Sheikh Muhammad Al-Bahiyy est considéré comme un grand exégète (mufassir) de son siècle. Dans ses livres consacrés à l’interprétation du Coran, il rassembla les passages du Coran qui ont le même message ou qui traitent un même problème de façon à tirer une leçon détaillée et complète.
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