Dieu — Exalté soit-Il — commanda l’obéissance au Messager — paix et bénédictions sur lui —. Ce commandement figure dans le Saint Coran sous différentes formes, selon l’état, la sensibilité et les intentions des destinataires du discours. Ainsi s’adressa-t-il tour à tour au juif qui demandait des preuves nombreuses, à l’hypocrite pour qui un style menaçant convenait, et au fidèle qui acceptait l’ordre et reconnaissait la guidance par le plus court chemin. À l’égard de ce commandement, les versets du Saint Coran adoptèrent une démarche pédagogique adaptée, et mirent en œuvre une méthodologie sage :
- D’une part, ils signifièrent l’obligation d’obéir au Messager en enjoignant la foi en les Messagers de manière générale, ce qui implique l’obligation d’obéir au Messager — paix et bénédictions sur lui —. Par exemple, Dieu — Exalté soit-Il — dit : « Ô gens du Livre n’exagérez pas dans votre religion et ne dîtes à propos de Dieu que la vérité. Le Messie Jésus le fils de Marie n’est que le Messager de Dieu ainsi que Sa parole projetée à Marie et un Esprit venant de Lui. Croyez donc en Dieu et en Ses Messagers. Car si vous croyez et craignez (Dieu), vous aurez une grande rétribution. » [1] Le commandement de croire aux Messagers tout en croyant en Dieu ne se peut que lorsque cette foi est accompagnée de l’acceptation de ce qui est transmis par les Messagers de la part de Dieu et de la soumission et de l’obéissance à la voie qu’ils tracent. Partant, il est impératif de croire en notre Messager — paix et bénédictions sur lui — en vertu du commandement de croire aux Messagers, et son obéissance est obligatoire au même titre que l’obéissance aux Messagers qui découle du commandement de croire en eux.
- D’autre part, les versets signifièrent également l’obligation d’obéir au Messager — paix et bénédictions sur lui — en associant le commandement de croire en lui avec celui de croire en Dieu — Exalté soit-Il — : « Ô vous qui avez la foi, croyez en Dieu, en Son Messager et au Livre qu’Il a révélé à Son Messager ainsi qu’aux Livres qu’Il a révélés précédemment. » [2] Le Très-Haut dit aussi : « Croyez donc en Dieu, en Son Messager et à la Lumière que Nous avons révélée. Certes Dieu est parfaitement Connaisseur de ce que vous faîtes. » [3] Dieu — Exalté soit-Il — clarifia dans ces versets, et dans d’autres versets, le rang de Son Prophète — paix et bénédictions sur lui — : il prescrivit la foi en lui et ne se contenta pas du commandement d’ordre général cité précédemment — bien qu’il y soit englobé — et ce, en raison du caractère ultime de son Message et de l’universalité de sa Mission. La sagesse imposait donc qu’il fasse l’objet d’un supplément d’attention, ce qui explique l’injonction de lui obéir. L’Imâm Ash-Shâfiʿî — que Dieu l’agrée — dit : « Dieu conféra à Son Messager la position qu’Il a explicitée — Exalté soit-Il — vis-à-vis de Sa religion, de Ses injonctions et de Son Livre. Il fit de lui l’emblême de Sa religion en rendant obligatoire le fait de lui obéir et en interdisant le fait de lui désobéir. Il démontra son mérite en associant la foi en Son Messager à la foi en Lui lorsqu’Il dit — Exalté soit-Il — : “Croyez en Dieu et en Son Messager et ne dîtes pas trois. Cessez, cela vaudra mieux pour vous. Dieu n’est qu’une divinité unique, Gloire à Lui, il ne Lui sied point d’avoir un fils.” [4] Il dit aussi : “Les croyants sont ceux qui croient en Dieu et en Son Messager et qui lorsqu’ils assistent avec lui à une affaire grave ne le quittent point avant de lui avoir demandé la permission” [5], liant la perfection des prémices de la foi — laquelle conditionne tout le reste — à la foi en Dieu, puis (à la foi) en Son Messager. » [6]
- Les versets signifièrent aussi l’obligation d’obéir au Messager — paix et bénédictions sur lui — du fait que Dieu — Exalté soit-Il — rendit obligatoire l’obéissance aux Messagers. Le Très-Haut dit en effet : « Nous n’avons guère envoyé de Messagers sauf pour qu’ils soient obéis par la volonté de Dieu » [7] L’obéissance aux Messagers est donc l’objectif qui justifie leur envoi. Notre Messager — paix et bénédictions sur lui —, du fait qu’il fait partie des Messagers, est visé par cette règle générale. On doit donc lui obéir d’autant plus que ses prédécesseurs parmi les Messagers étaient envoyés avec des Lois spécifiques à certains peuples, alors que notre Messager — paix et bénédictions sur lui — apporta une Loi universelle et définitive. Son obéissance s’en trouve donc plus confirmée et plus impérative.
- Le commandement d’obéir au Messager est associé au commandement d’obéir à Dieu — Exalté soit-Il — : « Dis : “Obéissez à Dieu et au Messager.” S’ils se détournent, (sache que) Dieu n’aime pas les mécréants. » [8] Le Très-Haut dit aussi : « Ô vous qui avez la foi, obéissez à Dieu et obéissez au Messager et à ceux qui détiennent le commandement parmi vous. Si vous êtes en désaccord sur une chose, renvoyez-la à Dieu et au Messager, si vous croyez en Dieu et au jour dernier. » [9] Quiconque médite sur les versets précités relatifs à l’obéissance au Messager — paix et bénédictions sur lui — verra que l’injonction d’obéir à Dieu et associée à l’injonction d’obéir au Messager, tantôt en usant d’une conjonction simple sans répétition du verbe comme dans le premier verset, ce qui signifie une association absolue et le fait que les deux vont de paire, et tantôt en répétant le verbe, ce qui exprime l’obligation d’obéir au Messager — paix et bénédictions sur lui — de manière absolue dans tout ce qu’il ordonne. Enfin, un troisième aspect concerne la répétition du verbe pour les deux premiers acteurs avec la conjonction sans répétition du verbe pour le troisième acteur comme dans Sa parole : « Obéissez à Dieu et obéissez au Messager et à ceux qui détiennent le commandement parmi vous. » Cela signifie que ceux qui détiennent le pouvoir ne jouissent pas d’une obligation d’obéissance indépendante ; ils ne disposent pas d’une prérogative spécifique de légifération qui contredirait l’islam. « On ne leur obéit vis-à-vis de ce qu’ils édictent et ils n’exercent leur pouvoir que dans le cadre tracé par la religion instituée par Dieu que ce soit dans le Coran ou la Sunnah. » [10] L’obéissance au Messager est donc obligatoire dans tout ce qu’il ordonna, que l’ordre en question figure dans le Saint Coran ou pas.
- Dieu ordonna l’obéissance au Messager de manière indépendante disant : « Non, par ton Seigneur, ils ne seront pas croyants tant qu’ils ne t’auront pas fait juge de leur litige, que ta décision ne leur sera plus une gêne et qu’ils ne se seront pas soumis tout à fait. » [11] Dieu — Exalté soit-Il — dit également : « Accomplissez la prière, acquittez vous de la zakât, obéissez au Messager. Peut-être vous sera-t-il fait miséricorde. » [12] et « Prenez ce que le Messager vous donne ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en. » [13] Ces versets énoncent clairement l’obligation d’obéir au Messager, de se soumettre à son jugement et de le suivre. Cette obéissance est due du vivant du Prophète et après son décès. De son vivant, les Compagnons puisaient les règlements de la sharîʿah dans le Coran qu’ils tenaient de leur Messager — paix et bénédictions sur lui —, dans la mesure où il leur clarifiait ce qui leur était révélé, et dans la mesure où il leur explicitait de nombreux règlements au fur et à mesure que des événements non mentionnés dans le Coran survenaient. Le Prophète leur donnait une application concrète des règlements — le licite et l’illicite — qui avaient pour source le Coran ou la révélation qui lui était envoyée : « Il leur ordonne le convenable, leur défend le blâmable, leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises, et leur ôte le fardeau et les jougs qui étaient sur eux. » [14] Dieu enjoignit de répondre à l’appel du Messager — paix et bénédictions sur lui — : « Ô vous qui croyez ! Répondez à Dieu et au Messager lorsqu’il vous appelle à ce qui vous donne la vie. » [15] Dieu n’autorisa nullement au croyant ni à la croyante d’aller à l’encontre du jugement et du commandement du Messager ; Il dit — Exalté soit-Il — : « Il n’appartient pas à un croyant ou à une croyante, une fois que Dieu et Son Messager ont décidé d’une chose d’avoir encore le choix dans leur façon d’agir. Et quiconque désobéit à Dieu et à Son Messager, s’est égaré certes, d’un égarement évident. » [16] Les musulmans respectaient ses ordres et ses interdits et suivaient son exemple dans leur culte et dans leurs transactions. Ils obéissaient au Messager et suivaient son exemple au point qu’ils imitaient ses actions et s’abstenaient de ce dont il s’abstenait. Nul ne s’autorisait de reprendre le Messager sauf lorsqu’une chose les étonnait, auquel cas ils en discutaient avec lui pour en connaître la sagesse. Nul ne s’autorisait de reprendre le Messager pour la moindre chose « sauf lorsque son geste ou sa parole étaient le fruit d’une réflexion personnelle (ijtihâd) au sujet d’une affaire de ce monde, comme lors de la bataille de Badr quand Al-Habbâb Ibn Al-Mundhir discuta avec lui du lieu du campement. » [17]. Or, ceci avait lieu conformément au principe islamique de la consultation (shûrâ).
Telle était donc la situation du vivant du Messager — paix et bénédictions sur lui —. Après sa mort, il est également obligatoire de lui obéir et de suivre sa tradition, car le Prophète — paix et bénédictions sur lui — rejoignit le Compagnon Suprême après s’être assuré parfaitement d’avoir établi les fondements de la religion et transmis le dépôt divin sur la voie de la vérité. Il recommanda aux musulmans de lui obéir et de suivre son exemple après son décès, conformément aux enseignements du Livre et de la Sunnah, et en harmonie avec leurs préceptes. Il dit en effet — paix et bénédictions sur lui — : « Je vous ai laissé deux choses, aussi longtemps que vous vous attacherez à elles, vous ne serez jamais égarés : le Livre de Dieu et ma tradition. » [18] Tout comme il était obligatoire pour les Compagnons, par la lettre du Coran, d’obéir au Messager et de le suivre de son vivant et après sa mort — comme cela est stipulé dans le hadîth précédent —, il incombe aux générations suivantes de musulmans de suivre sa tradition après son décès. Car les textes qui dictent cette obligation ont une portée générale non limitée à son vivant ni limitée exclusivement à ses Compagnons d’entre tous les musulmans. De plus, le motif de l’injonction est commun aux Compagnons et à leurs successeurs, à savoir qu’ils sont les disciples du Messager dont l’obéissance fut ordonnée par Dieu.
Pour toutes ces raisons, les Compagnons recueillirent la tradition prophétique et la transmirent à leurs successeurs.
Notes
[1] Sourate 3, Âl ʿImrân, La famille d’Amram, verset 179.
[2] Sourate 4, An-Nisâ’, Les femmes, verset 136.
[3] Sourate , At-Taghâbun, verset 8.
[4] Sourate 4, An-Nisâ’, Les femmes, verset 171.
[5] Sourate 24, An-Nûr, La lumière, verset 62.
[6] Ar-Risâlah (L'épître) de l’Imâm Ash-Shâfiʿî, page 73.
[7] Sourate 4, An-Nisâ’, Les femmes, verset 64.
[8] Sourate 3, Âl ʿImrân, La famille d’Amram, verset 32.
[9] Sourate 4, An-Nisâ’, Les femmes, verset 59.
[10] As-Sunnah An-Nabawiyyah wa Makânatuhâ fî At-Tashrîʿ (La sunnah prophétique et sa place dans la législation), page 58.
[11] Sourate 4, An-Nisâ’, Les femmes, verset 65.
[12] Sourate 24, An-Nûr, La lumière, verset 56.
[13] Sourate 59, Al-Hashr, L’exode, verset 7.
[14] Sourate 7, Al-Aʿrâf, Les limbes, verset 157.
[15] Sourate 8, Al-Anfâl, Le butin, verset 24.
[16] Sourate 33, Al-Ahzâb, Les coalisés, verset 36.
[17] As-Sunnah An-Nabawiyyah wa Makânatuhâ fî At-Tashrîʿ (La sunnah prophétique et sa place dans la législation), page 66.
[18] Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak, dans Jâmiʿ Bayân Al-ʿIlm wa Fadlih, volume 2, page 180, dans le commentaire d’Az-Zurqânî d’Al-Muwatta’ et dans At-Targhîb wat-Tarhîb.