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Ô mon fils !

Ô mon fils ! (1)

dimanche 23 septembre 2001

Au Nom de Dieu, Clément et Miséricordieux

Avant-propos

Louanges à Dieu, Seigneur des mondes. Bienheureux seront les pieux. Que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète Muhammad ainsi que sur toute sa Famille.

Sache, lecteur, qu’un étudiant avancé fut le disciple du Sheikh, de l’Imâm, de l’Éclat de la Religion, de l’Argument de l’Islam, Abû Hâmid Muhammad Ibn Muhammad Al-Ghazâlî — que Dieu lui fasse miséricorde. Cet étudiant s’occupait d’apprendre et d’acquérir le savoir auprès de son maître, jusqu’à ce qu’il soit parvenu à maîtriser les détails de chaque science, et à acquérir les vertus morales. Un jour, il médita sur son existence et se dit : "J’ai étudié diverses catégories de sciences et j’ai dépensé la fleur de mon âge à les apprendre et à les acquérir. Maintenant, il faut que je sache quelle catégorie me sera utile demain et me tiendra compagnie dans ma tombe, et laquelle est sans utilité afin que je l’abandonne. Le Messager de Dieu — paix et bénédiction de Dieu sur lui — dit en effet : "Ô Dieu ! Je me réfugie auprès de Toi d’un savoir inutile"". Cette idée ne cessa de le hanter jusqu’à ce qu’il décida d’écrire au Maître, Argument de l’Islam, Muhammad Al-Ghazâlî — que Dieu lui fasse miséricorde — pour lui demander son avis, lui poser des questions, lui quémander des conseils et des invocations. Il écrivit : "Bien que les ouvrages du Maître comme le Ihyâ’ [1] ou d’autres renferment la réponse à mes interrogations, j’aurais espéré que le Maître réponde à ma requête en quelques pages que je garderai et que j’appliquerai le restant de ma vie, si Dieu le veut."

Le Sheikh lui écrivit cette lettre en réponse, et Dieu est le plus Savant.

Lettre de l’Imâm Al-Ghazâlî à son disciple

"Sache, ô mon cher fils affectueux — que Dieu t’accorde une longue vie dans l’obéissance et qu’Il te fasse emprunter la voie de Ses Bien-aimés — que la quintessence du conseil provient du Cœur du Message [2]. S’il t’est parvenu un conseil de sa part, quel besoin as-tu alors de mon conseil ? Et si rien de tel ne
t’est parvenu, dis-moi alors qu’est-ce que tu as bien pu acquérir durant toutes ces années passées ?

Ô mon fils ! Parmi les conseils que le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — a prodigués à sa communauté, figure la sentence suivante : "Le signe du désintérêt d’Allah vis-à-vis d’un Serviteur est la préoccupation de ce dernier de ce qui ne le concerne point. Et un homme qui perd une heure de sa vie à faire ce pour quoi il n’a pas été créé, mérite que dure son regret. Et celui qui dépasse la quarantaine sans que son bien devienne supérieur à son mal, qu’il se prépare pour l’Enfer". Ce conseil à lui seul suffit pour les hommes de science.

Ô mon fils ! Il est facile de prodiguer un conseil, mais le plus difficile c’est de l’accepter, son goût étant amer pour ceux qui suivent leurs passions car les choses prohibées sont agréables à leur cœur. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne celui qui étudie les sciences formelles, préoccupé qu’il est par son mérite personnel et les talents d’ici-bas. Il pense que l’acquisition de la science abstraite garantira son salut et qu’il peut se dispenser d’œuvrer ou d’agir sur le terrain concret. Telle est la position des philosophes. Gloire à Dieu Tout-Puissant ! Ce prétentieux ignore qu’en acquérant le savoir, les preuves s’amassent d’autant plus contre lui, au cas où il ne mettrait pas en pratique le savoir qu’il détient. Le Prophète — paix et bénédiction de Dieu sur lui — dit dans ce sens : "Le plus durement châtié le Jour de la Résurrection est un savant qui ne tire pas profit de son savoir". On rapporte qu’Al-Junayd — que Dieu le sanctifie — fut vu en songe après sa mort et qu’on lui demanda : "Qu’en est-il ô Abû Al-Qâsim ?" Il répondit : "Les paroles se sont évanouies, et les signes ont péri. Seules nous ont profité les quelques prières accomplies au cœur de la nuit."

Ô mon fils ! Ne sois pas dépourvu d’œuvres pies ni dénué d’états spirituels. Aie la certitude que la science abstraite n’est pas d’un grand secours. Suppose par exemple qu’un homme plein de bravoure et sachant manier les armes marche dans le désert muni entre autres de dix épées indiennes, quand tout à coup, un lion énorme l’attaque. Crois-tu que les armes vont le protéger s’il ne les manie pas et ne s’en sert pas pour frapper ? Il est connu en effet qu’elles ne protègent que si elles sont maniées. De même, si un homme étudie et apprend cent mille questions scientifiques, elles ne lui seront profitables que s’il les emploie sur le terrain pratique. Un autre exemple : si un homme est atteint de fièvre et de jaunisse, dont le traitement est à base d’oxymel et d’infusion d’orge, il ne pourra guérir qu’en les utilisant. Comme dit le poète :

"Tu auras beau servir deux mille coupes de vin, ce n’est qu’en buvant que tu seras grisé" [3]

Tu auras beau étudier la science pendant cent ans, tu auras beau lire mille livres, tu ne seras disposé à recevoir la Miséricorde de Dieu qu’en agissant par des œuvres concrètes : "et qu’en vérité, l’homme n’obtient que le fruit de ses efforts" [4] ; "Quiconque, donc, espère rencontrer son Seigneur, qu’il fasse de bonnes actions" [5] ; "en récompense de ce qu’ils se sont acquis" [6] ; "Ceux qui croient et font de bonnes œuvres auront pour résidence les Jardins du Paradis, où ils demeureront éternellement, sans désirer aucun changement" [7] ; "Puis leur succédèrent des générations qui délaissèrent la prière et suivirent leurs passions. Ils se trouveront en perdition, sauf celui qui se repent, croit et fait le bien : ceux-là entreront dans le Paradis et ne seront point lésés" [8].

Et que dis-tu de ce hadith : "L’islam est fondé sur cinq piliers : l’attestation qu’il n’y a de dieu que Dieu et que Muhammad est le Messager de Dieu, l’accomplissement de la prière, l’acquitation de l’aumône légale, le jeûne du mois de Ramadân, et le pélerinage au Sanctuaire pour celui qui en a les moyens" ?

La foi est une parole par la langue, une adhésion par le cœur, et une pratique des piliers. Le domaine des œuvres pies est bien vaste. Même si le Serviteur n’atteint le Paradis que par la Grâce et la Générosité de Dieu, il ne lui en incombe pas moins de se préparer par ses actes d’obéissance et d’adoration car la Miséricorde de Dieu est proche des bienfaisants. Et s’il est dit que le Serviteur peut y parvenir par sa seule foi, nous répondons par l’affirmative, mais quand est-ce qu’il y parvient ? Combien d’obstacles difficiles aura-t-il à surmonter avant d’accéder au salut ? Le premier obstacle est celui de la foi. Est-ce que celui à qui on retire la foi peut être sauvé ? Et s’il accède au salut, sera-t-il bredouille de bonnes actions ? Al-Hasan Al-Basrî dit : "Dieu dira à Ses Serviteurs le Jour de la Résurrection : "Ô Mes Serviteurs ! Entrez au Paradis par Ma Miséricorde et partagez-le entre vous selon vos œuvres"".

Ô mon fils ! Si tu n’œuvres pas, tu ne toucheras pas de salaire. On relate qu’un Israélite adora Dieu pendant soixante-dix ans. Dieu voulut alors le montrer aux anges. Il lui envoya un ange l’informer que malgré sa dévotion, il n’était pas digne d’entrer au Paradis. Une fois le message reçu, l’ascète répondit : "Nous avons été créés pour L’adorer, nous devons donc L’adorer". Quand l’ange s’en retourna auprès de Dieu, il dit : "Mon Dieu, Tu sais mieux que mois ce qu’il a dit". Dieu dit : "S’il ne se détourne pas de Notre adoration, alors, par Générosité, Nous ne nous détournerons pas de lui. Témoignez mes anges que Je lui ai pardonné". Le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — dit : "Jugez-vous vous-mêmes avant d’être jugés, et pesez vous-mêmes vos œuvres avant qu’elles ne soient pesés pour vous". ʿAlî — que Dieu l’agrée — dit : "Celui qui pense parvenir sans effort nourrit de faux espoirs, et celui qui pense parvenir par l’effort se nourrit d’illusions". Al-Hasan — qu’Allâh lui fasse miséricorde — dit : "Réclamer le Paradis sans œuvrer est un péché en soi". Il dit aussi : "Le signe distinctif de la véridicité consiste à cesser de faire le décompte des œuvres et non pas de cesser les œuvres". Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — dit aussi : "Le sage est celui qui se juge lui-même et qui œuvre pour l’au-delà. L’idiot est celui qui suit ses passions, et qui prétend à l’agrément de Dieu".

P.-S.

Traduit de l’arabe de la lettre de l’Imâm Abû Hâmid Al-Ghazâlî, Ayyuhâ Al-Walad, disponible en ligne sur le site Ghazali.org.

Notes

[1Il s’agit de Ihyâ’ ʿUlûm Ad-Dîn, traduit en français sous le titre de Revivification des Sciences de la Religion. NdT

[2Le « Cœur du Message » est une périphrase désignant le Prophète. NdT

[3Vers en persan dans le texte.

[4Sourate 53, l’Étoile, An-Najm, verset 39.

[5Sourate 18, la Caverne, Al-Kahf, verset 110.

[6Sourate 9, le Repentir, At-Tawbah, verset 82.

[7Sourate, la Caverne, Al-Kahf, versets 107 et 108.

[8Sourate 19, Marie, Maryam, versets 59 et 60.

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