vendredi 13 mai 2005
Sheikh ʿAbd Ar-Rahîm Al-Buraʿî, décédé le 20 février 2005, était le plus célèbre soufi et guide spirituel du Soudan. Sa confrérie soufie est fréquentée par des milliers de personnes au Soudan et à l’étranger. Les Soudanais le considèrent comme leur père spirituel, qu’ils appellent d’ailleurs Abûnâ, "Notre père". À lui tout seul, cet homme fut le symbole de l’Islam dans le Soudan de la deuxième moitié du XXe siècle.
Sheikh ʿAbd Ar-Rahîm Al-Buraʿî naquit en 1923 dans la ville de Zarîbah, dans l’État du Kordofan au Soudan. Il reçut son instruction auprès de son père, le Sheikh Muhammad Waqîʿ Allâh, qui était par ailleurs maître spirituel de la confrérie soufie sammânide (At-Tarîqah As-Sammâniyyah).
Depuis sa naissance et durant toute sa vie, Zarîbah fut son lieu de domicile quasi-permanent. C’est là qu’il grandit et qu’il fit son éducation. Le Sheikh écrit, racontant cette période de sa vie : « J’ai fait mes études coraniques et juridiques auprès de mon père et maître Muhammad Waqîʿ Allâh. J’ai assidûment suivi les leçons modernes qu’il donnait en son temps. J’étudiais avec lui les ouvrages de référence qu’il m’expliquait. Ainsi, je n’ai pas quitté ma ville natale pour mes études, et ce, jusqu’à sa mort, à partir de laquelle je suis devenu son successeur. »
Sheikh Al-Buraʿî se lia à son père plus que n’importe lequel de ses frères, qui se consacrèrent quant à eux à des activités diverses comme le commerce. Il représenta son père dans de nombreux voyages et missions qu’il effectua, et ce jusqu’à sa mort en 1944. La succession à la tête de la confrérie soufie passa alors au fils aîné, Sheikh An-Nûr, qui décida néanmoins de céder sa place à son cadet Sheikh ʿAbd Ar-Rahîm Al-Buraʿî.
Sheikh Al-Buraʿî avait quatre frères et quatorze sœurs. Ses frères sont Sheikh An-Nûr, décédé, Sheikh Al-Khidr, diplômé d’Al-Azhar et mort en 1983, Sheikh Yûsuf et Sheikh Sulaymân, résidant à Zarîbah. Parmi ses sœurs, la plus connue est As-Sârrah à laquelle le Sheikh confia la responsabilité d’enseigner aux femmes dans sa mosquée. Le Sheikh se maria six fois avec des femmes de quatre tribus différentes, favorisant ainsi les mariages inter-ethniques. Dans un pays multi-ethnique comme le Soudan, de tels mariages consacrent la volonté de brassage ethnique et culturel entre les différentes composantes de la société. De ses six mariages, le Sheikh eut quarante-et-un enfants, vingt-quatre garçons et dix-sept filles. Cinq de ses enfants, tous de sexe masculin, sont décédés.
Sheikh Al-Buraʿî fit construire de nombreuses mosquées, la dernière en date étant la nouvelle mosquée de Zarîbah qu’il inaugura en 2004. Il bâtit des mosquées dans les villes de Umm Dam Hâjj Ahmad, Umm Rawâbah, Al-Abyad, Madanî, Umm Durmân, tout comme il créa des conseils islamiques dans la capitale du Soudan, Khartoum, ainsi que dans la ville côtière de Port-Soudan.
Sheikh ʿAbd Ar-Rahîm Al-Buraʿî était constamment préoccupé par les jeunes gens désirant se marier mais n’ayant pas les moyens de le faire. Depuis 1963, il procédait donc lui-même à l’organisation de mariages simultanés dans la ville de Zarîbah, auxquels assistaient les Présidents soudanais successifs. Il appelait également à la diminution du montant de la dot que les familles exigeaient pour leurs filles, afin de faciliter la conclusion du mariage. Le montant élevé de la dot constitue en effet aujourd’hui l’un des plus gros obstacles empêchant les jeunes de se marier tôt dans les pays arabes.
Il participa également à l’enrichissement de la littérature islamique à travers divers recueils de poésie : Riyâd Al-Jannah wa Nûr Ad-Dujnah (Jardins paradisiaques et Lumière de la nuit), Fath Dhû Al-Maʿârij fî Ash-Shiʿr As-Sûdânî Ad-Dârij (Introduction à la poésie soudanaise dialectale), Bahjat Al-Layâlî Wal-Ayyâm fî Madh Khayr Al-Anâm (Bonheur éternel dans l’éloge de la meilleure créature). Sheikh ʿAbd Ar-Rahîm Al-Buraʿî est également l’auteur d’un traité juridico-théologique : Hidâyat Al-Majîd fî ʿUlûm Al-Fiqh Wat-Tawhîd (La Guidance divine en jurisprudence et en théologie). En 1992, l’Université islamique de Umm Durmân délivra à Sheikh Al-Buraʿî un doctorat honorifique en récompense pour ses efforts dans la diffusion de la religion islamique.
Sheikh ʿAbd Ar-Rahîm Al-Buraʿî devait avant tout sa renommée à sa poésie et à ses hymnes religieux, extrêmement répandus au Soudan. Notons d’ailleurs qu’Al-Buraʿî n’est pas son vrai nom, mais un surnom que lui ont donné les Soudanais pour le rapprocher de ʿAbd Ar-Rahîm Ibn Ahmad Ibn ʿAlî Al-Buraʿî, un poète yéménite soufi du XIVe siècle qui chantait la gloire du Prophète.
Les airs qu’il composait sont repris par la plupart des hymnodes soudanais. Ces airs sont inspirés par l’environnement, le milieu et la culture dans lesquels vivait le Sheikh. La ville de Zarîbah et le folklore traditionnel du Kordofan sont ainsi les sources dans lesquels puisait le Sheikh pour créer ses mélodies.
Les hymnes de Sheikh Al-Buraʿî regroupent divers genres, que lui-même avait classés en rédigeant son recueil poétique Riyâd Al-Jannah wa Nûr Ad-Dujnah (Jardins paradisiaques et Lumière de la nuit). Ces genres comprennent entre autres des cantiques à la gloire de Dieu, des hymnes consacrés au Prophète, des poèmes encensant les plus grands soufis, ainsi que de la poésie populaire en arabe dialectal. Tous ces chants font désormais partie du patrimoine artistique soudanais. Nombre de ses hymnes ont profondément marqué la conscience collective du peuple soudanais.
Le 20 février 2005 et après un long combat contre la maladie, Sheikh ʿAbd Ar-Rahîm Al-Buraʿî fut rappelé auprès de son Seigneur à l’âge de 82 ans. De nombreux hommages lui furent rendus dans tout le monde musulman, aussi bien dans le monde savant que dans le monde politique. Un astre de la prédication islamique et du soufisme venait de s’éteindre. Sheikh Yûsuf Al-Qaradâwî, Président de l’Union Mondiale des Savants Musulmans, exprima ses hommages au Sheikh défunt en ces termes : « Le monde musulman vient de perdre un noble et pieux savant, Sheikh ʿAbd Ar-Rahîm Al-Buraʿî, qui curait les âmes par la pureté et la purification, par le Coran et les hymnes prophétiques. Ce fut un homme au cœur et à l’âme débordants de force. Il parvint à marquer des dizaines de milliers de Musulmans. Je prie Dieu — Exalté et Loué soit-Il — de lui pardonner et de lui faire miséricorde ».
Sources : Aljazeera.net, Rayaam.net et Sudaneseonline.com.
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