mercredi 25 août 2004
À dix kilomètres environ au nord-ouest de la ville d’Alep se trouve le paisible village de Bayânûn. C’est ici que naquit le savant éducateur Sheikh ʿÎsâ Ibn Hasan Ibn Bakrî Ibn Ahmad Al-Bayânûnî en 1873, au sein d’une famille réputée pour sa piété et sa générosité.
À l’âge de dix ans, le destin le conduisit à la ville d’Alep pour étudier les sciences religieuses. Il séjourna chez son frère Sheikh Hamâdah Al-Bayânûnî qui fut un savant réputé à l’École Ottomane (Al-Madrasah Al-ʿUthmâniyyah). Ce dernier emmena le jeune ʿÎsâ chez le maître-récitateur du Coran Sheikh Ahmad Al-Hajjâr. Il mémorisa le Noble Coran auprès de Sheikh Al-Hajjâr et apprit l’art et les règles de la récitation. En outre, il apprit l’art de la calligraphie arabe auprès de Sheikh Bashîr Al-Hayyânî.
À l’âge de treize ans, il suivit les cours de l’École Ottomane et s’instruisit auprès de Sheikhs qui jouissaient d’une grande renommée dans le pays. Il étudia l’exégèse coranique, la logique et la grammaire arabe auprès de Sheikh Mustafa Al-Hilâlî Ad-Darʿazânî. Il apprit la théologie auprès de son frère, Sheikh Hamâdah qui lui enseigna également les principes de la grammaire arabe, du soufisme et du droit musulman.
Il enrichit son savoir par les cours d’exégèse, de théologie, de logique et de rhétorique dispensés par Sheikh Husayn Al-Kurdî qui fut parmi les savants distingués de l’École Ottomane. Il assista assidûment à l’assemblée de Sheikh Bashîr Al-Ghazzî, un expert dans la science du Hadith et dans les lectionnaires coraniques. Il acheva son apprentissage de la grammaire arabe auprès du dévot Sheikh Ahmad Al-Maktabî qui lui enseigna, entre autres, la Alfiyyah d’Ibn Mâlik avec les commentaires d’Al-Khudarî, ainsi que les commentaires de l’érudit Al-ʿAttar de Sharh Al-Azhariyyah.
Outre l’introduction à la jurisprudence islamique qu’il reçut de son frère, il se versa dans cette discipline auprès de Sheikh Ahmad As-Sankarî qui lui enseigna la Hâshiyah du Sheikh de l’Islam Ibrâhîm Al-Bâjûrî, Recteur et Grand Imâm d’Al-Azhar entre 1847 et 1860, et une partie de la Hâshiyah de l’érudit Al-Bijirmî. Il se forma également auprès des juristes Sheikh Ahmad Al-Budûri Al-Jamîlî, professeur à l’Ecole Shaʿbâniyyah et expert en jurisprudence shâfiʿite, ainsi que le grand Sheikh d’Alep, le juriste shâfiʿite, Sheikh Muhammad Az-Zarqâ.
Toute personne qui avait l’opportunité de parler au Sheikh ou d’écouter ses sermons, ses conseils ou ses exhortations repartait convaincue de la vivacité de son esprit, de son éloquence et de la bonté de son cœur. Dans sa jeunesse, il se distingua dans les cercles de ses Maîtres par son intelligence et sa perspicacité. C’est pour cela que ses professeurs interrogeaient d’abord ses autres camarades, puis lorsque ceux-ci étaient incapables de répondre, ils se retournaient vers le jeune ʿÎsâ et lui donnaient la parole. Certains de ses pairs disaient : « S’il n’avait pas dépensé sa vie dans le soufisme, il serait devenu un éminent juriste. » D’autres de remarquer : « Si Sheikh ʿÎsâ avait continué à étudier la jurisprudence, il serait devenu un savant de référence de l’école shâfiʿite. »
Son élève, Sheikh ʿ Abd Al-Fattâh Abû Ghuddah, dit : « J’ai assisté à ses cours avec un certain nombre d’étudiants distingués. Lorsque l’un de nous commettait quelque erreur ou se trompait dans une expression, le Sheikh - que Dieu lui fasse miséricorde - le reprenait rapidement. Puis, il nous interrogeait afin de corriger l’erreur en question. Lorsque nous trouvions la bonne réponse, il exprimait sa satisfaction par des éloges. Sinon, il attirait notre attention vers l’erreur. En matière de correction de l’expression, il fut tel un orfèvre distinguant, d’un seul coup d’œil, le vrai du faux. »
Lorsque Sheikh Abû Ghuddah fut interrogé au sujet de ses Sheikhs, il cita Sheikh ʿÎsâ en tête et rappela l’ampleur de son amour pour le Messager de Dieu et ses nobles manières.
Outre son lien avec l’École Ottomane, il fut reçu premier au concours pour enseigner à la ville d’Al-Maʿarrah. Il y passa six ans puis retourna à Alep où il fut nommé prédicateur de la mosquée de l’École Ottomane. Il enseigna également l’éthique à l’École Khasrawiyyah.
Lorsque l’Imâm du Hadith en Syrie, Sheikh Muhammad Badr Ad-Dîn Al-Hasanî arriva de Damas pour visiter Alep, il rencontra Sheikh ʿÎsâ et vit sa sincérité en matière de prédication et l’impact de ses mots sur son audience. Il demanda alors au directeur des Biens de mainmorte à Alep de le nommer professeur pour les femmes afin qu’elles profitent à leur tour de sa sagesse et de ses enseignements.
Au-delà des postes officiels occupés par le Sheikh, il dépensa la majeure partie de sa vie dans les mosquées et les assemblées pour appeler à Dieu, recommander les œuvres pies et charitables et mettre en garde contre la négligence et les péchés. Cette revivification de l’Islam dans les cœurs et les œuvres des musulmans était devenue vitale à l’heure où la société syrienne, comme d’autres sociétés musulmanes, étaient infiltrées par des courants de pensée étrangers banalisant les péchés et la corruption des mœurs.
Aussi, lorsque les colons français posèrent leur botte en Syrie et s’apprêtaient à pénétrer Alep, Sheikh ʿIsâ prêcha et encouragea les hommes à porter les armes dans le Sentier de Dieu. L’enthousiasme gagna les chevaliers d’Alep et les volontaires qui se joignirent à eux, portant leurs fusils, droits sur leurs chevaux. Mais lorsque les nouvelles vinrent de la capitale annonçant la défaite de la résistance et l’ordre du gouvernement de cesser toute forme de manifestation, l’enthousiasme pâlit et la foule se dispersa.
Par ailleurs, le Sheikh déploya de louables efforts pour subvenir aux besoins des nécessiteux, notamment ceux de la ville du Prophète - paix et bénédictions sur lui. Le Sheikh confia à un homme de piété, qu’il vit en songe le Prophète - paix et bénédictions sur lui - lui disant de venir en aide aux habitants de sa noble ville. Il s’activa alors dans la collecte d’argent et réunit deux cents livres ottomanes en or qu’il envoya avec une assemblée de pèlerins dignes de confiance afin que l’argent soit distribué aux Médinois indigents.
Parmi l’héritage que le Sheikh a laissé à la postérité, figure son fils, Sheikh Ahmad ʿIzz Ad-Dîn, qui porta à son tour le flambeau de l’Islam et prolongea les efforts de son père.
Parmi les disciplines islamiques où le Sheikh excella, il en est une qui occupa son cœur dès sa jeunesse et qui l’accompagna tout au long de sa vie. Il s’agit du soufisme, de ce cheminement vers Dieu avec dévotion et ascétisme, en suivant les pas du Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui. Sheikh ʿÎsâ y voyait la traduction sincère par l’œuvre et par la parole de l’essence de la religion, et le moyen d’accéder à la lumière de l’observance de Dieu et au rang de l’excellence. Versé dans la lecture des ouvrages du soufisme, il goûta aux délices de la spiritualité islamique et son cœur s’attacha aux Sheikhs de cette discipline, si bien qu’il s’affilia à certaines de leurs écoles ou confréries. Il s’initia ainsi à la voie qâdirie, fondée par Sheikh Abd Al-Qâdir Al-Jîlanî, auprès de Sheikh Mustafâ Al-Hilâlî. Puis il s’attacha à la voie rifâʿie, fondée par l’Imâm Ahmad Ar-Rifâ’i, et s’y forma auprès de l’éducateur Sheikh Muhammad Khayr Allâh. Pendant qu’il suivait les enseignements de la confrérie rifâʿie, il intégra l’ordre rashîdi, fondé par Ibrâhîm Ar-Rashîd, lorsque Sheikh Muhammad Abû Khâlid Ad-Dimashqî vint à Alep. Enfin, il suivit la voie naqshabandie, fondée par Muhammad Bahâ’ Ad-Dîn Shâh Naqshaband, selon la chaîne initiatique de Sheikh Muhammad Abû An-Nasr Khalaf, le Sheikh de la ville de Homs.
Le champ du soufisme absorba le cœur et la vie du Sheikh. Malgré la charge de la prédication et de l’enseignement, le Sheikh laissa à la postérité un certain nombre d’ouvrages soufis traitant de l’éducation du cœur, de la dévotion et du cheminement vers Dieu. Ses ouvrages pourraient être classés selon trois catégories : l’éducation de l’être et l’acquisition des vertus, l’explication de l’éthique du cheminement vers Dieu et les devoirs que cela implique et enfin, l’amour du Prophète - paix et bénédictions sur lui. Les ouvrages, en prose ou en vers, qui traitent de l’amour du Prophète sont considérés comme les meilleurs écrits du Sheikh. Il y déversa la quintessence de son amour et y chanta sa langueur pour son bien-aimé - paix et bénédictions sur lui.
Parmi ses ouvrages citons :
– Kanz Al-Hibât fi As-Salât ʿalâ Sayyid Al-Kâ’inât (Le Trésor des présents dans la prière pour le Suzerain des créatures),
– Mawâdd Al-ʿAql As-Salîm fi Mutâbaʿat An-Nabî Al-Karîm (Articles de l’esprit sain à propos de l’observance du Noble Prophète),
– Tahdhîr Al-Insân min Âfât Al-Qalb Wal-Lisân (Mise en garde contre les fléaux du cœur et de la langue),
– Akwâb Ar-Rahîq fî Âdâb At-Tarîq (Les Coupes de nectar sur le cheminement spirituel),
– Arbaʿûna Hadîthan fî Al-Mahabbah An-Nabawiyyah (Quarante hadiths sur l’amour du Prophète), accompagnés d’un commentaire concis,
– Maʿrifat Al-ʿAbd Rabbah Bidh-Dhikr Wal-Mahabbah (Connaissance du Seigneur par l’invocation et l’amour),
– Trois ouvrages compilant ses prêches du vendredi.
– Fath Al-Mujîb fî Madh Al-Habîb, recueil de poésie faisant l’éloge du Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui.
– Iʿlâm Al-Insân Bi-Ahkâm As-Siyâm (Manuel des règles du jeûne),
– Seize épîtres, certaines en prose d’autres en vers, relatant la naissance du Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui,
– Une courte autobiographie rédigée en 1942 à la demande de Sheikh Al-Fâdânî.
– Son dernier ouvrage, Ghâyat Al-Matlûb fî Ru’yâ Al-Mahbûb (Les Plus Intimes Espoirs dans la vue du Bien-Aimé), relate des songes où il vit par la Grâce de Dieu le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - et évoque les bienfaits de suivre son Message et la beauté de sa lumière.
Sheikh ʿÎsâ effectua sept pèlerinages au cours se don existence. Lorsqu’il acheva son dernier pèlerinage, en 1943, il fut atteint de la diarrhée. Ses compagnons de route s’empressèrent d’appeler le médecin qui lui prescrivit des médicaments. Puis ils prirent la route pour Médine. C’est alors que des pluies diluviennes les surprirent. Elles entravèrent leur chemin et les forcèrent à passer deux nuits sur la route entre La Mecque et Médine. Les compagnons du Sheikh se serrèrent et lui libérèrent le siège arrière afin de lui procurer le meilleur repos possible dans ce voyage éprouvant. Arrivés à Médine, ils suivirent le conseil du médecin et l’emmenèrent à l’hôpital où on leur apprit qu’il souffrait d’une sévère insuffisance rénale. La santé du Sheikh ne cessa de se dégrader et son âme apaisée retourna au Seigneur de l’Univers. Ainsi la Providence divine l’avait-elle conduit vers la ville de son Bien-Aimé où il quitta ce monde. La prière funéraire sur sa dépouille fut conduite devant la noble chambre prophétique, puis une grande foule accompagna son cercueil jusqu’au cimetière d’Al-Baqîʿ. C’est alors que Sheikh Muhammad Al-Hakîm, l’un des compagnons du Sheikh dans son pèlerinage, se dressa devant la foule et leur parla du rang distingué du Sheikh dans son pays. Il fut ensuite enterré entre la tombe de Ibrâhîm, le fils du Prophète Muhammad, et les tombes des martyrs.
Source : Wvvw.net.
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