mardi 25 mai 2004
Éduquer sa langue est l’une des choses les plus importantes qui soient en islam. Aussi le Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui - dit-il : "Celui qui me garantit ce qu’il y a entre ses maxillaires et ce qu’il y a entre ses cuisses, je lui garantis le paradis." [1] Il dit également à Muʿâdh : "Veux-tu que je t’indique le moyen d’acquérir tout le bien ?" Puis il ajouta : "Retiens ceci", en montrant sa langue. Muʿâdh s’enquit : "Rendrions-nous des comptes pour les paroles que nous proférons ?" Le Prophète lui répondit : "Malheureux ! Muʿâdh, les gens sont-ils précipités en Enfer pour autre chose que pour ce que profèrent leurs langues ?" Ainsi, gouverner la langue conformément aux requis de la législation divine est l’une des choses les plus importantes et des plus difficiles pour l’individu. À l’origine, la langue ne doit être employée que dans le bien, elle doit être bridée de tout mal, voire de toute parole futile.
Le Prophète - paix et bénédiction sur lui - dit : "Que celui qui croit en Dieu et au Jour Dernier dise le bien ou qu’il se taise." [2] Le Très-Haut dit : "Il n’y a rien de bon dans la plus grande partie de leurs conversations secrètes, sauf si l’un d’eux ordonne une charité, une bonne action, ou une conciliation entre les gens. Et quiconque le fait, cherchant l’agrément de Dieu, à celui-là Nous donnerons bientôt une récompense énorme." [3] et aussi : "Mais entraidez-vous dans la bonté et la piété" [4]. Or, les défauts de la langue dont le musulman doit se prémunir sont très nombreux ; Al-Ghazâlî les recensa dans son Ihyâ’, ouvrage auquel on peut se reporter au besoin. Ceci étant, à l’origine, l’homme est censé préserver sa langue du péché et de la futilité, et d’en faire usage dans le cadre du bien, sachant que la distinction entre le bien et le mal, et entre les paroles futiles et la vérité nécessite un vaste savoir et un grand contrôle de soi.
La langue est, par excellence, l’instrument de l’expression. L’âme a de nombreux penchants et la langue est la voie la plus courte pour les exprimer. Les penchants sont tellement nombreux, mais il ne convient guère que la langue les exprime tous. L’âme est encline à l’orgueil, elle l’est aussi à l’insulte et à la chicane au moment de la colère ; elle verse dans les paroles plaisantes jusqu’à sombrer dans la futilité, elle est encline à rabaisser autrui et à lui faire ressentir ses propres mérites. Tout ceci, et j’en passe, fait partie des choses dont le musulman doit s’abstenir. Il doit apprendre à retenir sa langue de ce genre de travers et cela passe par le contrôle de la langue. Les prémices du contrôle de la langue résident dans l’entraînement au silence. Puis, il s’habitue progressivement aux paroles mesurées. Celui qui n’a pas l’habitude de se taire aura du mal à prendre l’habitude de mesurer ses propos avant de parler.
Il s’agit là d’une des raisons qui firent du recours au silence un élément du jihâd (effort) sur soi et l’une des nécessités du cheminement vers Dieu - Exalté soit-Il. Parfois, l’individu a l’occasion de dire une bonne parole, mais il peut ne pas avoir la manière de le faire avec sagesse. Par exemple, le fait de mettre les gens en garde contre le Courroux de Dieu et de leur rappeler Son châtiment est bien. Mais si cela est fait à table pendant le repas, c’est alors un manque de sagesse. C’est pourquoi les juristes n’aiment pas que l’on évoque des sujets de cet ordre dans de telles circonstances, car cela s’oppose à la bienséance du moment. Ainsi voit-on qu’une parole bénéfique peut manquer de sagesse dans sa formulation. Notons toutefois que ce sujet est bien trop vaste et nul ne sera à sa hauteur si ce n’est avec l’aide de Dieu. C’est pourquoi le Très-haut dit : "Et celui qui reçoit la sagesse aura reçu un grand bien" [5]. Le fait de s’habituer au silence est un préambule à l’habitude d’autocritiquer ses propos avant de les proférer. Voici une deuxième sagesse faisant du silence un pilier du jihâd sur soi. Il ne fait point de doute que la langue est l’une des principales sources de danger. Lorsque l’individu réussit à la contrôler, une bonne part de son éducation et de sa droiture est faite.
Vu que le silence est la prémice de la mesure, celui qui réussit à observer le silence est éligible pour réussir à parler de façon mesurée par la grâce de Dieu. Enfin, si nous nous rappelons le noble enseignement prophétique "Si vos cœurs n’étaient pas absorbés par les paroles et que vous n’en raffoliez, vous entendriez ce que j’entends." [6], nous verrons que l’excès dans la parole est l’un des facteurs qui contribuent à l’aveuglement du cœur. Aussi le silence est-il un moyen de réforme des cœurs. Pour toutes ces raisons, le silence est l’un pilier de l’effort dépensé sur soi, mais de quel silence s’agit-il ?
Il s’agit du silence qui fait office de remède et qui mène à la retenue de la langue. C’est un silence transitoire, qui intervient à des moments où la parole n’est ni un devoir ni une obligation. Mais, lorsque la parole a le statut de devoir ou d’obligation, pour enjoindre le bien ou réprouver le mal par exemple, ou pour enseigner un devoir, le silence devient illicite. Parmi les critères qui gouvernent le silence, il y a le fait qu’il constitue un passage temporaire dans la vie de l’homme car il est un moyen et non une fin. Il sied à une période de la vie - le temps que l’âme trouve la droiture -, et non pas pour toute la vie. À la lumière de ce qui précède, nous comprenons en quoi le silence est un pilier de l’effort de réforme de soi.
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Saʿîd Hawwâ, Tarbiyatunâ Ar-Rûhiyyah pp. 124-126, éditions As-Salâm, cinquième édition, 1997, Le Caire. ISBN : 977-5286-20-6.
[1] Rapporté par Abû Dâwûd.
[2] Rapporté par Al-Bukhârî.
[3] Sourate 4, An-Nisâ’, les Femmes, verset 114.
[4] Sourate 58, Al-Mujâdalah, la Discussion, verset 9.
[5] Sourate 2, Al-Baqarah, la Génisse, verset 269.
[6] Rapporté par Ahmad.
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