jeudi 1er juillet 2004
Passons maintenant au troisième pilier de l’effort sur soi, à savoir la faim.
Le Prophète - paix et bénédictions sur lui - dit, selon le hadîth rapporté par At-Tabarânî avec une bonne chaîne de narration : "Je vous recommande la tristesse, car elle est la clef du cœur". On lui demanda : "Ô Messager de Dieu, comment y parvenir ?" Il dit : "Soumettez vos âmes à l’aide de la faim et de la soif." Dans ce hadîth, nous voyons comment la faim peut être un remède pour l’âme concernant certains de ses états et de ses maladies.
Il dit également - paix et bénédictions sur lui - : "Ô jeunes gens, celui d’entre vous qui en a la capacité financière, qu’il se marie car cela est plus à même de retenir son regard et de préserver sa chasteté, et que celui qui ne le peut pas se réfugie dans le jeûne car il constitue un bouclier pour lui." [1] De ce hadîth aussi, nous apprenons que la faim peut être un remède de l’âme contre certains de ses états.
S’il est désormais clair, grâce à ces deux hadîths, que la faim peut constituer un remède contre certains états de l’âme, nous aurons ainsi établi le principe qui explique que l’on considère la faim comme l’un des piliers de l’effort sur soi, dans l’une des étapes de la vie et dans l’une des étapes du cheminement vers Dieu.
Passons maintenant de façon plus large à des considérations susceptibles d’approfondir notre compréhension de cette affaire. La règle générale en islam en matière d’alimentation est de manger et de boire suffisamment de manière à donner au corps de l’homme la force nécessaire à l’accomplissement de ses devoirs et obligations. Manger à cette mesure est une obligation. Manger davantage jusqu’à atteindre la satiété est permis. Excéder cette limite est illicite. Le Très-Haut dit en effet : "Et mangez et buvez ; et ne commettez pas d’excès, car Il n’aime pas ceux qui commettent des excès." [2] L’excès est une question relative qui varie selon les gens et leur condition et selon les époques et la situation économique. Si le fait de manger à satiété est permis, cela est néanmoins conditionné par le fait que l’individu ne s’adonne pas à toutes ses passions car cela est contraire à la bienséance islamique et à la spiritualité commune des musulmans.
De plus, les textes évoquent l’obésité comme une maladie de la société islamique. Le hadîth suivant condamne ainsi les mauvais musulmans des générations postérieures en les opposant aux pieux musulmanx des premières générations : "Ils témoignent sans en être dignes (ou sans y être invités), ils trahissent et nul ne peut leur faire confiance, et l’obésité fait son apparition chez eux." [3] Par conséquent, l’excès dans l’alimentation et la négligence de la santé du corps au point que l’individu souffre d’obésité sont perçus comme une maladie dans la société islamique ; les textes sont clairs à ce sujet.
De ce qui précède, nous saisissons que quand bien même manger à satiété serait permis, la satiété permanente, elle, ne fait pas partie originellement de la vie du musulman. C’est pourquoi le hadîth authentique dit :"Quelques bouchées suffisent au fils d’Adam pour ériger son corps, mais s’il devait manger davantage, qu’il garde alors un tiers de son ventre pour la nourriture, un tiers pour la boisson et un tiers pour respirer." [4] À l’origine, c’est cela qui est censé primer dans la vie du musulman. Si le musulman néglige ce principe au point que son âme renâcle ou qu’il devient difficile pour lui de la contrôler, il doit soigner tout cela à l’aide de la faim, que ce soit en jeûnant ou non. Il en est de même s’il est atteint d’une obésité maladive suite à la négligence de son corps ; il doit alors recourir à une faim non préjudiciable pour se soigner, ou à tout autre stratagème lui permettant de se défaire de cette condition.
Si la faim constitue un remède et que la satiété est permise, on se doit cependant d’être vigilant dans tous les cas pour ne pas se porter préjudice car tout ce qui conduit à un préjudice corporel certain est illicite et tout ce qui conduit à un préjudice probable est détestable.
À la lumière de ces développements, nous comprenons en quoi la faim constitue un pilier du jihâd effectué sur soi, sans oublier que le jeûne en est la forme la plus élevée.
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Saʿîd Hawwâ, Tarbiyatunâ Ar-Rûhiyyah, éditions As-Salâm, cinquième édition, 1997, Le Caire. ISBN : 977-5286-20-6.
[1] Hadîth rapporté par Al-Bukhârî.
[2] Sourate 7, Al-Aʿrâf, les Limbes, verset 31.
[3] Hadîth consensuel.
[4] Hadîth rapporté par At-Tirmidhî.
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