mardi 16 mai 2000
Sheikh Muhammad Al-Khidr Husayn est parmi les Grands Imâms d’Al-Azhar le seul à avoir une origine non égyptienne. Il naquit en Tunisie, à Nafta, dans une famille qui quitta l’Algérie après l’invasion française. La famille de Sheikh Muhammad Al-Khidr Husayn fut connue pour son imprégnation par les enseignements islamiques et son attachement aux sciences islamiques. Son oncle maternel, Sheikh Muhammad Al-Makkî Ibn ʿAzzûz, fut un savant célèbre en Tunisie et en Turquie. Dans la ville tunisienne Nafta, Sheikh Al-Khidr mémorisa le Noble Coran et commença son éducation.
En 1888, Sheikh Al-Khidr quitta avec sa famille la ville de Nafta pour vivre à Tûnis, la capitale de la Tunisie. Il partit à Jâmiʿ Az-Zaytûnah (l’équivalent d’Al-Azhar en Tunisie). À Az-Zaytûnah Sheikh Al-Khidr excella dans ses études et tout particulièrement en littérature arabe. Au cours de ses études, on lui proposa un travail dans le gouvernement français en Tunisie, il déclina cette offre, en raison de ses sentiments anti-coloniaux très forts.
En 1903, il obtint son diplôme d’Az-Zaytûnah. La même année, il lança un magazine bimensuel appelé As-Saʿâdah Al-ʿUdhmâ, La plus grande joie. Ce magazine attira de nombreux grands écrivains tunisiens de l’époque et refléta le talent littéraire certain de Sheikh Al-Khidr.
En 1905,il devint le grand juge de la ville tunisienne Binzert. En 1906, il donna une conférence sur la liberté en Islam. Le thème central de cette conférence défia les autorités en Tunisie. Son sentiment anti-colonial ne cessant de croître, Sheikh Al-Khidr quitta son poste de juge. En 1909, il devint un membre de l’Université d’Az-Zaytûnâh.
En 1911, lorsque l’Italie déclara la guerre contre la Libye, il multiplia dans son magazine As-Saʿâdah Al-ʿUdhmâ les articles anti-colonialistes. Il appela les Tunisiens à aller au front pour soutenir leurs frères Libyens et lutter contre le viol de leur terre. Cette activité de Sheikh Al-Khidr l’opposa aux colons Français en Tunisie. Les autorités coloniales françaises l’accusèrent de dresser la société tunisienne contre l’Occident. Il échappa au procès en fuyant rapidement la Tunisie pour aller en Turquie. De retour en Tunisie, il vit que le pays était complètement contrôlé par les Français et qu’il ne pouvait plus s’adresser au peuple à travers son magazine. Il quitta la Tunisie et décida d’aller en Syrie.
Dans son trajet pour la Syrie, Sheikh Al-Khidr s’arrêta en Égypte où il rencontra des savants et penseurs musulmans comme Muhammad Rashîd Rida, Ahmad Taymûr Pasha et Muhibb Ad-Dîn Al-Khatîb. Arrivé en Syrie, il s’installa à Damas et enseigna la langue arabe à Al-Madrasah As-Sultâniyyah. En 1914, il quitta Damas et partit travailler à Istanbûl au ministère ottoman de la guerre. En 1915, le ministre ottoman de la guerre, Anwar Pasha, l’envoya à Berlin pour qu’il pousse les exilés tunisiens à se rebeller contre la colonisation française de la Tunisie. Il retourna à Istanbul, puis à Damas.
En 1916, le gouverneur turc de la Syrie l’emprisonna. Cela ne dura que quelques mois car Anwar Pasha ordonna sa libération. En 1917, il partit une deuxième fois à Berlin ; il rencontra des savants exilés comme ʿAbd Al-ʿAzîz Jawîsh et Dr. ʿAbd Al-Hamîd As-Saʿîd.
L’année 1918 marqua le déclin de l’empire ottoman. La Syrie fut perdue ; elle était dorénavant sous contrôle français, avec en tête du pays un gouverneur Syrien. L’activité anti-coloniale de Sheikh Al-Khidr ne lui permit pas de rester en Syrie. Il quitta le pays et se dirigea vers l’Égypte en 1921.
En 1922, il s’inscrit à la dernière année d’Al-Azhar et obtint le diplôme Al-ʿÂlamiyyah. Il devint de ce fait un savant d’Al-Azhar.
En Égypte, il fonda une organisation chargée de soutenir les mouvements de libération de la Tunisie, l’Algérie et le Maroc. Parmi les membres de cette organisation citons le tunisien Al-Habîb Bourguiba et les algériens Al-Bashir Al-Ibrâhîmî et Al-Fudayl Al-Warthilânî, vivant leur exil en Égypte.
En 1925, Sheikh Al-Khidr s’impliqua dans l’une des plus grandes batailles idéologiques de l’époque. Un Sheikh d’Al-Azhar (ʿAlî ʿAbd Ar-Râziq) écrit un livre donnant un couvert islamique à la laïcité. Malgré l’amitié de Sheikh Al-Khidr pour la famille de Sheikh ʿAbd Ar-Raziq, il rédigea une élégante réfutation du livre de Sheikh ʿAbd Ar-Râziq. L’année suivante, le célèbre écrivain égyptien Taha Husayn écrivit un livre, contenant des attaques à l’islam, sur la poésie arabe pré-islamique. Sheikh Al-Khidr rédigea un livre où il réfuta les attaques de Taha Husayn.
En 1927, Sheikh Al-Khidr collabora avec son ami Ahmad Taymur Pasha pour fonder une organisation musulmane pour la jeunesse, connue sous le nom de Jamʿiyyat Ash-Shubbân Al-Muslimîn (Association des Jeunes Musulmans). Puis il fonda l’Association de la Guidance Islamique (Jamʿiyyat Al-Hidâyah Al-Islamiyyah) pour répandre les enseignements de l’islam.
En 1932, il obtint la nationalité égyptienne et dirigea, en 1930, le magazine mensuel d’Al-Azhar Nûr Al-Islam (La lumière de l’Islam). En 1932, l’assemblée générale de la langue arabe fut établie au Caire. Elle comptait des savants d’Égypte, du monde arabe, et certains orientalistes anglais et français. Sheikh Muhammad Al-Khidr Husayn fut parmi les premiers membres de cette assemblée. En 1950, suite à une étude qu’il composa sur la Langue Arabe, il fut choisi pour être un membre du conseil des grands savants d’Al-Azhar.
En 1952, il fut nommé Grand Imâm d’Al-Azhar par le gouvernement. Il manifesta peu d’enthousiasme face à cette demande, mais trois ministres parvinrent à le persuader d’accepter. Cependant, lorsqu’il sentit plusieurs tentatives du gouvernement pour dicter à Al-Azhar sa politique et sa ligne d’action, il décida de quitter son poste de Grand Imâm et dit un mot devenu célèbre : « Un verre de lait et un morceau de pain me suffisent, et que les affaires de ce bas monde s’en aillent ». On lui demanda la raison de sa démission, il dit : « Si je ne peux pas contribuer davantage au bien-être d’Al-Azhar, alors au moins qu’il ne se détériore pas de mon temps. ».
Après sa démission, il se consacra à l’écriture d’ouvrages, jusqu’à son retour à Dieu en 1958. Lorsque la Tunisie retrouva son indépendance, le président Bourguiba voulut le persuader de retourner vivre en Tunisie. L’idée plut à Sheikh Al-Khidr, mais la dégradation de sa santé l’empêcha de voyager. Ce noble savant quitta le monde sans laisser de fils derrière lui. Il laissa cependant à la postérité un certain nombre d’ouvrages et d’articles islamiques de qualité. Des milliers de musulmans égyptiens, des savants et étudiants d’Al-Azhar furent présents à ses funérailles et son enterrement en Égypte.
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