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Sheikh Muhammad Amîn Kuftârû

samedi 18 février 2006

Muhammad Amîn Kuftârû (1877 - 1938)

Biographie

Le Sheikh Muhammad Amîn Kuftârû, père du Grand Mufti de Syrie Sheikh Ahmad Kuftârû, naquit en 1877 à Damas. Son père, Sheikh Mûsâ Kuftârû, était d’origine kurde et avait migré de Karmah, ville frontalière du nord de la Syrie, à Damas. Il fréquenta alors la célèbre Mosquée damascène Abû An-Nûr, où il apprit la langue arabe et où il exhortait les fidèles musulmans. Son fils, Muhammad Amîn Kuftârû, lui succéda plus tard à cette tâche, lui qui avait appris le Coran et acquis les sciences religieuses dès son enfance. Il devint ainsi imam et enseignant à la Mosquée Abû An-Nûr.

C’était à cette époque qu’il rencontra son Sheikh, le guide de la confrérie soufie naqshabandie ʿÎsâ Al-Kurdî. Il apprit auprès de lui les méthodes pédagogiques adéquates pour éduquer et purifier les âmes des hommes. Il obtint ainsi une licence d’orientation religieuse, d’enseignement et d’éducation spirituelle. Sur les ordres de son Sheikh, il s’établit définitivement à la Mosquée Abû An-Nûr pour y enseigner. Ses leçons étaient suivies par un public toujours plus nombreux, et depuis lors, la Mosquée Abû An-Nûr devint l’une des plus grandes écoles d’éducation spirituelle de toute la Syrie.

Sa prédication à Dieu

Sheikh Muhammad Amîn Kuftârû s’engagea dans une voie nouvelle en ce qui concerne les méthodes d’éducation et d’enseignement. Cette voie est notamment reflétée par le type d’ouvrages qu’il enseignait à ses étudiants. Il choisit ainsi de leur faire étudier en droit musulman le livre de l’Imâm Ash-Shaʿrânî, Al-Mîzân (L’Équilibre). Dans ce précieux ouvrage, l’auteur se soucia de concilier dans un juste équilibre l’école des juristes, davantage attachée aux aspects rituels et intellectuels de la religion, et l’école des soufis, plus attachée aux aspects spirituels. Sheikh Kuftârû permit ainsi à ses élèves de ressentir les effluves du bonheur prodigué d’une part par l’invocation de Dieu et la purification de l’âme, et d’autre part par les connaissances religieuses indispensables.

En faisant étudier ce livre à ses élèves, le Sheikh entendait également éradiquer le sectarisme des uns et des autres qui était à son comble à l’époque. L’Imâm Ash-Shaʿrânî s’était en effet attaché à l’argument probant lorsqu’il établissait un jugement légal, sans considération aucune pour l’avis de telle ou telle école de jurisprudence. Il avait l’esprit assez ouvert pour s’inspirer de tous les savants qui l’avaient précédés, sans distinction d’école de pensée, dans le domaine de la jurisprudence, des fondements ou des règlements dérivés du droit.

Sheikh Muhammad Amîn Kuftârû sélectionna également pour ses étudiants l’ouvrage phare du Grand Cadi de Cordoue, le juriste malékite Ibn Rushd (Averroès), intitulé Bidâyat Al-Mujtahid wa Nihâyat Al-Muqtasid. Dans ce livre, la méthodologie suivie par l’auteur fut de lister tous les arguments ayant été soutenus pour une question donnée puis d’établir une comparaison quant à la solidité de chacun d’entre eux. Et pour de nombreuses questions, l’Imâm Ibn Rushd opta pour une opinion ne correspondant pas à l’école juridique malékite à laquelle il appartenait pourtant.

Le choix de ces livres par Sheikh Kuftârû montre sa volonté affichée d’ouvrir les esprits et de transcender les différences d’écoles qui s’étaient transformées en sectarisme exacerbé. C’était de la part du Sheikh une vision réformatrice dans le cadre de la renaissance du mouvement islamique.

En sus de ces dispositions intellectuelles, le Sheikh n’hésitait pas à prendre lui-même les devants et à émettre des verdicts religieux audacieux, au grand dam de nombreuses personnes fermement attachées à ce qu’elles ont appris dans le cadre strict de leurs écoles de jurisprudence respectives. Il souleva ainsi un tollé lorsque, en 1924, il décréta que dans une même ville, pouvaient se tenir dans des mosquées différentes autant de prières du vendredi. L’opinion en vigueur jusque-là était en effet que la prière du vendredi devait se faire dans la grande mosquée de la ville, eu égard au fait que l’un des buts de cette prière est de rassembler de manière hebdomadaire tous les habitants d’une même ville. Mais avec l’accroissement de la population urbaine, Sheikh Kuftârû considéra qu’il serait impossible d’accueillir un public toujours plus nombreux en un même lieu. Il opta donc pour un autre avis, autorisant la multiplication, dans une même ville, des mosquées où se déroulent la prière du vendredi. Il s’attira alors les foudres d’une partie des disciples de l’école shâfiʿite et hanafite, majoritaires en Syrie, qui l’accusèrent d’innovation religieuse. Il répliqua alors par une épître traitant de cette question, dans laquelle il incorpora une phrase justement prononcée par l’Imâm Ash-Shâfiʿî qui recommanda à un de ses disciples : « Ne fais pas tout ce que je dis. » Et Sheikh Kuftârû de commenter cette phrase : « Cette recommandation est celle de tous les savants juristes : Il n’est pas permis de faire tout ce que nous disons, à moins que l’on sache d’où nous tenons ce que nous avons dit. Cette question [de la prière du vendredi dans des mosquées différentes] fait partie des questions sujettes à discussion. Or, l’effort de déduction par un juriste de verdicts légaux donne une appréciation conjecturelle de la chose et il n’est pas permis de se conformer à toutes les conjectures des juristes. »

Sheikh Muhammad Amîn Kuftârû sema ainsi dans la fertile Mosquée Abû An-Nûr les graines de la réforme, de l’ouverture et de la prise de conscience, après avoir travaillé les esprits et éduqué les âmes.

A sa mort en 1938, il laissa à la postérité un fils, Ahmad, qui bénéficia de cette sagesse et qui en reprit le flambeau.

P.-S.

Traduit et adapté de l’arabe du site Kuftaro.org.

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