jeudi 15 décembre 2005
Le Professeur Muhammad Hamîdullâh naquit le 19 février 1908 — soit le 16 du mois de Muharram 1326 A.H. — à Hyderabad Deccan, un état princier musulman du sous continent indien. Il était le plus jeune enfant d’une fratrie de trois sœurs et cinq frères. Dans sa ville natale, il reçut son éducation de base, du primaire jusqu’à l’université. Diplômé en droit de l’Université Ousmania, il y exerça la fonction d’enseignant.
Il obtint le doctorat de l’Université de Bonn en Allemagne en 1935, puis l’année suivante le doctorat de la Sorbonne à Paris pour sa thèse intitulée « La diplomatie musulmane à l’époque du Prophète et des Khalifes orthodoxes » [1]. Entre 1936 et 1946, il reprit sa charge d’enseignant à Hyderabad et ce, jusqu’à la disparition de l’émirat islamique de Hyderabad au moment de l’accession de l’Inde à son indépendance. En 1946, il fut l’ambassadeur de Hyderabad auprès des Nations Unies. En 1948, après l’invasion de Hyderabad par l’armée indienne, il fonda la Société de Libération de Hyderabad pour défendre l’indépendance de son pays contre son annexion par l’Inde, mais en vain. Apatride, Muhammad Hamîdullâh choisit de s’exiler à Paris en 1948 plutôt que de porter la nationalité indienne.
En France, il exerça les fonctions d’enseignant-chercheur et de Professeur au CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) et au Collège de France pendant plus de vingt ans.
Il participa à de nombreuses manifestations scientifiques, culturelles et intellectuelles en France et dans le monde. Il donna des conférences dans de nombreuses écoles, universités et cercles culturels, approfondissant la connaissance de l’islam dans un style moderne et accessible à un public occidental, notamment en France.
Hamîdullâh consacra près de soixante-dix ans de sa vie à l’écriture, défendant les causes de l’islam, mettant en lumière ses trésors intellectuels restés enfouis pendant de longs siècles. Il dépoussiéra et vérifia nombre d’ouvrages anciens qu’il présenta dans un style élégant au grand profit du lecteur contemporain.
Polyglotte hors du commun, le Professeur Hamîdullâh parlait couramment vingt-deux langues vivantes, dont sa langue maternelle l’urdu, ainsi que l’arabe, l’anglais, le français, l’allemand et l’italien qu’il maîtrisait parfaitement, ou encore le Thaï qu’il apprit à l’âge de 84 ans.
Artisan convaincu du dialogue et du rayonnement culturel, il fonda de nombreuses associations islamiques en Europe telles que le centre culturel islamique en 1958, le centre islamique de Génève en 1961, ou encore l’association des étudiants islamiques de France en 1962.
Hamîdullâh fut un auteur prolifique. Il contribua à enrichir la littérature islamique par de nombreux ouvrages ; on lui compte plus de 250 ouvrages et documents de recherche dont nous nous contenterons d’un aperçu très partiel :
Il réalisa l’édition critique de nombreux ouvrages anciens qu’il sortit de l’oubli tels que :
Il contribua à l’Encyclopédie Islamique en langue Urdue publié en 1965 par la rédaction de 32 articles, et fut l’auteur de l’article dédié à l’Islam dans le Grand atlas des religions, publié en français, en 1988.
Travailleur discret, Muhammad Hamîdullâh laissa de nombreux travaux qui firent date. Sa traduction française du Coran est à ce jour la traduction la plus répandue et vraisemblablement la première traduction du Livre Saint réalisée par un musulman. Tout musulman francophone est redevable à cet érudit, d’une certaine manière.
Il mena également une étude comparative entre les trois copies les plus anciennes du Coran, situées à Tashkent en Uzbékistan, à Istanbul en Turquie et à la India Office Library à Londres au Royaume-Uni. Les trois manuscrits datent du temps de ʿUthmân Ibn ʿAffân, le troisième Calife musulman. D’après le Professeur Hamîdullâh, les trois manuscrits sont inscrits sur le même type de cuir et semblent effectivement remonter à l’époque de ʿUthmân — que Dieu l’agrée —. Les tâches de sang retrouvées sur la copie conservée à Istanbul laisseraient entendre qu’il s’agit de la copie maîtresse, lue par ʿUthmân au moment de son assassinat.
Parmi ses contributions les plus remarquables, la découverte du Manuscrit de Hammâm Ibn Munabbih est d’une grande importance dans la Science du Hadîth. Il s’agit en effet du recueil de hadiths le plus ancien jamais découvert et remonte à l’époque des Compagnons du Prophète — paix et bénédictions sur lui —. On en connaît deux copies, l’une à Damas en Syrie et l’autre à Berlin en Allemagne. Hamîdullâh en fit la publication après avoir minutieusement comparé les deux manuscrits. Non seulement cette découverte était capitale par l’antériorité du recueil mais aussi parce qu’elle venait confirmer ce que les savants du Hadith savaient déjà, à savoir que les recueils individuels avaient complètement fusionné au sein des compilations plus extensives effectuées ultérieurement. Hammâm Ibn Munabbih fut le disciple du Compagnon Abû Hurayrah — que Dieu l’agrée —. Il était communément admis que la Sahîfah de Hammâm Ibn Munabbih avait été incluse intégralement dans le Musnad de l’Imâm Ahmad. Avec la publication de ce manuscrit par le Professeur Hamîdullâh, les savants du Hadîth ont pu recouper les 138 hadiths qu’il recèle avec le Musnad, sans constater la moindre variation.
Érudit comme il y en a peu, il n’en était pas moins un homme humble qui n’aimait pas l’apparat et fuyait la célébrité et ses artifices. En 1985, il fut choisi pour recevoir le Hilal-e-Imtiaz, la plus haute distinction civile décernée par la Pakistan ainsi qu’une substantielle somme d’argent. Fuyant les feux médiatiques, il déclina la distinction et reversa la somme d’argent au profit de l’Académie de Recherche Islamique à Islamabad. En 1994, c’est le prix du Roi Faysal d’Arabie Saoudite qu’il déclina poliment préférant la rétribution divine à la reconnaissance des hommes.
Célibataire, il mangeait, s’habillait et vivait simplement, et s’occupait lui-même de ses affaires, du ménage, du repassage et ce jusqu’aux derniers instants de sa vie, sans demander d’aide à quiconque, tout comme il était entièrement au service d’autrui par tout ce qui était en son pouvoir.
Les dernières années de sa vie, il fut éprouvé par la maladie. Il dut alors s’installer aux États-Unis en 1995 à l’invitation de son arrière-petite nièce, Mme Sadida Ataullah, qui eut le privilège d’accompagner son grand-oncle jusqu’à son décès survenu le 17 décembre 2002, en Floride. Qu’Allâh — Exalté soit-Il — élargisse sa tombe et l’accepte dans Son Paradis.
Sources :
[1] En deux volumes, Paris 1935.
[3] Conférer Le « Livre des Généalogies » d’al-Baladuriy, dans Bulletin d’études orientales. Tomes XIV - 1952-1954.
[4] Abû Hanîfah, Ahmad Ibn Dâwûd Ad-Dînawarî est un linguiste natif d’Irak. Il décéda vers 281 A.H. Ndlr.
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