mercredi 7 mars 2007
Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir As-Saqqâf fut un savant gnostique yéménite de Hadramaout et le Sheikh des savants de la voie spirituelle Bâʿalawite.
Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir Ibn Ahmad Ibn ʿAbd Ar-Rahmân As-Saqqâf naquit en mai 1913 dans la ville de Say’ûn, dans le Hadramaout, au Yémen. Il fut éduqué auprès de son père le savant érudit Al-Habîb Ahmad Ibn ʿAbd Ar-Rahmân As-Saqqâf, un grand jurisconsulte du Hadramaout.
Dans le giron de son père, Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir reçut une éducation solide et une initiation à l’éthique islamique. Il bénéficia de ses conseils et de ses directives inspirés des enseignements de la famille Bâʿalawite au Hadramaout. Conformément à la coutume de ses ancêtres Bâʿalawites, son père l’inscrivit dès sa petite enfance à l’école coranique d’Al-Habîb Tâhâ Ibn ʿUmar à Say’ûn. C’est dans cette école coranique qu’Al-HabîbʿAbd Al-Qâdir As-Saqqâf entreprit ses premiers pas sur la voie du savoir. Il y apprit les règles de la lecture auprès de Sheikh Tâhâ Ibn ʿAbd Allâh Bâhamîd avant de rejoindre l’école de la Renaissance Scientifique de Say’ûn qui accordait beaucoup de soins à l’étude de la langue arabe et des sciences de la religion. Il y mémorisa le Coran et accomplit sous son toit son éducation scolaire.
Il fut ensuite désigné par l’administration de l’école comme enseignant et co-gestionnaire en raison de son intelligence et au vu de sa connaissance approfondie du savoir religieux juridique et spirituel.
Il serait difficile de dénombrer tous les Sheikhs d’Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir tant ils sont nombreux. Parmi les plus célèbres, citons son père Al-Habîb Ahmad Ibn ʿAbd Ar-Rahmân, Sheikh ʿAbd Ar-Rahmân Ibn ʿUbayd Allâh, Sheikh ʿAlawî Ibn ʿAbd Allâh, Sheikh Muhammad Ibn Hâdî As-Saqqâf ainsi que d’autres savants érudits de Say’ûn. Parmi ses Sheikhs issus de la ville de Tarîm, il y eut Al-Habîb ʿAbd Allâh Ibn ʿAydarûs Al-ʿAydarûs à qui Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir attribuait le mérite d’avoir créé un département pour l’apprentissage du Coran dans l’école de la Renaissance Scientifique de Say’ûn. Ce fut également lui qui désigna Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir à la tête d’un groupe d’étudiants pour l’inauguration de ce département. Parmi ses Sheikhs, citons également Al-Habîb ʿAlawî Ibn ʿAbd Allâh Ibn Shihâb Ad-Dîn, Al-Habîb Jaʿfar Ibn Ahmad Al-ʿAydarûs et Al-Habîb ʿAbd Allâh Ibn ʿUmar Ash-Shâtirî ainsi qu’un nombre conséquent de savants de Tarîm, de Say’ûn et d’autres villes de la vallée de Hadramaout. Al-Habîb Jaʿfar Ibn Ahmad Al-ʿAydarûs vouait une grande affection pour Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir et le préférait à ses pairs. Il lui prédit un avenir brillant et fit allusion au rang élevé qu’il devait atteindre ainsi qu’à la compréhension et la science divine que Dieu lui accorderait. Les espoirs que son Sheikh nourrissaient pour lui ne tardèrent pas à se manifester.
Au Hadramaout, Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir dirigea les cours d’enseignement des sciences de la religion à plusieurs endroits. Outre ses cours dans la mosquée Tâhâ Ibn ʿUmar As-Sâfî, il dispensait des cours privés et publics, habitude qu’il perpétua après son installation dans les Terres Saintes du Hedjaz. Au Hedjaz, Le cercle de ses disciples s’élargissait sans cesse ; il organisa dans sa demeure une leçon quotidienne durant laquelle l’audience s’abreuvait d’ouvrages de Hadith, de soufisme et de biographies de pieux savants. Il y tenait des discussions portant sur les subtilités de la langue, de la rhétorique et de la métaphore en langue arabe. Ses cours portaient également sur la littérature, les perles de la sagesse versifiées ou en prose, les récits des pieux ancêtres et leur engagement spirituel ainsi que leurs coutumes et leurs nobles récits.
Au cours de la semaine, Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir tenait également divers cours à Jeddah où il se déplaçait en permanence d’un lieu à l’autre, sans fatigue ni lassitude, pour transmettre le savoir et former ses disciples.
Al-Habîb Abû Bakr Al-ʿAdanî Ibn ʿAlî Al-Mashhûr dit de lui : « Il était, que Dieu nous fasse profiter de lui, un astre de prédication, lumineux au cours des leçons publiques qu’il tenait durant les diverses occasions de l’année ainsi que durant les célébrations bénies de la naissance de la meilleure des créatures. Il revivifiait les cœurs endurcis par son intarissable langue coranique et apaisait les âmes par la beauté de ses aphorismes, puisant dans le Coran, les hadiths ainsi que les récits et les histoires des ancêtres. Il illustrait la réalité douloureuse de la communauté islamique et traitait ses plaies saignantes à travers la littérature et l’éthique. »
Telle fut sa coutume pendant son séjour dans les Terres Saintes, notamment à La Mecque, à Médine — que la paix et la bénédiction soient sur son résident — ou à At-Tâ’if et dans les autres villes qui l’invitaient et l’accueillaient afin d’écouter son verbe généreux, héritier de la sagesse mohammadienne. Enfin, venaient couronner ses activités de prédication chaque année les cours du mois de Ramadan qu’il tenait chaque nuit dans la cour de sa demeure à Jeddah. Vers cette demeure, affluait alors une large audience aspirant à sa compagnie bénie et sollicitant ses invocations.
Dans une biographie succincte d’Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir rédigée par l’un de ses disciples, ce dernier signala qu’il manifestait dès sa jeunesse un grand attachement à la littérature, à la poésie et à la sagesse. Il saisissait ce qu’il lisait ou écoutait et le mémorisait avec une grande habileté. Il composa également plusieurs poèmes reflétant sa maîtrise des sciences de la littérature, de la rhétorique, de la métaphore et de la prosodie ainsi que son goût raffiné et la vivacité de son esprit.
De son côté, son père lui accordait un soin particulier et l’initiait au cheminement selon la voie de la bienfaisance pratiquée par les maîtres soufis. Auprès de son père, Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir lisait et étudiait durant les longues heures de la journée les ouvrages de Hadîth, de Sîrah, de soufisme et ce, sans fatigue ni paresse. Afin de l’habituer à l’observance du Livre de Dieu — Exalté soit-Il —, son père lui demandait parfois de porter le Saint Coran et de vérifier s’il avait bien mémorisé ses versets. Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir rapporta à cet égard que son père interrompait sa récitation pour vérifier sa mémorisation auprès de son fils, non par oubli ni par faute, mais pour s’assurer que son fils suivait bien sa récitation douce et correcte.
L’amour d’Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir remplissait les cœurs. Ses cours étaient cosmopolites, et ses disciples, différant par leurs nationalités et leurs âges, étaient égaux en dignité et unis intellectuellement et spirituellement. L’on observait également dans son audience des gens besogneux et des personnes confrontées aux difficultés de la vie. Ceux-ci sollicitaient son intercession auprès des notables afin de surmonter les obstacles auxquels ils se trouvaient confrontés et pour résoudre les problèmes qui les troublaient. Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir sacrifiait son temps et sa santé au service des croyants et au profit des aspirants parmi la communauté de Muhammad — paix et bénédictions sur lui —, et il incarnait par sa bonté ces vers :
Une vaste grâce, devant sa porte, tout le monde s’incline,
Le riche, le besogneux et les gens des secrets.
Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir dit au terme d’un rassemblement :
« Récitons la Fâtihah [1] dans l’espoir que Dieu honore les gens honorables, élève notre condition, bénisse les enfants, bénisse le temps, bénisse nos fortunes et bénisse les efforts, et pour qu’Il bénisse votre savoir, votre connaissance du noble Hadith du bien-aimé — paix et bénédictions sur lui — et du Coran, votre prière et son accomplissement comme il se doit… Et pour qu’Il bénisse tout bienfait qu’Il vous a accordé afin que cela soit pour vous un moyen de vous présenter devant le plus noble bien-aimé — paix et bénédictions sur lui —, d’accéder à cette noble fin et de cheminer, comblés de bonheur, avec le bien-aimé, paix et bénédictions sur lui.
Je demande à Dieu de nous faire parvenir à Lui comme Il l’a fait pour nos aïeux, de nous réunir comme Il a réuni nos aïeux, de nous attacher à Lui comme Il l’a fait pour nos aïeux, de nous combler de l’ouverture spirituelle comme Il l’a accordée à nos aïeux, et qu’Il fasse des cœurs un lieu de paix et d’apaisement par Sa Volonté pour jouir de l’élévation spirituelle et bénéficier des flux de Grâce tout comme Il a accordé aux cœurs de nos aïeux le bien et le bonheur. Puisse-t-Il rendre ces rassemblements réussis et bénéfiques, afin qu’ils soient pour Lui et de Lui et afin que le souffle spirituel de notre bien-aimé — paix et bénédictions sur lui — et celui de nos aïeux y soient présents. Puisse-t-Il les satisfaire et être Satisfait d’eux, puisse-t-Il leur faire parvenir de nos nouvelles ce qui les apaise, puisse-t-Il les préserver du poids de nos péchés, puisse-t-Il faire de nous des frères véridiques parmi les véridiques, des gens de la Vérité avec les hommes de la Vérité.
Puisse-t-il nous lier à ceux qui nous ont reliés à Lui parmi nos pères accomplis, puisse-t-Il ne point nous séparer d’eux, puisse-t-Il nous préserver de la déviance vers les voies éphémères, ou celles de l’ici-bas, ou celles de l’insouciance, ou celles des maux. Puisse-t-Il joindre notre voie à celle des Gens de la Voie, notre cheminement avec celui des Gens du Cheminement, pas à pas, afin que nous les rejoignions en toutes choses, apparentes ou secrètes.
Puisse Dieu bénir notre temps, afin que nous atteignions ce que nous aimons et au-delà de nos espérances, afin que nous atteignions l’état de la perfection humaine que Dieu a accordé aux gens de ce rang dans notre communauté parmi ceux que Dieu a guidé dans la voie de la perfection, au point qu’une heure en vaille soixante-dix, un jour en vaille soixante-dix et un an en vaille soixante-dix. Puisse Dieu bénir notre temps et en faire, par Sa Grâce, des clefs parmi les Clefs de l’Inconnu, afin que soyions inspirés de ce qu’Il a enseigné à ceux qu’Il a fait accéder à des éléments de l’Inconnu. Puisse Dieu nous ouvrir une Porte qui nous préserve de l’inconvenable et qui nous fait parvenir au rang des rapprochés de Celui Qui est Plus Proche que toute chose, ô Toi Qui est Proche et Qui exauce les invocations, rapproche-nous des gens de la Proximité, fais-nous cheminer avec le bien-aimé — paix et bénédictions sur lui —, tout comme Tu as fait cheminer nos aïeux à qui Tu as accordé une généreuse part. Accorde-nous cela par Ta Bienfaisance Suprême et Ta Générosité Infinie, de même pour nos frères que voici, avec lesquels Ton Destin nous a réuni, et nos frères qui se sont attachés véridiquement et ceux qui ont manqué à cet attachement envers leurs prédécesseurs. Puisse Dieu nous rassembler avec les gens de cette génération, puisse-t-Il nous compter du nombre des arrivants avec ce groupe, puisse-t-Il ne jamais nous éloigner d’eux par nos actes ou nos dires, apparents ou secrets. Puisse-t-Il nous relier par un lien inséparable et une union sans faille à ces hommes, alors que nous vivons dans le bien et le bonheur, et en l’honneur du noble Messager (La Fâtihah) ».
Au terme d’un cercle de science dédié à l’étude du Hadith et des sciences religieuses, il accorda une habilitation générale à l’audience et dit : « Je vous autorise à enseigner le Sahîh de l’Imâm Muslim, les six recueils majeurs et les autres ouvrages du Hadith tout comme j’ai été autorisé par nos Sheikhs. Je vous autorise à enseigner les livres de jurisprudence, de Hadith, d’exégèse, de soufisme, des récits biographiques et des vertus prophétiques, de même que j’autorise vos enfants et je vous habilite à habiliter autrui. »
Il dit un jour à Al-Habîb ʿAlî Al-Mashhûr : « La clairvoyance du cœur qui est éclos spirituellement contemple, s’élève et reçoit. »
C’est comme si le cœur chantait ces vers d’Al-Habîb Jaʿfar Ibn Ahmad Al-ʿAydarûs :
Une porte fermée s’ouvrit alors qu’elle nous était refusée.
Toutes les portes s’ouvrirent, aucune n’est désormais fermée,
Par le biais des prédécesseurs et de l’Élu, le meilleur loué,
Le bien-aimé par lequel j’atteignis toute chose espérée.
Al-Habîb ʿAbd Al-Qâdir As-Saqqâf s’éteignit le 3 avril 2010, à l’âge de 96 ans. Puisse Dieu lui faire miséricorde.
Source biographique : Qabasât An-Nûr de Sheikh Abû Bakr Ibn ʿAlî Al-Mashhûr.
[1] La Fâtihah (ou Prologue) désigne la première sourate du Coran.
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