lundi 6 août 2001
Je n’appréciai guère sa façon de s’habiller lorsqu’elle entra dans mon bureau. Toutefois, son regard était chargé d’une tristesse et d’un embarras qui appelaient à la compassion. Elle s’assit et commença à m’exposer ses soucis dans l’espoir de trouver une réponse chez moi. Je l’écoutai pendant un bon moment. J’appris que c’était une jeune femme arabe qui avait reçu son éducation en France. Il était également clair qu’elle connaissait à peine l’islam. Je commençai à lui expliquer des choses élémentaires, en écartant les soupçons qu’elle pouvait avoir ; je répondis à ses questions et je réfutai les mensonges que les missionnaires et les orientalistes propagent à l’égard de l’islam. Je n’oubliai pas de faire allusion à la civilisation contemporaine qui use du corps de la femme pour séduire les regards concupiscents, et qui ignore la chasteté, la beauté et la sérénité au sein de l’environnement familial. La jeune femme demanda un second rendez-vous puis s’en alla.
Peu après son départ, un jeune homme, dont l’apparence montrait un attachement religieux, entra brusquement dans mon bureau et me dit violemment : "Comment se fait-il qu’une personne aussi perverse soit reçue en ce lieu ?". "Le médecin reçoit les personnes malades avant les personnes saines. C’est son métier.", lui dis-je.
"Il va de soi que vous lui avez conseillé de se voiler !", ajouta-t-il. Je lui dis : "Le problème est bien plus grand que cela. Il faut d’abord construire la base qui va porter l’édifice. Il y a d’abord la foi en Dieu et au Jour dernier, il y a l’obéissance et la soumission à ce qui a été révélé dans le Coran et la Sunnah, il y a les piliers du culte et de l’éthique sans lesquels l’islam ne peut exister...". Il m’interrompit en disant : "Tout cela ne vous empêche de lui ordonner de porter le voile !" Je répondis calmement : "Je n’aurais pas apprécié si elle était venue habillée en nonne, alors que son cœur est vide de la foi en Dieu, l’Unique. Je lui ai enseigné les bases qui vont l’aider à choisir, de son plein gré, de s’habiller de façon plus décente."
Il essaya de m’interrompre à nouveau mais je lui dis alors fermement : "Je suis incapable de tirer l’islam par la queue, et de mettre la charrue avant les bœufs, comme vous le faites. J’établis d’abord la base, puis je construis ensuite l’édifice. Et je réalise ainsi mes espoirs en recourant à la sagesse".
Deux semaines plus tard, la jeune femme se présenta à nouveau, mais cette fois, elle portait des habits beaucoup plus décents, avec un voile léger sur sa tête. Elle continua de poser ses questions et je continuai de fournir les explications. Puis, je lui demandai : "Pourquoi n’allez-vous pas à la mosquée la plus proche de chez vous ?" J’eus des remords après avoir posé cette question. Je me rappelai en effet que les mosquées étaient fermées au nez des femmes ! La jeune femme me dit qu’elle détestait les religieux et qu’elle n’aimait pas les écouter ! "Pourquoi donc ?", lui demandai-je. "Ils ont des cœurs durs et nous traitent avec mépris et dédain", dit-elle promptement.
Je ne sais pourquoi je me souvins alors de Hind - la femme de Abû Sufyân - qui mangea le foie de Hamzah et qui s’acharna contre l’islam. Elle ne connaissait pas vraiment le Messager de Dieu. Lorsqu’elle le connut, qu’elle se rapprocha de lui et qu’elle crut en lui, elle lui tint ces propos : "Ô Messager de Dieu ! Par Dieu, je n’avais jamais souhaité que quelqu’un sur terre soit humilié plus que toi et les tiens ! Mais aujourd’hui, je ne souhaite pas que quelqu’un sur terre soit plus honoré que toi et les tiens". Les flots de tendresse qui jaillissaient du cœur du noble Messager transformaient radicalement les cœurs.
Les prédicateurs apprendront-ils cette leçon de leur Prophète, afin de rallier les gens plutôt que de les disperser, et afin de leur annoncer la bonne nouvelle plutôt que de les faire fuir ?
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Muhammad Al-Ghazâlî, Al-Haqq Al-Murr, premier tome, éditions Nahdat Misr, première édition, décembre 1996.
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