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Le mois béni de Ramadân

jeudi 14 octobre 2004

Ce texte est un entretien avec le Sheikh Ahmad Kuftârû, réalisé à Damas le 10 décembre 1997, par le magazine arabophone londonien Al-`Âlam.

Sheikh Ahmad Kuftârû

Au nom de Dieu, le Clément le Miséricordieux.

Première question

La Communauté islamique accueille à nouveau le mois béni de Ramadân. Que signifie ce mois pour cette Communauté à l’heure actuelle ?

Réponse

Pour la Communauté islamique, le Ramadân est un mois béni, mentionné par Dieu dans le Noble Coran pour montrer qu’il s’agit du mois du jeûne. Dieu - Exalté soit-Il - dit : « Ô les croyants ! On vous a prescrit le jeûne comme on l’a prescrit à ceux d’avant vous ; ainsi atteindrez-vous la piété » [1]. Ce verset fait apparaître la sagesse qui réside dans le jeûne, à travers l’expression : « ainsi atteindrez-vous la piété ». La piété désigne l’observance de Dieu, tant en public qu’en privé, et la crainte révérencielle qui amène l’être humain à s’arrêter aux limites tracées par Dieu à travers Ses commandements et Ses interdits.

Le Coran mentionne le Ramadân une seconde fois lorsqu’il nous informe qu’il s’agit du mois au cours duquel le ciel s’est relié à la terre, et où a débuté la révélation faite à notre seigneur Muhammad, le Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui. Dieu - Exalté soit-il - dit ainsi : « Le mois de Ramadân au cours duquel le Coran a été révélé comme guide pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement. » [2]

Le Ramadân vient donc s’imposer dans le monde musulman et dans tous les domaines de la vie. Il s’impose à l’individu, à la famille, à la société et aux médias audio-visuels. Pour cette raison, le mois de Ramadân est le mois du changement et de la mutation de tous les aspects de la vie. Les heures des repas et du sommeil changent ; les œuvres pies, les actes de culte et le cheminement vers Dieu apparaissent sous un jour manifeste ; les actes de bonté, de bienfaisance et de charité sont distribués aux pauvres, aux indigents et aux nécessiteux. Je dis donc que le Ramadân est le mois de la volonté qui peut venir à bout de tout. L’être humain ne peut en effet atteindre aucun objectif ni répondre à aucune nécessité matérielle ou spirituelle si ce n’est grâce à la volonté. Aujourd’hui, la chose dont nous avons le plus besoin est précisément cette volonté, afin de changer la réalité islamique publique et privée, par une réalité meilleure et plus constructive, tant en termes de production, d’industrie, de richesses que de formation humaine selon les vertus morales, pour que le bien, la justice, l’amour et la générosité se généralisent dans tout l’édifice social.

Deuxième question

La sagesse qui réside dans le Ramadân est-elle différente aujourd’hui par rapport à ce qu’elle était hier ? Cette sagesse se résume-t-elle à l’aspect rituel du culte seulement ?

Réponse

Les lois et les obligations prescrites aux hommes par le Créateur Tout-Puissant ne varient pas dans leurs objectifs et leurs sagesses d’une époque à l’autre. Bien au contraire, elles demeurent valables à toutes les époques et en tous lieux. Car l’être humain est toujours l’être humain dans ses penchants et dans ses nécessités vitales. Les obligations religieuses ne sont que des écoles d’où le Musulman est diplômé pour devenir un être humain et un membre d’une société saine, dans laquelle l’individu vit pour le groupe, et dans laquelle le groupe vit pour l’individu. Car les croyants sont, les uns pour les autres, tels un édifice plombé, dont toutes les parties sont solidaires les unes des autres.

Partant de là, je dis que les actes de culte sont un devoir qui incombe à tout Musulman et à toute Musulmane, se devant d’être accomplis pour la réalisation de la finalité de l’acte de culte en question.

Ceci est clairement mentionné dans le Saint Coran, où notre Seigneur - Exalté et Loué soit-Il - dit à propos de la prière : « Accomplis la prière. En vérité, la prière préserve de la turpitude et du péché » [3] ; à propos du jeûne : « ainsi atteindrez-vous la piété » [1] ; à propos de l’aumône légale : « Prélève sur leurs biens une aumône par laquelle tu les purifies et tu les bénis » [4], car c’est bien une purification de tous ces défauts que sont l’avarice, la convoitise, le narcissisme, l’égoïsme, l’amour du bas-monde, tout autant de défauts qui éloignent l’être humain de la vérité, de la justice et de l’égalité ; à propos du pèlerinage : « pour participer aux avantages qui leur ont été accordés et pour invoquer le nom de Dieu » [5]. Les avantages dont il est question dans ce dernier verset sont d’ordre matériel - comme par exemple le commerce - et spirituel - l’acquisition de la récompense et de la rétribution de Dieu et l’obtention de l’Agrément divin. Tout revient ensuite à Dieu et est dépensé pour la Cause de Dieu. Les directives de l’Islam ont donc pour but de réaliser le bonheur éternel de l’être humain.

Troisième question

Quelles sont les mesures que prend le Conseil Supérieur de la Fatwâ, au niveau de la prédication, pour se préparer à accueillir le mois béni de Ramadân ?

Réponse

Pendant le Ramadân, l’être humain s’active à remédier à ses manquements : il accomplit les prières obligatoires, s’acquitte des prières surérogatoires, notamment celles qui sont recommandées, celles des tarâwîh (prières nocturnes) et celles qui précèdent l’aube. Il s’efforce de s’arrêter aux limites tracées par Dieu : il ne médit pas d’autrui, ne le calomnie pas, ne l’insulte pas. Car le jeûne consiste à s’abstenir de toutes les choses qui rompent le jeûne, aussi bien sur un plan physique que sur un plan moral. C’est ici qu’intervient le Conseil de la Fatwâ pour mettre au point un programme à l’intention des éducateurs religieux, afin d’augmenter le nombre de conférences et de réunions dans les mosquées. Le but est d’instruire, d’informer les gens, et de répondre à leurs questions sur les divers sujets auxquels ils sont confrontés durant le jeûne, à la lumière de la Législation islamique. D’autres activités sont également proposées.

Quatrième question

L’humanité a-t-elle connu le jeûne avant le mois béni de Ramadân ?

Réponse

Oui, toutes les religions, qu’elles soient d’origine céleste ou d’origine terrestre, ont connu ce culte qu’est le jeûne. Le Noble Coran le dit expressément : « Ô les croyants ! On vous a prescrit le jeûne comme on l’a prescrit à ceux d’avant vous ; ainsi atteindrez-vous la piété » [1]. Ce verset est clair. Le jeûne est ainsi prescrit dans les religions de Moïse et de Jésus - paix sur eux - tout comme il est prescrit dans la religion musulmane. Les modalités du jeûne peuvent quant à elles varier d’une religion à l’autre.

Cinquième question

La commémoration de la journée de Jérusalem aura lieu durant ce mois béni, tandis que la Ville sainte est encore prisonnière du joug de l’occupation... Quels sont vos orientations et vos conseils vis-à-vis de cette question ?

Réponse

Jérusalem est le lieu que Dieu a expressément mentionné dans le Noble Coran, lorsqu’Il dit : « Gloire et Pureté à Celui qui, de nuit, fit voyager Son Serviteur, de la Mosquée Sacrée à la Mosquée Al-Aqsâ dont Nous avons béni l’alentour » [6]. Jérusalem a traversé de nombreux événements, le plus important ayant été les Croisades, où elle est restée pendant 90 ans sous occupation croisée. Et aujourd’hui, c’est Israël qui souille la terre de Jérusalem.

Jérusalem a été libérée une première fois par ʿUmar Ibn Al-Khattâb - que Dieu l’agrée - et l’armée musulmane, puis elle a été libérée par Salâh Ad-Dîn (Saladin) à Hattin, et les Croisades, qui ont duré deux siècles, se sont terminées grâce à la lutte sincère des détenteurs du droit. Aujourd’hui, l’obscurité et l’injustice planent sur Jérusalem. Ce désastre est destiné à prendre une fin comme cela a été le cas dans le passé. Nous sommes témoins, depuis 1917, en passant par 1948 et jusqu’à aujourd’hui du combat et de la lutte légitimes du peuple palestinien qui offre ses martyrs.

Comme nous sommes fiers de ce peuple lorsque nous voyons des enfants résister à l’occupation avec des cailloux. Ils font face aux balles et aux bombes avec leurs corps fragiles, mais leurs âmes sont plus fortes que les pierres qui leur font office d’armes contre leur ennemi. Pour cette raison, la victoire se réalisera, que ce soit aujourd’hui ou demain. Mais cela exige de la solidarité, du soutien, de la sincérité et du dévouement dans le combat. Ceux qui luttent à l’intérieur de la terre sainte sont des héros, dont le combat n’est égalé de nos jours par aucune autre action. Nous avons vu comment une seule opération de martyre a ébranlé les piliers du monde entier, qui s’est réuni à Charm Al-Cheikh pour riposter. En vérité, le détenteur du droit n’est jamais vaincu, et le chemin est encore long. Dieu sera avec nous tant que nous serons avec nous-mêmes, à œuvrer pour notre cause et notre avenir.

Sixième question

Y a-t-il un conseil que vous désirez transmettre à la Communauté islamique en ce mois béni, à travers le magazine Al-ʿÂlam ?

Réponse

Je dirai à la nation arabo-musulmane, en ce mois béni, la chose suivante :

Nous devons travailler à nous réformer nous-mêmes dans un premier temps, et ce, en observant scrupuleusement les commandements et les interdits divins. Si l’individu est réformé, c’est ensuite la famille puis la société qui sont réformées à leur tour. Nous devons également savoir que l’Islam est la voie la plus saine et la plus à même de réaliser tous les objectifs et les desseins nobles et honorables, qui feront de notre Communauté la meilleure des communautés, comme elle l’a été par le passé. Mais de quel Islam parlons-nous ?... Nous parlons de l’Islam du savoir, de la sagesse, de la purification spirituelle, sans extrémisme, sans fanatisme, mais dans l’entraide, le dialogue et l’amitié.

Louanges à Dieu, Seigneur des mondes.

P.-S.

Traduit de l’arabe du site Kuftaro.org.

Notes

[1Sourate 2, la Vache, Al-Baqarah, verset 183.

[2Sourate 2, la Vache, Al-Baqarah, verset 185.

[3Sourate 20, l’Araignée, Al-ʿAnkabût, verset 45.

[4Sourate 9, le Repentir, At-Tawbah, verset 103.

[5Sourate 22, le Pèlerinage, Al-Hajj, verset 28.

[6Sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 1.

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