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Les problèmes de la femme entre traditions stagnantes et traditions étrangères
Section : Des conceptions erronées

Le Talâq est un arrêt provisoire du mariage

vendredi 9 novembre 2001

Parfois, le juriste juge bon de formuler son jugement à partir du sens apparent du texte et, d’autres fois, il dépasse le sens apparent pour des raisons provenant d’autres preuves plus probantes ! Seulement, nous nous étonnons quand un juriste délaisse le sens premier et apparent du texte sans pour autant prendre en compte un intérêt (maslahah) plus prioritaire ni une preuve plus forte !! J’ai constaté ce fait dans de nombreuses affaires concernant la femme. Prenons un exemple clarifiant ce que je veux dire !

La fin de la vie conjugale ne s’opère pas par knock-out, comme cela se dit dans le domaine de la boxe. Le terme talâq désigne du point de vue de l’islam l’arrêt provisoire d’une relation qui demande à être reconsidérée. Il ne s’agit pas d’une rupture définitive de cette relation. Par conséquent, l’islam ne reconnaît pas l’usage de ce terme à tout moment. Non, il lui a fixé des moments bien définis. Quand cette volonté est formulée selon le schéma prévu, l’islam conserve la vie conjugale à l’intérieur du foyer pendant une longue période dans l’espoir que les choses retrouvent leur cours normal et afin que les profondes dissensions s’estompent et que la tendresse l’emporte.

Par ailleurs, l’islam a mobilisé les proches parents des deux époux pour empêcher l’envenimement de la situation et la mort de la vie conjugale ! Les versets coraniques sont nombreux à ce sujet. Je citerais ici le premier verset de sourate At-Talâq : "Ô Prophète, si vous divorcez d’avec les femmes, faîtes-le à l’issue de leur ʿiddah (période d’attente), et décomptez soigneusement le délai - il ne s’agit donc pas de le faire n’importe quand - et craignez Dieu votre Seigneur. Ne les chassez pas de leur maison et qu’elles ne les quittent pas - le départ de l’épouse de son domicile ou le fait de l’en chasser dès la formulation du talâq est donc illicite - à moins d’avoir commis une turpitude manifeste. Telles sont les limites fixées par Dieu. Celui qui trangresse les limites de Dieu se fait tort à lui-même. Tu ne le sais pas mais il se peut que d’ici là Dieu suscite quelque chose de nouveau."

La dernière phrase indique la sagesse sous-jacente au fait que la femme demeure dans le domicile, lequel reste son domicile après le talâq. Par ailleurs, le verset indique une raison qui limite le talâq à une période bien définie car il n’est pas licite pendant les menstruations et il n’est pas licite non plus pendant une période de pureté où les époux ont eu des relations intimes. Le talâq a une période bien définie où il est licite de le prononcer. L’observation de ces limites a été exprimée dans le verset par "Telles sont les limites fixées par Dieu"...

Cette phrase indiquant la manière de mettre fin à la vie conjugale ressemble à la phrase qui clôt les versets de l’héritage "Telles sont les limites fixées par Dieu. Celui qui obéit à Dieu et à Son Messager, Il le fera entrer éternellement dans des Jardins sous lesquels coulent les fleuves, et telle est la grande victoire. Et celui qui désobéit à Dieu et à Son Messager et transgresse les limites qu’Il a fixées, il le fera entrer éternellement dans un Feu." Les musulmans sont unanimes sur le fait qu’il n’appartient à aucun homme de modifier les parts d’héritage et que celui qui le ferait, son acte serait nul et non avenu et les parts fixées divinement seraient attribuées conformément au texte et selon ce qui a été qualifié de limites fixées par Dieu !!

Quant aux limites de Dieu concernant le talâq, elles ont connu un autre traitement. En effet, les savants se sont accordés à dire que le talâq se divise en deux catégories : at-talâq as-sunnî (le talâq conforme à la sunnah) et at-talâq al-bidʿî (le talâq innové) ! Le talâq légitime apporté par la sunnah et indiqué par le Coran consiste à divorcer de la femme pendant une période de pureté durant laquelle l’homme ne l’a pas approchée, la femme demeurant dans son domicile pendant toute sa période d’attente. Le talâq innové consiste à prononcer le divorce pendant les règles ou pendant une période pureté où ont eu lieu des rapports intimes ou à prononcer plusieurs fois le talâq pendant un seul cycle !

Les savants se sont accordés pour dire qu’un tel comportement est illicite et qu’il s’agit d’une innovation étrangère à la religion ! Il aurait mieux valu que ce genre de talâq soit jeté dans la benne à ordures et qu’il soit considéré au même titre qu’un individu modifiant les lois de l’héritage et inventant de nouvelles parts. En effet, dans les deux cas, il s’agit de limites fixées par Dieu et dont la transgression est inacceptable.

Malheureusement, ce n’est pas cela qui est arrivé ! Un certain nombre de juristes ont accepté le talâq innové et l’ont fait valoir et lui ont donné toutes les suites du talâq. Il s’agit même d’un grand nombre de juristes. Ceux qui ont observé la vérité dans cette affaire parmi les gens de la sunnah sont Ibn Taymiyah, Ibn Al-Qayyim et Ibn Hazm, approximativement, et quelques-uns parmi les générations récentes qui se sont rebellés contre le courant erronné et ont résisté à la dérive.

L’assise de la famille s’est craquelée suite à la reconnaissance du talâq innové. Des situations tragicomiques suscitant la nausée et la tristesse ont eu lieu. Tel homme dépense lors de son mariage plusieurs dizaines de milliers pour épouser sa femme. Puis, tu l’entends au marché jurer de divorcer honorant ou non son serment pour une livre de viande valant des broutilles et voici que la famille s’écroule. D’un autre côté, un juriste écrit dans un ouvrage scolaire pour les étudiants religieux : "celui qui dit à son épouse tu es tâliq une demie fois, cela compte pour une fois entière !" Quelle est cette futilité ? Il s’agit là d’une fumisterie !

Ibn Hazm narre dans Al-Muhallâ qu’un homme ayant rendu son épouse illicite pour lui-même interrogea Humayd Ibn ʿAbd Ar-Rahmân Al-Himyarî. Ce dernier lui dit : Dieu dit à Son Prophète : "Lorsque tu es libéré de tes occupations, lève-toi pour prier et recherche ton Seigneur avec ferveur" alors que toi, tu es un homme qui joue ! Alors va jouer...

Juger qu’une chose est licite ou illicite ne dépend pas des passions des gens et de leurs fatwas "Et ne dites pas, conformément aux mensonges proférés par vos langues : ‹Ceci est licite, et cela est illicite›, pour forger le mensonge contre Allah"

Je vise le bien et la droiture pour la famille musulmane et il m’appartient comme il appartient à autrui d’examiner attentivement les lois du talâq sans inventer quoi que ce soit. Nous choisissons seulement parmi les opinions des juristes celles qui se rapprochent le plus du Livre et de la sunnah et celles qui servent le mieux les intérêts des deux parents et des enfants et leur avenir...

Je sais qu’il y a des gens qui rougissent de colère pour conserver dans la pratique le talâq innové ! Mais l’agrément de ces gens ou leur courroux me laissent indifférent. Ce qui me concerne avant tout et ultimement ce sont les préceptes de l’islam et l’intérêt des muslmans.

P.-S.

Cet article est traduit du livre de Cheikh Muhammad Al-Ghazâlî intitulé Les Problèmes de la Femme Entre des Traditions Stagnantes et des Traditions Etrangères. Il s’agit d’une compilation d’articles de journaux destinés à une audience très large, et non un traité de jurisprudence à proprement parler.

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