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Les problèmes de la femme entre traditions stagnantes et traditions étrangères
Section : Comprenons l’Islam

Les Savants sont responsables

dimanche 7 janvier 2001

Quand les preuves s’opposent et que les opinions des juristes se multiplient, je me réserve le droit de choisir la fatwah la plus pertinente. En effet, je peux préférer un argument à un autre et je peux opter pour ce qui est plus aisé pour les gens et plus simple pour traiter le problème rencontré...

On m’interrogea récemment au sujet d’une femme qui avait perdu son époux subitement et fut submergée par sa détresse. Craignant pour sa santé mentale, ses parents pensèrent l’emmener rendre visite à la Mosquée Sacrée pour une ʿomrah afin de consolider sa foi et l’aider à surmonter sa douleur ! Je leur dis que le mieux était qu’elle observe son deuil (la période de ʿiddah) chez elle ! Ils me répondirent qu’ils craignaient pour ses nerfs et pour sa santé !

Je reconsidérai alors la situation, puis j’ai donné ma fatwa selon l’opinion d’Aïshah - qu’Allâh l’agrée - qui pense que la retraite légale prescrite par Allâh dépend du temps et non pas du lieu. Sheikh As-Sayyid Sâbiq, l’auteur de Fiqh As-Sunnah dit : Aïshah autorisait la veuve à sortir pendant leur période de ʿiddah et elle emmena même sa soeur Omm Kolthoum au petit pélerinage (ʿomrah) à la Mecque après l’assassinat de son mari Talhah Ibn ʿUbaydallâh. ʿAbd Ar-Razzâq rapporte qu’Ibn ʿAbbâs dit : "Allâh - Exalté et Glorifié soit-Il - dit qu’elle observe le deuil pendant quatre mois et dix jours mais il n’a pas dit qu’elle devait le faire chez elle, elle peut donc le faire où bon lui semble...

Certains soutiennent que la veuve doit nécessairement passer sa période d’observation chez elle, y passant ses nuits et ne sortant que pour son travail si elle est employée par exemple, avec l’obligation de deuil, et la proscription totale de tout ornement [vêtements sobres et discrets etc].

Si ce n’était que ça, il n’y aurait pas de problème. Seulement, ma colère éclate quand parviennent à ma connaissance des propos portant atteinte à la dignité de l’islam et à son message ! Un lecteur m’interrogea au sujet d’un avis publié dans une référence islamique sérieuse que ʿOmar interdit aux femmes l’apprentissage de l’écriture comme s’il pensait que l’illétrisme était mieux pour elles ! Je répondis sur un ton moqueur : "Et pourquoi l’illétrisme serait-il le lot des femmes seulement ? Autant l’étendre à l’ensemble des mâles et des femelles pour mieux se conformer à la compréhension erronnée du hadîth "nous sommes une nation illettrée" !!

Mon ami, le hadîth qui interdit à la femme d’apprendre l’écriture est controuvé et toute tradition déconsidérant l’acquisition du savoir relatif à la terre ou au ciel n’est pas digne de confiance. Les Arabes contemporains du Messager d’Allâh - paix et bénédiction d’Allâh sur lui - ont été qualifiés d’analphabètes dans le Livre et dans la Sounnah en tant que constat d’une situation mondialement et localement connue à l’époque. Mais cette réalité s’est dissipée avec la révélation du Noble Coran et le déferlement de flots de savoir avec des versets explicites "[...] Mais si tu suis leurs passions après ce que tu as reçu de science, tu n’auras contre Allah ni protecteur ni secoureur. " [2:120] "Il consiste plutôt en des versets évidents, (préservés) dans les poitrines de ceux à qui le savoir a été donné. Et seuls les injustes renient Nos versets." [29:49]. Il faut que les hommes et les femmes accroissent leur savoir et ne se rassasient jamais des diverses cultures accessibles.

Les traditions qui nous sont rapportées méritent d’être soigneusement scrutées. Il arrive même qu’un Imâm parmi les plus grands juristes cite une tradition sans pour autant la prendre en considération, partant du principe qu’il existe des traditions plus solides et plus digne d’être suivies. J’illustrerai cela en citant l’Imâm intègre, l’ascète, le dévot, Ahmad Ibn Hanbal et son célèbre Musnad. Ce grand Imâm a délaissé certains hadîths narrés dans son Musnad et ne les a pas pris en considération dans ses opinions juridiques.

Dans son livre Sayd Al-Khâtir, Ibn Al-Jawzî dit : "Certains hommes du Hadîth m’ont demandé si le Musnad d’Ahmad contient des narrations non authentiques ?" je répondis par l’affirmative. Cela offensa certains prétendants à l’école hanbalite, mais je me contentai de penser qu’ils étaient des plébéins [gens communs sans science] et je n’accordai que peu d’intérêt à leur indignation. C’est alors que je découvris qu’ils avaient publié des fatwas délivrées notamment par des gens du Khorasân tels Abû Al-ʿAlâ’ Al-Hamadânî, où ils soulignent avec indignation la gravité de tels propos au sujet du Musnad et s’attaquant à toute personne qui oserait dire cela du Musnad. J’en restai étonné et pensai : "Etrange ! Les affiliés du savoir sont devenus eux-aussi des plébéins ! Et la raison en est que ces gens entendirent le hadîth et ne cherchèrent guère à discerner l’authentique du peu fiable. Ils pensèrent alors que celui qui tient un propos comme le mien portait atteinte à ce que rapporte Ahmad. Mais il n’en est rien car l’Imâm Ahmad a rapporté des hadiths mashhûr (célèbres), jayyid (bons) et radî’ (mauvais) et il a lui-même rejeté de nombreux hadîths qu’il a lui-même rapportés et n’en a pas tenu compte dans sa jurisprudence (madhhab). N’est-ce pas lui qui a qualifié le hadîth relatif aux ablutions avec l’alcool de méconnu ?!

Celui qui lit Kitâb Al-ʿIlal (i.e. Le Livre des Défauts) d’Abû Bakr Al-Khallâl trouvera de nombreux hadîths figurant dans le Musnad et récusés par Ahmad. Je rapportai de l’écriture du Juge Abû Yaʿlâ Muhammad Ibn Al-Husayn Al-Farrâ’ lui-même concernant la question du vin : "Ahmad n’a rapporté dans son Musnad que les narrations célèbres sans chercher à séparer les hadîths authentiques de ceux comportant des défauts (arabe : saqîm, littéralement "malade"). Et la preuve en est ce que dit son fils ʿAbdullâh : "Je dis à mon père : que penses-tu du hadîth de Rabʿî Ibn Harrâs selon Hudhayfah ? Il dit : Celui qu’il tient de ʿAbd Al-ʿAzîz Ibn Abî Dâwûd ? Je dis : oui. Il répondit : les hadîths le contredisent. Je dis : Tu l’as rapporté dans le Musnad ! Il dit : Je cherchais à recenser dans le Musnad les narrations célèbres (mashhûr). Si je visais à ne conserver que ce que je juge authentique, je n’aurais rapporté de ce Musnad que peu de narrations. Mais tu connais bien, mon fils, ma méthodologie dans le hadîth : je ne rejette un hadîth faible que quand il existe des hadîths authentiques qui le récusent. Le Juge poursuit : Et il [Ahmad] indiqua lui-même sa méthodologie dans le Musnad. Alors celui qui le considère comme une source primaire d’authenticité contredit son auteur et perd de vue son objectif.

Je dis : Je suis affligé du fait que les savants de nos jours sont devenus des plébéins de par leur manque d’engagement envers le savoir. Quand ils rencontrent un hadîth controuvé, ils disent tout simplement qu’il a été narré. On devrait pleurer sur la bassesse des résolutions. Seul Dieu le Majestueux est détenteur de tout pouvoir et de toute force. Ceci est la position d’Ibn Al-Jawzî, le juriste Hanbalite, dans son évaluation des hadîths du Musnad mais certaines personnes sont "plus royalistes que le roi" !!

P.-S.

Notes :

Cet article est traduit du livre de Cheikh Muhammad Al-Ghazâlî intitulé Les Problèmes de la Femme Entre des Traditions Stagnantes et des Traditions Etrangères. Ce livre est une compilation d’articles de journaux destinés à une audience très large, il ne s’agit pas d’un traité de jurisprudence à proprement parler.

Les traductions de versets coraniques cités sur cette page proviennent du site de l’Association des Étudiants Musulmans de l’Oregon State University.

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