dimanche 28 janvier 2001
Les pays d’Europe de l’Ouest s’orientent vers une unification globale resserrant leurs rangs sur les plans économique, social et politique. Mais ceci n’est pas notre propos ici. Nous nous intéressons plutôt aux liens philosophiques et spirituels qui sous-tendent cette unification et y poussent. Certains évoquent l’héritage philosophique grec et l’héritage religieux romain et que ces deux héritages ont été le premier berceau de l’Europe contemporaine suite aux changements et évolutions de la Renaissance. Mais ceci n’est pas notre propos non plus ! Nous nous intéressons en fait à certains aspects de la question féminine car ces aspects dépassent leur cadre restreint pour englober le monde entier, la civilisation européenne étant bien celle qui dirige le monde entier actuellement...
Les philosophes grecs n’ont guère rendu justice à la femme ni ne l’ont honorée. Au contraire, l’histoire de ces philosophes est entachée de déshonneur, imprégnée de débauche et d’abus et dans l’assouvissement de leurs désirs, ils ne se souciaient guère de déviance ni de droiture ! L’histoire des Romains n’est pas plus reluisante que celle des Grecs et les vils désirs des Césars ne connaissaient aucune limite. Le fait que les palais étaient emplis de femmes était une chose habituelle, que celles-ci soient des esclaves ou des femmes libres... Le christianisme a tenté de faire face à ces désirs effrénés par une vie monastique stricte mais le résultat a été désastreux. Les déboires des religieux sont devenus comparables à ceux des profanes si ce n’est pire !
J’ai médité l’histoire du penchant pour la femme pour me rendre compte que les plébéiens ont envié les rois pour les amas de délices qu’ils possédaient, délices qu’ils revendiquaient pour eux-mêmes, et souhaitaient désormais partager ! Ils n’ont éprouvé aucune peine du fait que Salomon possédait mille femmes à lui seul - d’après l’Ancien Testament. Ils n’ont pas été attristés pour les droits spoliés de centaines parmi ces mille femmes à avoir un époux qui en prendrait soin. Non, ceci ne les concernait pas ! Ce qu’ils voulaient comprendre c’est : pourquoi un seul homme possède-t-il à lui seul une telle quantité de délices ? Ils ont alors décidé d’abolir le capitalisme et de transformer les "harems privés" en une propriété commune à tous ou, comme dirait Ahmad Mûsâ Sâlim : "Des femmes en libre service dans les restaurants, les hôtels, sur les trottoirs, sous les arbres des jardins publics, contre les murs dans l’obscurité de la nuit, sur les pistes dansantes ou dans les fêtes nocturnes : chacun peut faire ce qu’il veut avec qui il veut... Telle est la devise d’une libération de toute éthique, chasteté, préservation des généalogies ou des limites instaurées par Dieu au sein des familles...Telle est l’alternative à l’ancien harem fermé. Telle est la nouvelle valeur ouverte pour chacun, disponible pour tous, et qui va détruire la famille partout dans le monde."
Tout musulman soucieux pour sa religion et sa communauté, craint cette civilisation qui a oublié Dieu et la Révélation et qui a laissé en toute inconscience les passions animales libres de leurs méfaits. L’islam que nous proposons comme noble remède pour cette pagaille générale ne s’apprend pas des bouches des fous qui appellent à l’enfermement de la femme de manière à ce qu’elle ne sorte jamais de chez elle, disent-ils, sauf pour la maison de son mari ou pour la tombe. Non, l’islam se puise dans les enseignements clairs que renferment le Livre (le Coran) et la sunnah (la tradition prophétique).
Le malheur de notre religion vient de gens qui détournent le sens du verbe et recourent à un hadith controuvé ou défectueux pour annuler des versets explicites et des traditions prophétiques claires et bien établies. Celui qui médite le Saint Coran ressent l’égalité générale au sein de l’humanité entre les hommes et les femmes, et que l’on ne donne à un homme un droit plus grand que contre une responsabilité plus lourde et non pas par un favoritisme stupide.
La qawâmah de l’homme (le soutien de l’homme pour le foyer) [1] ne signifie pas la perte de l’égalité originelle tout comme l’obéissance de la population au gouvernement n’est guère synonyme d’oppression et d’humiliation. En fait, l’organisation sociale a des nécessités naturelles et son interprétation ne laisse aucune place à la fantaisie.
Il y a des gens qui tiennent sur les femmes des propos qui ne méritent que le mépris ! L’un d’eux m’a dit : "Les irresponsables sont les enfants et les femmes." Je lui ai répondu : "De qui tiens-tu ça ? Du maire de ton patelin ou bien de ton chef de tribu ?" Un mensonge effronté voudrait appliquer aux femmes le verset : "...dépourvu de tout pouvoir et totalement à la charge de son maître ; Quelque lieu où celui-ci l’envoie, il ne rapporte rien de bon" ! [2]. A cela je réponds : telle est la description d’une catégorie de gens, hommes et femmes, privés de toute faculté, incapables de donner quoi que ce soit... D’ailleurs, j’ai honte de constater qu’il s’en faut de peu pour que cette description englobe de larges masses à travers le monde musulman après qu’ils aient délaissé leur Message et oublié leur Livre et ont vécu en tant que parasites des civilisations dominantes...
Je crains pour l’islam deux types d’individus : les détracteurs parmi ses ennemis et les ignorants parmi ses amis... Et, je répète ce que j’ai dit auparavant : "Je combats les médicaments contrefaits avec la même vigueur que je combats les maladies répandues... La brèche qui permet aux ennemis de l’islam de s’infiltrer dans notre oeuf alors que nous combattons l’invasion culturelle, c’est la position de certains cheikhs (hommes de religion) vis-à-vis des questions de la femme. Ils s’opposent fermement aux droits de la femme que l’islam lui a lui-même octroyés, voulant les suspendre ou les dénaturer. J’ai connu une époque où Al-Azhar s’était opposé à l’accès de la femme à l’enseignement universitaire. J’ai également appris à l’époque que des masses de bédouins se sont rendues à Riyad pour protester contre l’ouverture d’écoles pour filles !
Bien que la vie ait changé, la relation entre les deux sexes et leurs droits respectifs généraux et particuliers n’ont pas encore pris la bonne voie car il y a des gens qui refusent de suivre les enseignements du Saint Coran ! Allâh - Exalté soit-Il - dit : "Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils commandent le convenable, interdisent le blâmable, accomplissent la salât, s’acquittent de la zakât et obéissent à Allâh et à Son messager." [3]. Ceci est un pacte d’alliance et d’harmonie entre les deux sexes stipulant le soutien de la justice, le combat de l’injustice, l’accomplissement de la prière, l’acquittement de l’aumône, et l’obéissance à Dieu, un pacte d’alliance transformant la société en une ruche active dotée d’une méthodologie et d’un objectif...
La conclusion du mariage entre un croyant et une croyante entérine ce fait. La nouvelle relation devient alors celle de la fraternité de foi, le partage des responsabilités, la compagnie d’une vie, l’unité des objectifs et l’harmonie des cultures...
Seule une société infâme voit le mariage comme un contrat de jouissance d’un corps, ou le définit comme la possession d’une intimité contre une rémunération, ou le voit comme une association entre un homme promu au grade d’officier et une femme au grade de sous-officier. Où sont passées l’affection et la tendresse, la dignité et la loyauté ?
Lorsque je lis que Fâtimah la fille de Mohammad se meurtrissait les mains en moulant le grain avec une meule ou qu’elle portait l’eau dans une outre au point que son épaule n’en puisse plus, je sens que la Noble Dame n’était pas une femme au service d’un homme mais plutôt qu’elle était une mère croyante qui fonde un foyer régi par la confiance et l’amour : elle se dépensait elle-même et tout ce qu’elle possédait pour son époux et ses enfants. Il n’y avait ni un chef qui donnait des ordres ni une femme soumise qui obéit ! Non, il s’agissait de deux partenaires qui partagent le meilleur et le pire, afin d’atteindre deux objectifs : le succès de la religion en laquelle nous croyons et le succès de leur vie privée...
En partant de cette base, je comprends la parole d’Asmâ’ Bint Abî Bakr [4], l’épouse d’Az-Zubayr Ibn Al-ʿAwwâm : "Je réalisais pour Az-Zubayr tous les travaux de la maison, je palefrenais son cheval, le nourrissais, allais lui couper du fourrage, je confectionnais un seau et transportais l’eau et je transportais les noyaux de dattes sur ma tête depuis une terre qu’il possédait à un tiers de lieue".
Le jumhûr (la communauté) des juristes affirment que la femme n’est pas obligée de servir l’homme ! Mais la question n’est pas de savoir ce qui est prévu par la loi mais plutôt de connaître le meilleur moyen de servir l’intérêt commun du couple unissant le croyant et la croyante. La question est régie ici par un sentiment d’altruisme et non par l’égoïsme. L’homme doit très certainement pourvoir pour son foyer (il est qayyim pour son foyer) et cette qawâmah est une responsabilité avant d’être un honneur, et un sacrifice avant d’être un prestige... Le problème du monde musulman est que l’ignorance a englobé les deux sexes et que la relation entre eux est désormais considérée du point de vue charnel uniquement tandis que le grand Message de la communauté n’est connu ni des pères ni des mères et le mariage se réduit à un contrat de jouissance régi par la logique de la force physique !
Cet article est traduit par nos soins du livre de Cheikh Muhammad Al-Ghazâlî intitulé Les Problèmes de la Femme Entre des Traditions Stagnantes et des Traditions Etrangères. Ce livre est une compilation d’articles de journaux destinés à une audience très large, il ne s’agit pas d’un traité de jurisprudence à proprement parler.
[1] La notion de qawâmah a souvent été mal traduite dans le verset 34 de sourate An-Nisâ’ par "autorité/supériorité des hommes sur les femmes" alors qu’il s’agit plutôt de l’obligation de l’homme musulman de pourvoir pour son foyer.
[2] Sourate 16, An-Nahl, Les Abeilles, verset 76.
[3] Sourate 9, At-Tawbah, Le Repentir, verset 71.
[4] Asmâ’, la fille d’Abû Bakr, et la soeur de la Mère des Croyants, ʿAïshah.
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