vendredi 9 février 2001
Chaque fois que je me penche sur la sîrah [1], ma connaissance de la place de la femme dans la société islamique ne fait que s’améliorer, et notamment, tout ce qui concerne les droits que l’islam lui garantit. La femme avait une personnalité respectée et une empreinte non négligeable ! Dans ce sens, les savants du hadîth relatent que quand le verset 26:214 "Et avertis tes proches parents" fut révélé au Prophète, il grimpa le Mont Safâ et interpela les siens : "Ô enfants de ʿAbd Al-Muttalib [2], rachetez-vous auprès de Dieu ! Ô Safiyyah, tante du Messager de Dieu, ô Fâtimah, fille du messager de Dieu, rachetez-vous auprès de Dieu car je ne peux vous prémunir de Lui. Demandez-moi de l’argent autant que vous voulez (mais gérez vous-même votre relation avec Dieu)".
Interpeler une femme publiquement et à voix haute offusquerait plus d’un de nos jours. On estime même que le prénom de la femme tout comme sa personne sont une ʿawrah qu’il convient de cacher ! Et on dit : "qu’est-ce que la femme a à voir dans ces affaires ? Il suffit qu’un homme de sa famille vienne et la tienne informée." Mais l’interpeler de la sorte publiquement, c’est malséant !
Mais, en fait, lors de l’avènement de l’islam, la femme connaissait sa propre valeur et quand elle entendit un guide appeler vers la foi, elle s’empressa de répondre à l’appel. Les historiens rapportent que la soeur de ʿOmar Ibn Al-Khattâb embrassa l’islam avant lui. Quand il apprit la nouvelle, il ensanglanta son visage et l’agressa cruellement. Mais elle lui répondit : "ʿOmar, la vérité n’est pas dans ta religion. Pour ma part, j’atteste qu’il n’y a de divinité que Dieu et que Mohammad est le Messager de Dieu !" Par la suite, ʿOmar embrassa l’islam à son tour !!
Puis, des hommes et des femmes embrassèrent la religion de Dieu et prêtèrent serment d’être solidaires de la vérité, de la mettre en pratique et de la défendre. Les rangs se formèrent dans la mosquée du prophète, laquelle accueillait aussi bien les hommes que les femmes. L’Imâm Muslim relate que Umm Hishâm Bint Hârithah Ibn An-Nuʿmân dit : "Je n’appris sourate "Qâf wal Qur’ân il-majîd" (sourate 50) que de la bouche même du Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - car il la récitait tous les vendredis sur le minbar [3]".
En d’autres termes, elle apprit cette sourate en entier par coeur tant elle était concentrée pendant le sermon du vendredi ! D’ailleurs, la sunnah du Messager de Dieu (c’est-à-dire sa tradition ou son habitude) consistait à réciter le Saint Coran pendant ses sermons. Mais cette sunnah est délaissée de nos jours comme l’est la sunnah que constitue la présence de la femme aux prières du vendredi et aux prières en congrégation de façon générale... Ceci ne susciterait-il donc aucune interrogation ni aucun étonnement ?
Pour l’anecdote, on relate qu’une femme généreuse et aisée offrait un repas après les prières du vendredi où tout le monde était le bienvenu : Al-Bukhârî relate selon Sahl Ibn Saʿd que : "Une femme parmi les Compagnons possédait une ferme où l’on cultivait des épinards. Chaque vendredi elle arrachait des pieds d’épinard et les mettaient dans un chaudron, puis y rajoutait une poignée de son moulu et en faisait une soupe. A la fin de la prière du vendredi, nous allions vers elle et la saluions puis elle nous donnait à manger. Cétait tellement délicieux que nous attendions les vendredis avec impatience pour manger de sa bonne soupe, sachant qu’elle n’y rajoutait ni viande ni graisse..."
Il s’agit là d’une femme croyante agréable à vivre et qui oeuvre avec ce que Dieu lui a octroyé comme bien pour donner un peu de bonheur aux gens ! Si elle se comportait de la sorte de nos jours, les gens coincés le lui reprocheraient ! Et ceux qui ont la fatwa facile diraient : Comment fait-on pour la saluer ? Et comment fait-elle pour répondre ? Et comment reçoit-elle des invités ? etc. Les coutumes des musulmans dans le traitement des femmes ne sont fondées ni sur le Livre ni sur la Sunnah... Il en résulte que les intellectuelles de nos temps se soulèvent contre l’héritage islamique en bloc croyant qu’il est responsable de l’ignorance infligée aux femmes ou de la déconsidération de son estime ou encore de la négation de ses droits matériels et moraux, droits reconnus par la fitrah [4], confirmés par la révélation et concrétisés par l’apogée de notre civilisation mais qui ont disparu avec la propagation des palais et le libertinage.
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[1] La sîrah désigne l’histoire du Prophète - paix et bénédictions de Dieu sur lui - connue au travers des hadîths mais aussi grâce à d’autres ouvrages à caractère historique et décrivant les événements qui se sont déroulés pendant la vie du prophète voire peu de temps avant sa naissance.
[2] ʿAbd Al-Muttalib est le grand père paternel du Prophète.
[3] Le minbar désigne le perchoir sur lequel se tient l’imâm pour faire le sermon du vendredi.
[4] La fitrah désigne la mentalité et les valeurs saines que l’on attribue à l’homme avant qu’il ne soit éventuellement corrompu par le milieu où il vit.
[5] Cet article est traduit par nos soins du livre de Cheikh Muhammad Al-Ghazâlî intitulé Les Problèmes de la Femme Entre des Traditions Stagnantes et des Traditions Etrangères. Ce livre est une compilation d’articles de journaux destinés à une audience très large, il ne s’agit pas d’un traité de jurisprudence à proprement parler.
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