mardi 2 mars 2004
Cher savant,
Que la paix soit sur vous.
Le hijâb (en tant que code vestimentaire) pour les femmes dans l’Islam, concerne-t-il seulement les femmes ? Les hommes n’ont-ils rien à supporter à cet égard ? Deuxièmement, j’entends beaucoup de propos causant des confusions en ce qui concerne le hijâb. Tandis que certains disent que la femme ne doit pas se couvrir les cheveux, d’autres croient qu’il faut aussi qu’elle se couvre le visage et les mains, en plus du reste du corps. Si une femme refuse de couvrir sa tête, peut-on la qualifier de non-musulmane simplement parce qu’elle se découvre la tête ?
[1]
Le hijâb correspond au code vestimentaire islamique qui vise principalement à préserver la modestie, la dignité et l’honneur des hommes et des femmes.
Dieu, le Créateur des hommes, connaît notre nature mieux que nous. Aussi a-t-Il prescrit des règles appropriées à notre comportement et à notre apparence, règles qui doivent être suivies quand les hommes et les femmes interagissent les uns les autres dans un milieu social. Parmi ces règles, il y a une prescription de s’habiller modestement, qui - dois-je m’empresser d’ajouter - s’applique aussi bien aux hommes qu’aux femmes.
Par conséquent, le hijâb fait partie d’un programme sacré d’éthique et de morale islamiques qui régissent l’interaction entre les hommes et les femmes. En prescrivant la règle du hijâb, Dieu dit : « Dis aux croyants de rabattre de leurs regards et de garder leur chasteté. » [2] « Et dis aux croyantes de rabattre de leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît. » [3]
Commentant l’expression « ce qui en paraît », Ibn ʿAbbâs, le fameux Compagnon et exégète du Coran, dit : “Cela désigne le visage et les mains.” En d’autres termes, selon Ibn ʿAbbâs, une femme doit couvrir tout son corps sauf son visage et ses mains, lorsqu’elle est en présence d’hommes qui n’ont pas un rapport de parenté direct avec elle - la liste de ceux-ci étant clairement exposée dans le verset 31 de la sourate 24, An-Nûr, la Lumière.
La majorité des Imâms - y compris ceux des quatre Ecoles juridiques et d’autres - partagent l’interprétation d’Ibn ʿAbbâs. Ils croient donc qu’une femme n’est pas obligée de se couvrir le visage et les mains.
Cependant, un groupe de savants, appartenant en majorité à l’École de jurisprudence hambalite enseigne qu’une femme doit se couvrir le visage et les mains également. Pour soutenir leur position, ils citent un hadith attribué au Prophète - paix et bénédictions sur lui - stipulant : “Tout le corps de la femme est une intimité (ʿawrah).”, et, par conséquent, elle doit se couvrir complètement. Ils raisonnent aussi en disant que les parties du corps de la femme les plus attrayantes pour les hommes sont son visage et ses mains.
La position susmentionnée de la majorité des Imâms sur cette question semble être plus conforme à l’interprétation générale et aux preuves fournies par le Coran et la Sunnah que la position de ceux qui recommandent à la femme de se couvrir le visage et les mains. Plusieurs arguments nous amènent à cette conclusion.
Premièrement, le verset du Coran cité plus haut semble supposer que les femmes à qui il s’adresse ne sont pas entièrement couvertes (c’est-à-dire en incluant le visage et les mains). Sinon, il n’y aurait aucun sens de commander aux deux sexes de rabattre de leurs regards.
Deuxièmement, il y a un consensus entre les savants sur le fait que la femme n’est pas tenue de couvrir son visage et ses mains en accomplissant la prière ; si ceux-ci étaient considérés comme une intimité, il serait certainement nécessaire de les couvrir [4].
Troisièmement, la femme est tenue de découvrir son visage lorsqu’elle est en état de sacralisation rituelle pendant le grand ou petit pèlerinage, ce qui confirme ce que nous avons dit plus haut.
En outre, il y a une surabondance de preuves tirées des sources premières - le Coran et la Sunnah - démontrant que le hijâb n’a pas été prescrit par l’Islam pour isoler les femmes, ni pour les écarter de toute implication sociale, ni de les empêcher d’être partie prenante dans les affaires de la communauté musulmane. La participation des femmes musulmanes - à tous les niveaux de la vie islamique - est au contraire amplement documentée dans les sources de la Législation islamique, au delà de tout doute possible. Une telle participation active, comme la décrivent les sources, n’est concevable que si nous admettons que les femmes n’étaient pas entièrement couvertes de la tête aux orteils.
A la lumière des arguments que nous avons avancés, nous concluons qu’une femme musulmane est censée couvrir tout son corps sauf son visage et ses mains : c’est l’opinion de la majorité des savants, toutes écoles confondues. En tout cas, le fait de couvrir la tête n’a jamais fait l’objet d’un désaccord entre eux ; tous affirment qu’il s’agit d’une partie intégrante du hijâb.
Il est indispensable de souligner un point très important que vous avez soulevé dans votre question et qu’on aborde rarement dans les discussions sur le hijâb. La charge de préserver l’honneur et la chasteté de la société musulmane est malheureusement souvent renvoyée uniquement sur le dos des femmes. Bien que récemment on ait davantage insisté sur l’éthique vestimentaire des hommes musulmans, nous nous devons de rappeler aux hommes musulmans qu’ils doivent rabattre de leurs regards et observer les règles de bienséance islamique dans leurs relations avec toutes les femmes, et non pas seulement avec les femmes musulmanes. Il n’est pas rare de voir un couple musulman qui se promène, la femme portant un hijâb complet, alors que son mari lorgne les autres femmes ; ni de voir un père apprendre à sa fille à se couvrir convenablement en sortant, puis lorsqu’il tourne le dos, c’est pour regarder à la télévision des spectacles présentant des femmes portant des tenues indécentes. Il y a une sagesse dans l’injonction coranique demandant aux femmes de se couvrir et celle-ci va de pair avec le commandement prescrivant aux hommes de rabattre de leurs regards. Dieu est Juste et la justice ne serait pas bien servie si les femmes devaient être les seules gardiennes de l’honneur.
Le hijâb peut devenir un instrument d’oppression si les hommes musulmans n’assument pas leur part dans cet équilibre. On entend souvent qu’il est difficile pour les hommes musulmans de détourner leur regard en traitant avec les femmes de manière professionnelle dans une société où un tel comportement serait considéré comme antisocial. A ceci nous pouvons répondre qu’il est également difficile, voire plus difficile, pour une femme musulmane de maintenir le port du hijâb dans une telle société. Ces commandements peuvent s’apparenter à une lutte et les hommes et les femmes musulmans doivent considérer leurs devoirs respectifs aussi bien comme une responsabilité sociale que comme des actes de culte. Dieu dit, en effet, dans la dernière partie du verset sur le hijâb, “Et repentez-vous tous devant Dieu, ô croyants, afin que vous récoltiez le succès.” [5]
Pour ce qui est de la dernière partie de la question, à savoir si nous sommes autorisés à excommunier une personne à cause de son refus de se conformer aux règles du hijâb. La réponse est que nous n’avons certainement pas le droit d’agir de la sorte. Si une femme refuse de porter le hijâb, après avoir su qu’il s’agit d’une prescription divine, elle est certainement pécheresse, et commet une grave transgression au regard de Dieu, et pourtant une telle transgression ne justifie pas que n’importe qui mette en doute sa foi fondamentale. Nous devons savoir que dans l’Islam aucune personne ne possède l’autorité d’excommunier les gens sur la base de leurs péchés ou de leurs transgressions.
Traduit de l’anglais de la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.
On pourra également consulter l’article suivant : "L’excès dans la dissimulation des femmes".
[1] Le Sheikh Ahmad Kutty est un savant musulman de l’Institut Islamique de Toronto, Canada.
[2] Sourate 24, An-Nûr, la Lumière, verset 30.
[3] Sourate 24, An-Nûr, la lumière, verset 31.
[4] Lire également notre article intitulé "Le visage n’est pas une ʿawrah", de Sheikh Muhammad Al-Ghazâlî.
[5] Sourate 24, An-Nûr, la Lumière, verset 31.
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