lundi 15 avril 2002
La sourate tient son nom Al-Anfâl (le butin) du premier verset.
Elle a été révélée en l’an 2 après l’Hégire, après la bataille de Badr, première bataille opposant l’islam à la mécréance. Dans la mesure où la sourate passe en revue de manière détaillée et complète la Bataille, elle a été, très probablement, révélée d’une seule traite au même moment. Mais il est aussi possible que quelques versets concernant les problèmes résultant de la Bataille aient pu être révélés plus tard et incorporés à leurs places appropriées pour former un tout. Quoiqu’il en soit, rien dans la sourate entière ne semble indiquer que différents discours raccommodés sont assemblés ensemble.
Avant d’examiner cette sourate, il est utile de considérer les événements qui débouchèrent à la Bataille de Badr. Pendant environ la première décennie de la prophétie à la Mecque, le Message avait montré sa force et sa stabilité, grâce à deux choses.
D’abord, le Messager — paix et bénédictions sur lui —, qui possédait les plus hautes qualités morales, accomplissait sa Mission avec sagesse, largesse d’esprit et magnanimité. Sa conduite montrait qu’il était décidé à mener son mouvement à la réussite et, donc, qu’il était prêt à faire face à toutes sortes de dangers et d’obstacles sur son chemin.
Ensuite, le Message était si séduisant qu’il attira les esprits et les cœurs des gens irrésistiblement vers lui. A tel point que tous les obstacles que représentaient l’ignorance, la superstition et les petits préjudices ne parvinrent pas à freiner son avance. C’est pourquoi les défenseurs arabes de « l’ignorance », qui méprisaient ce message au début, avaient commencé à le considérer comme une menace sérieuse pendant la dernière partie du séjour du Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — à la Mecque et ils étaient déterminés à l’écraser de toutes leurs forces. Mais en dépit de la force citée précédemment, il manquait assurément encore un certain nombre de choses au mouvement pour arriver à la victoire.
Premièrement, preuve n’était pas faite que le mouvement rassemblait autour de lui un nombre suffisant de partisans qui, non seulement croyaient en sa vérité, mais encore avaient une dévotion telle pour ses principes qu’ils étaient prêts à employer toute leur énergie et tout ce qu’ils possédaient dans la lutte pour son succès et son établissement. A tel point qu’ils auraient été prêts à sacrifier leur vie dans le combat contre le monde entier, et même contre leurs propres proches. Il est vrai que les partisans de l’Islam avaient enduré de sévères persécutions entre les mains des Qurayshites de la Mecque et ils avaient dû prouver la fermeté de leur foi et ainsi que leur fort attachement à l’Islam ; pourtant encore plus d’épreuves étaient nécessaires à la réussite de l’Islam et au ralliement de partisans qui n’auraient chéris autre que leur idéal et qui auraient été prêts à sacrifier leur vie pour cet idéal.
Deuxièmement, bien que la voix de l’Islam eut atteint l’ensemble du pays, ses effets et sa force étaient encore dispersés ici et là. La puissance acquise n’était alors pas suffisante à l’engagement dans un conflit décisif contre le vieil ordre établi de « l’ignorance ».
Troisièmement, l’Islam ne s’était encore établi fermement nulle part. Il ne disposait pas de fief, à partir duquel il aurait pu consolider son pouvoir et lancer ses prochaines actions. En effet, dispersés dans tout le pays, les Musulmans vivaient au milieu des mécréants comme des étrangers que leurs ennemis assoiffés de sang auraient voulu déraciner de leurs foyers.
Quatrièmement, les Musulmans n’avaient pas encore eu l’occasion de démontrer concrètement les bienfaits du mode de vie basé sur l’Islam. Il n’y avait de culture ni islamique, ni sociale, ni de système économique ou politique, ni non plus de principes établis de paix et de guerre pour les guider. Les Musulmans n’avaient donc pas eu l’occasion de montrer leurs principes moraux, sur lesquels ils comptaient construire entièrement leur système de vie. Les faits n’avaient pas permis de prouver que la communauté musulmane était sincère dans son Message. Allâh leur permit de combler ces manques.
Pendant les quatre dernières années où le Prophète demeura à la Mecque, la voix de l’Islam s’était avérée efficace à Yathrib et pour plusieurs raisons, ses gens avaient accepté le Message plus volontiers que les autres clans d’Arabie. Pendant la douzième année de la prophétie, à l’occasion du Hajj, une délégation de 75 personnes rencontra le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — dans l’obscurité de la nuit. Non seulement ces gens acceptèrent l’Islam, mais encore se proposèrent -ils de donner au Messager, ainsi qu’à ses Compagnons, une maison. Puisque cela semblait être un bienfait d’Allâh, le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — accepta volontiers. Le sens de cette offre était assez clair pour les gens de Yathrib, et ils savaient bien que ce n’était pas là une banale invitation à un simple fugitif mais une invitation au Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — à devenir leur chef et leur législateur. De façon analogue, ils savaient qu’ils n’invitaient pas les réfugiés musulmans pour leur donner un abri contre les persécutions mais pour les réunir depuis tout le pays, pour qu’ils s’intègrent à eux et qu’ils forment une communauté organisée. L’offre donc des gens de Yathrib consistait à faire de Yathrib « la cité de l’islam. ».
En conséquence, le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — accepta leur invitation et fit de Yathrib la première « cité de l’islam » en Arabie. Les gens de Yathrib étaient pleinement conscients des implications de ce nouveau statut. C’était bien là une déclaration de guerre à l’Arabie entière, et une invitation à leur propre boycott économique et social. Quand les Ansâr de Yathrib déclarèrent leur allégeance au Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui —, c’était en toute connaissance de causes. Pendant la déclaration formelle d’allégeance, Asad-Ibn-Zurarah, le plus jeune de tous les délégués de Yathrib, se leva et dit : « Ô gens de Yathrib ! Écoutez-moi et considérez le sujet avec attention sous tous ses aspects. Bien que nous soyons allés vers lui, l’estimant seulement comme un Messager d’Allâh, nous devons être conscient que nous allons attirer l’hostilité de toute l’Arabie. Car en l’emmenant avec nous à Yathrib, nous serons attaqués et nos enfants pourront être passés à l’épée. Par conséquent, c’est seulement si vous avez le courage dans vos cœurs de faire face à cela, que nous lui déclarerons notre allégeance et Allâh vous en récompensera. Mais si vous aimez vos vies plus que lui et son Message, alors mettez cette question de côté et demandez pardon sincèrement, alors Allâh acceptera peut-être vos excuses. »
Abbas Ibn Ubadah Ibn Naalah, un autre membre de la délégation, répéta la même chose, en disant : « Comprenez-vous l’implication de la déclaration d’allégeance à cette personne ? » (Des voix répondirent : « Oui, nous le savons. ») « Vous défiez le monde entier à la guerre par votre déclaration d’allégeance au Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Il est très vraisemblable qu’une menace sérieuse pèse sur vos vies et vos biens. Aussi, réfléchissez bien. Si vous pensez secrètement le livrer à ses ennemis, alors il vaut bien mieux le laisser seul maintenant, parce que cet acte apportera honte et disgrâce sur vous dans ce monde et dans le prochain. Par ailleurs, si vous êtes sincèrement résolus à endurer toutes les conséquences de cette invitation, alors ce sera la meilleure chose de lui jurer fidélité parce que, par Allâh, cela vous apportera certainement du bien, autant dans ce monde que dans le prochain. » A cela, tous les membres de la délégation répondirent d’une voix : « Nous sommes prêts à risquer toutes nos richesses et nos nobles familles et amis dans ce sens. » Ce fut alors que le fameux serment d’allégeance, connu comme le « Second Serment d’Allégeance d’Aqabah » fut formulé.
Les gens de la Mecque saisirent alors pleinement les implications de cette affaire de leur point de vue. Ils réalisèrent que Muhammad — paix et bénédictions sur lui —, qui, ils le savaient bien, avait une formidable personnalité et possédait d’extraordinaires compétences, allait obtenir un important statut avec cette allégeance. Cela allait l’aider à intégrer ses partisans, dont la constance, la détermination et la fidélité infaillible au Messager — paix et bénédictions sur lui — avaient été mises à l’essai, et à les organiser en une communauté disciplinée sous sa direction et sous ses sages conseils. Ils savaient que cela signifiait la fin de leurs anciens modes de vie. Ils réalisèrent aussi l’importance stratégique de Médine pour leur commerce, qui était leur principal moyen de subsistance. Sa position géographique était telle que les Musulmans pouvaient s’attaquer avec succès aux caravanes transitant sur les routes de négoce entre le Yémen et la Syrie, et donc frapper efficacement en plein cœur de leur économie et de celle d’autres tribus païennes.
La valeur du commerce effectué par les gens de la Mecque sur cette seule route, sans compter celle de Raif et des autres villes, s’élevait à 200 000 dinars par an . Comme les Qurayshites étaient parfaitement conscients de ce qu’impliquait le serment d’allégeance à Al-ʿAqabah, ils furent grandement perturbés quand ils eurent vent de la nouvelle la même nuit.
D’abord, ils essayèrent de rallier des gens de Médine à leur bord. Mais quand ils virent que les musulmans émigraient à Médine par petits groupes, ils comprirent que le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — n’allait pas non plus tarder à y émigrer. Ensuite, ils décidèrent d’adopter une mesure extrême pour l’en empêcher. Quelques jours avant la migration, les Qurayshites tinrent un conseil pour étudier le problème. Après de longues discussions, ils décidèrent de charger un membre de chacune des familles Qurayshites, à l’exception des Banû Hâshim, de mettre un terme à la vie du Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Ce complot a été élaboré pour rendre la lutte de la famille du Saint Prophète difficile, seule face aux autres familles Qurayshites et étouffer leur désir de vengeance avec de l’argent sale. Mais par la grâce d’Allâh, leurs attentats contre la vie du Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — échouèrent grâce à son admirable prévoyance et son entière confiance en Allâh. Il atteignit Médine sain et sauf.
Comme les Qurayshites ne parvinrent pas à empêcher cette émigration, ils choisirent d’exploiter ʿAbd Allâh Ibn Ubayy qui vouait une haine profonde au Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — depuis son arrivée à Médine. Il était un chef très influent à Médine, et les habitants étaient convenus de le couronner roi. Mais avec la conversion des Aws et des Khazraj, le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — devenait leur dirigeant, leur guide et leur législateur. Tous les espoirs de royauté de ʿAbd Allâh Ibn Ubayy s’effondrèrent. Les Qurayshites lui écrivirent alors : « Puisque tu as offert un abri à notre ennemi, nous te disons clairement que tu devras soit lutter contre lui toi-même soit le chasser de ta cité, sinon nous jurons par Dieu que nous envahirons ta cité, nous tuerons tes hommes et asservirons tes femmes. » Cette lettre vint nourrir le feu de sa jalousie et il était prêt à accomplir un méfait, mais le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — prit des précautions opportunes et mit en déroute ses mauvais desseins.
Les Qurayshites eurent recours à un autre moyen de pression et de menace. Quand Saʿd Ibn Muʿâdh, un autre chef de Médine, alla à la Mecque pour accomplir la ʿOmrah, Abû Jahl lui barra le chemin à l’entrée même de la Kaʿbah, en lui disant : « Penses-tu que nous allons te laisser accomplir Omrah en paix alors que tu abrites et aides des renégats de chez nous ? Si tu n’avais pas été l’invité de Ommayyah Ibn Khalf, tu ne serais pas reparti vivant d’ici. » Saʿd répondit : « Par Allâh, si tu m’empêches d’accomplir la ʿOmrah, je me vengerai d’une pire manière et je bloquerai ta route près de Médine. » Suite à cet incident, les gens de la Mecque déclarèrent qu’ils empêcheraient les Musulmans d’effectuer le pèlerinage à la Ka’bah, et les gens de la Médine de répliquer en bloquant la route commerciale des opposants de l’Islam vers la Syrie. Les Musulmans n’avaient d’autres choix que de tenir fermement cette route de façon à forcer les Qurayshites, et les autres clans, dont les intérêts étaient étroitement liés à cette route, à reconsidérer leur attitude hostile et antagoniste à leur égard. C’est pourquoi, le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — attachait une grande importance à ce problème. Une fois les premiers arrangements pour l’organisation de la toute nouvelle communauté musulmane et les termes de paix avec les voisins juifs arrêtés, il adopta deux mesures en relation avec les événements.
Premièrement, il entama des négociations avec les clans qui vivaient entre la Mer Rouge et cette fameuse route commerciale afin de créer des alliances avec eux ou tout du moins les persuader de signer des traités de neutralité avec les Musulmans. Il y réussit. Il s’engagea dans un traité de non-alignement avec Jouhainah, qui était un clan très important des étendues vallonnées de la côte. Ensuite, à la fin de la première année de l’Hégire, il conclut un traité d’alliance défensive avec les Banû Damrah, qui vivaient près de Yanb’ou et Zawal Oushairah. En l’an 2 de l’Hégire, se joignirent à l’alliance les Banû Mudlij, voisins et alliés des Bani Damrah. Un grand nombre de ces gens se convertit à l’Islam suite au travail missionnaire effectué par les Musulmans...
Deuxièmement, il envoya avec succès des petits groupes d’hommes sur cette route pour mettre en garde les Qurayshites ; il accompagna lui-même certains d’entre eux. Durant la première année de l’Hégire, quatre expéditions furent envoyées : l’expédition sous la direction de Hamzah, l’expédition sous Oubaidah Ibn Harith, l’expédition sous Saʿd Ibn Abi Waqqâs et l’expédition Al-Abwa’ sous le commandement du Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui-même. Pendant le premier mois de la seconde année, sur cette même route, deux incursions supplémentaires furent lancées, connues sous l’expédition Bouwat et l’expédition Zawal Oushairah. Deux choses sont à noter à propos de toutes ces expéditions.
D’abord, elles ne donnèrent lieu à aucune effusion de sang ni à aucun pillage. Cela prouve que l’objet réel de ces expéditions était de montrer aux Quraysh au profit de qui le vent soufflait. Deuxièmement, le Saint Prophète n’envoya aucun homme de Médine dans aucune de ces incursions. Tous les groupes étaient uniquement composés d’immigrants de la Mecque de manière à limiter le conflit aux gens de Quraysh et à ne pas impliquer d’autres clans. Par opposition, les Qurayshites de la Mecque cherchaient à tout prix à impliquer d’autres tribus dans le conflit. Quand ils envoyèrent des groupes vers Médine, ils n’avaient aucun remords à piller. Par exemple, une expédition sous le commandement de Kurz Ibn Jabir al-Fihrl pilla le bétail des gens de Médine à proximité de la ville pour montrer quelles étaient leurs intentions réelles.
Tel était l’état des affaires quand au mois de Shaʿbân de l’an 2 après l’hégire (février ou mars de l’an 623 après Jésus) une grande caravane des Qurayshites de retour de Syrie, transportant des biens d’une valeur de 50 000 dinars et avec seulement une escorte de 30 à 40 hommes atteignit le territoire d’où les Médinois pouvaient facilement l’attaquer. Abû Sufyân, par expérience, était conscient de la richesse des biens commerciaux transportées et de l’insuffisance de la garde. Il craignit par conséquent une attaque des Musulmans. Dés qu’il pénétra dans le territoire à risque, il détacha un homme à dos de chameau vers la Mecque pour demander du secours.
Quand l’homme atteignit la Mecque, il déchira les oreilles du chameau, selon une vieille coutume d’Arabie, lui ouvrit le nez et il renversa sa selle. Il déchira sa chemise de face et de dos, il commença à hurler de sa voix la plus forte : « Ô gens des Quraysh, détachez de l’aide pour protéger votre caravane de Syrie sous la responsabilité de Abû Sufyân, car Muhammad et ses partisans la poursuivent ; sinon je ne pense pas que vous reverrez vos biens. Courrez, courrez à son secours. » Ce discours causa une grande agitation et une grande colère dans toute la Mecque et tous les grands chefs de Quraysh se préparèrent à la guerre. Une armée dénombrant 600 soldats armés et une cavalerie de 100 personnes marchèrent vers le combat en grande pompe. Ils avaient l’intention non seulement de secourir la caravane mais aussi de mettre un terme définitif à la menace des Musulmans qui s’étaient consolidés à Médine. Ils voulaient écraser ce pouvoir croissant et intimider les clans entourant la route afin de la rendre absolument sûre pour l’avenir.
Le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui —, qui se tenait toujours bien informé de l’état des affaires, sentit que l’heure était venue pour lui de faire un pas décisif ; sinon le mouvement islamique serait définitivement enrayé et il n’aurait aucune chance de se relever encore. Car si les Qurayshites envahissaient Médine, les chances auraient été contre les Musulmans. La condition de la communauté musulmane était encore chancelante parce que les immigrants mouhajirin n’avaient pas été capables de stabiliser leur économie durant la courte période (moins de deux ans) de leur séjour à Médine ; les Ansâr, qui les avaient soutenu, n’avaient pas encore été testés, et les clans voisins juifs étaient agnostiques. A Médine même, il y avait un fort groupe d’hypocrites et de moushriks ; par dessus tout, les clans environnants vivaient dans la crainte des Qurayshites et avaient les mêmes sympathies religieuses qu’eux. Le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui —, par conséquent, sentit que les conséquences de cette invasion probable ne seraient pas favorables aux Musulmans.
La deuxième possibilité consistait à ne pas envahir Médine mais à simplement escorter leur caravane et à effectuer une simple démonstration de force. Dans ce cas aussi, si les Musulmans restaient inactifs cela aurait affecté leur réputation. Bien évidemment, cette décision de faibles aurait également encouragé les autres arabes qui étaient restés inactifs et aurait insécurisé la position des Musulmans dans le pays. Les clans voisins auraient lancé des hostilités à l’exemple des Qurayshites. Les Juifs, les hypocrites et les moushriks de Médine se seraient clairement insurgés contre eux et auraient menacé la sécurité de vie, de propriété et d’honneur des Musulmans et auraient finalement rendu leur vie difficile à Médine. Les Musulmans n’auraient plus été capables d’inspirer de crainte à l’ennemi afin de sauvegarder leurs vies, propriétés et honneurs.
Une étude attentive de la situation conduisit le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — à se décider pour une mesure décisive : se battre avec le peu de force qu’il pouvait rassembler, car c’était la seule manière de trancher définitivement : soit la communauté musulmane avait le droit de survivre soit elle était destinée à périr.
Quand il conclut à cette décision, il appela les Mouhajirin et les Ansâr ensemble et leur exposa l’entière situation, sans aucune réserve. Il dit : « Allâh a promis que vous vous confronterez à l’une des deux, la caravane commerciale venant du nord ou l’armée des Qurayshites marchant vers le sud. Maintenant dites-moi laquelle des deux vous voulez attaquer ! » Une grande majorité des gens répondirent qu’ils souhaitaient attaquer la caravane. Mais le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — qui avait autre chose en tête, répéta la même question. A cela Miqdâd Ibn ʿAmr, un Mouhajir, se leva et dit : « Ô Messager d’Allâh ! S’il te plait marche sur la voie qu’Allâh t’ordonne ; nous t’accompagnerons où tu iras. Nous ne dirons pas comme les israélites : « Va-t-en, que toi et ton Seigneur luttiez, nous attendrons. » Contrairement à eux, nous disons : « Que toi et ton seigneur luttiez ; nous lutterons à vos côtés jusqu’à notre dernier souffle. » » Même à ce moment là il n’annonça pas de décision, mais il attendit une réponse des Ansâr qui n’avaient encore pris part à aucune des batailles de l’Islam. Comme c’était la première occasion pour eux de prouver qu’ils étaient prêts à tenir leur promesse de lutter pour la cause de l’Islam, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — réitéra la question sans directement s’adresser à eux. A cela, Saʿd Ibn Muʿâdh, un Ansârite, se leva et dit : « Il semble que tu nous poses la question. » Quand le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — répondit par l’affirmative, l’Ansârite répliqua : « Nous avons cru en toi et nous avons confirmé que tu nous as
apporté la vérité, et avons fait la promesse solennelle que nous t’écouterons et t’obéirons. Par conséquent, Ô Messager d’Allâh, fais ce que tu as l’intention de faire. Nous jurons par Allâh qui t’a envoyé avec la vérité que nous sommes prêts à t’accompagner vers la côte et si tu te jettes à l’eau, nous nous jetterons avec toi. Nous t’assurons que pas un seul d’entre nous restera en arrière ni t’abandonnera, car nous n’hésiterons pas un instant à lutter, même si tu devais nous conduire au champ de bataille demain. Nous resterons fermes dans la bataille et nous sacrifierons nos vies dans la lutte. Nous espérons que par la grâce d’Allâh notre comportement réjouira ton cœur. Alors, confiants dans la bénédiction d’Allâh, emmène-nous au champ de bataille. » Après ces discours, il fut décidé qu’ils marcheraient en direction de l’armée Quraysh et non en direction de la caravane.
Mais il faut noter que la décision n’était pas de nature ordinaire. Parce que le nombre de gens qui s’avançaient vers le champ de bataille était à peine supérieur à 300 (86 Mouhajir, 62 des Aws et 170 des Khazraj). De plus, la petite armée était mal armée et à peine équipée pour la bataille. Seuls quelques uns avaient des chevaux, les autres se relayant par trois ou quatre à dos de chameaux, sur les 70 qu’ils avaient au total. Par-dessus tout, ils n’avaient pas assez d’armes pour la bataille ; 60 d’entre eux seulement avaient des armures. Par conséquent, il n’est pas étonnant qu’à l’exception de ceux préparés à sacrifier leurs vies à la cause de l’islam, la majorité de ceux qui avaient rejoint l’expédition étaient mortifiés par la peur et ils avaient le sentiment de marcher vers la mort. En plus de cela, il y avait ceux qui regardaient les choses d’un point de vue égoïste. Bien qu’ils aient embrassé l’Islam, ils ne s’étaient pas rendu compte que leur foi exigeait le sacrifice de leurs vies et de leurs propriétés ; ils pensaient que c’était là une expédition nourrie par un enthousiasme religieux irrationnel. Mais le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — et les vrais croyants avaient réalisé l’urgence de cette heure critique qui nécessitait qu’ils risquent leur vie : alors, ils marchèrent directement vers le sud ouest, c’est-à-dire en direction de l’armée Quraysh. C’est une preuve claire que dés le début ils étaient partis pour lutter contre l’armée et non pas pour piller la caravane. Car s’ils avaient eu l’intention de piller la caravane ils auraient pris la direction du nord-ouest et non celle du sud ouest.
Les deux parties se rencontrèrent à Badr le 17 du Ramadan. Quand les deux armées se confrontèrent, le Saint Prophète — paix et bénédictions sur lui — remarqua que l’armée Quraysh était trois fois plus importante et était beaucoup mieux équipée, il leva alors les mains en supplication et fit cette prière avec une grande humilité : « Ô Allâh ! Voilà les Qurayshites fiers de leur arsenal : ils sont venus pour prouver que Ton messager est un menteur. Ô Allâh ! Envoie-nous le secours que Tu as promis de nous donner. Ô Allâh ! Si cette petite armée de Tes serviteurs est détruite, alors il ne restera personne sur cette terre pour T’adorer. » Dans ce combat, les émigrants de la Mecque furent mis à la plus rude épreuve car ils devaient lutter contre leurs plus proches et plus chers parents et lever le sabre sur leurs pères, leurs fils, leurs oncles maternels et paternels et leurs frères. Il est évident que seuls ceux qui avaient accepté la Vérité sincèrement et coupé leurs relations avec la fausseté ont réussi à traverser cette épreuve. D’une autre manière, le test auquel étaient soumis les Ansâr n’était pas moins dur. Jusque là ils n’avaient remis en question le pouvoir des Qurayshites et de leurs alliés qu’en donnant l’abri aux Musulmans, mais maintenant, pour la première fois, ils allaient se battre et semer les graines d’une longue et amère guerre avec eux. C’était en effet un test très difficile, car cela signifiait qu’une petite ville avec une population de quelques milliers de personnes allait mener une guerre contre l’Arabie entière. Évidemment seuls ceux qui croyaient fermement en la vérité de l’Islam au point d’être prêts à sacrifier tout intérêt personnel en son nom étaient capables de faire ce pas. Alors Allâh accepta ces sacrifices des Mouhajirin et des Ansâr en raison de leur foi véritable, et Il les récompensa de Son secours. Les fiers et bien équipés Quraysh furent mis en déroute par ces hommes mal équipés dévoués à l’Islam. 70 hommes de leur armée furent tués et 70 furent faits prisonniers et leurs équipements et leurs armes passèrent aux mains des Musulmans comme butins de guerre. Tous leurs grands chefs, qui étaient leurs meilleurs soldats et qui avaient dirigé l’opposition contre l’Islam furent tués dans la Bataille. Il n’est pas étonnant que cette victoire décisive ait fait de l’Islam un pouvoir avec lequel il fallait compter.
Un chercheur érudit occidental dit qu’avant la bataille de Badr, l’Islam était simplement une religion et un état mais qu’après la Bataille il devint la religion officielle, voire l’État lui-même.
C’est cette formidable Bataille qui est passée en revue dans cette sourate. Mais qu’il soit noté qu’à certains égards cet examen est assez différent des examens habituellement faits par les chefs de ce monde après une belle victoire. Au lieu de se réjouir de la victoire, la sourate met l’accent sur les faiblesses morales que cette expédition avait fait ressortir afin que les Musulmans essaient de se réformer au mieux.
La sourate souligne que la victoire était davantage due au Secours de Dieu plutôt qu’à la bravoure des Musulmans, afin que ceux-ci apprennent à Lui faire confiance et à Lui obéir, ainsi qu’à Son Messager, de manière exclusive. Elle énonce la leçon morale du conflit entre la Vérité et le Mensonge et explique les qualités qui conduisent au succès dans un conflit. Ensuite, la sourate s’adresse aux polythéistes, aux hypocrites, aux juifs et aux prisonniers de cette guerre d’une manière impressionnante pour qu’ils retiennent la leçon. Elle donne aussi des instructions en ce qui concerne les butins de guerre. Elle demande aux Musulmans de ne pas les considérer comme un droit qui leur reviendrait mais comme une bonté divine qui leur est accordée. Par conséquent, ils doivent accepter avec gratitude le partage qui leur est proposé et remettre de bon gré la part qui revient à la Cause de Dieu et aux nécessiteux.
Alors elle développe des instructions morales concernant les lois de paix et de guerre car elles devenaient absolument nécessaires étant donné la phase où le mouvement islamique s’engageait. Elle enjoint aux Musulmans de réfréner les habitudes du temps de « l’ignorance » qu’ils soient en paix ou en guerre et d’établir ainsi leur supériorité morale dans le monde. L’objectif était de prouver au monde la moralité que l’Islam avait injectée depuis le tout début dans la vie pratique. Elle affirme aussi certains articles de la Constitution islamique pour différencier le statut des Musulmans vivant dans les limites de Dar-ul-Islam (la terre de l’Islam) de celui des Musulmans vivants en dehors de ces limites.
Les versets 1 à 41 traitent des problèmes du butin de guerre. Le Coran dit qu’en réalité il ne s’agit pas de butin de guerre mais de dons de Dieu et en fait la démonstration dans l’exemple de la victoire de Badr (et dans toutes les autres batailles également) qui est due au Secours de Dieu et non aux efforts des musulmans. Ce passage déclare aussi, dans le verset 40, que l’objectif des musulmans dans la guerre doit être l’élimination des obstacles s’opposant à l’établissement de l’islam et non pas de gagner un butin. De plus, le butin en tant que don de Dieu appartient à Dieu et à Son Prophète, qui sont les seuls à pouvoir le répartir. Une fois que les musulmans ont été préparés à accepter ces faits, les différentes parts du butin ont été allouées.
Versets 42 à 54 : La Bataille de Badr a été ordonnée par Dieu pour que l’islam triomphe de l’ignorance. L’enseignement que l’on en tire est que les musulmans doivent placer leur confiance en Dieu, se préparer pour la guerre et ne pas se laisser séduire par Satan comme les infidèles l’ont été.
Dans les versets 55 à 59, la sacralité des pactes a été rappelée et les musulmans ont reçu l’ordre de les respecter aussi longtemps que l’autre partie ne les rompt pas.
Ensuite, les versets 60 à 66 enseignent aux musulmans de préparer la guerre sur tous les fronts tout en étant prêts à faire la paix si l’autre partie y est encline.
Dans les versets 67 à 71, des instructions ont été données concernant les prisonniers de guerre.
Puis, dans les versets 72 à 75, pour rester soudés contre leurs ennemis, les musulmans ont été invités à entretenir des relations cordiales entre eux.
Traduit de l’anglais du site de l’association des étudiants musulmans de l’USC.
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