jeudi 4 septembre 2003
Le deuxième devoir des dhimmis est de se conformer aux lois islamiques qui s’appliquent sur les musulmans car, en vertu du pacte de la dhimmah, ils portent la nationalité de l’Etat islamique. En conséquence, ils doivent se conformer à ces lois, du moment que celles-ci ne portent atteinte ni à leurs croyances ni à leur liberté de confession.
En effet, les non-musulmans n’assument aucune charge cultuelle musulmane ou ayant trait au culte ou à la religion, comme l’aumône légale (zakâh) par exemple, qui est à la fois un impôt et une oeuvre cultuelle. De même, le jihâd, l’effort de lutte contre l’ennemi, constitue aussi bien un service militaire qu’une prescription religieuse islamique. C’est pourquoi l’islam a prescrit la jizyah aux non-musulmans en lieu et place du jihâd et de la zakâh - comme nous l’avons vu précédemment - par respect de leurs sentiments religieux : il ne leur impose ainsi aucune oeuvre cultuelle islamique.
Il n’est pas demandé aux non-musulmans de renoncer à ce que leur religion a rendu licite en matière de statut personnel et social, comme dans le domaine du mariage, du divorce ou de la consommation de porc et de vin, même si l’Islam interdit certaines de ces pratiques. L’islam garantit aux non-musulmans ce qu’ils considèrent comme licite, sans le leur interdire ni les en blâmer.
Ainsi l’islam n’intervient-il ni dans les affaires du mazdéen qui épouse une femme de sa parenté proche (comme sa fille ou sa mère), ni dans celles du juif qui épouse sa nièce, non plus que dans les affaires du chrétien qui consomme le porc et boit le vin puisqu’ils croient que ces actes sont licites. Les musulmans ont en effet reçu l’ordre de préserver la liberté de confession de leurs concitoyens non-musulmans. Toutefois, si les non-musulmans acceptent le verdict de loi musulmane dans ces affaires, alors il est possible de juger entre eux selon cette loi car le Très Haut dit : "Juge alors parmi eux d’après ce qu’Allah a fait descendre et ne suis pas leurs passions." [1]
Selon certains juristes, si les non-musulmans recourent à la loi islamique, nous pouvons juger entre eux selon la sharîʿah ou bien refuser ; le Très Haut dit : "S’ils viennent à toi, sois juge entre eux ou détourne toi d’eux. Et si tu te détournes d’eux, jamais ils ne pourront te faire aucun mal. Et si tu juges, alors juge entre eux en équité. Car Allah aime ceux qui jugent équitablement." [2]
Par conséquent, les gens de la dhimmah avaient leurs propres tribunaux devant lesquels ils pouvaient porter leurs affaires. Sinon, ils pouvaient recourir à la justice musulmane. Dans son ouvrage La civilisation musulmane au 4e siècle hégirien, l’historien occidental Adam Metz dit : "Comme la législation musulmane concerne surtout les musulmans, l’Etat islamique a consacré aux gens des autres religions leurs tribunaux particuliers. Nous savons que ces tribunaux étaient ecclésiastiques et que les chefs de ces tribunaux spirituels, auteurs de nombreux livres juridiques, étaient considérés comme de hauts magistrats. Leurs jugements ne se limitent pas aux affaires du mariage, mais s’étendent aux affaires d’héritage et aux litiges qui opposent exclusivement des chrétiens et qui ne concernent pas l’Etat. Pourtant, le dhimmi pouvait avoir recours aux tribunaux musulmans, ce qui était évidemment mal perçs par les églises. Aussi, en 200 A.H. (800 E.C.), l’Evêque Timonius fut-il amené à écrire un livre sur la jurisprudence chrétienne pour que les chrétiens n’aient aucune excuse de recourir aux tribunaux "non-agréés" sous prétexte d’absence des lois chrétiennes." Il ajoute qu’en 120 A.H. (738 E.C.), Khayr Ibn Nuʿaym fut nommé Grand Cadi d’Égypte. Ce dernier jugeait entre les musulmans dans la mosquée, puis s’asseyait l’après-midi à la porte de la mosquée, sur les marches du perron, pour juger entre les chrétiens. Puis les juges consacrèrent un jour de la semaine pour juger entre les chrétiens dans les palais de justice, jusqu’à ce que le juge Muhammad Ibn Masrûq, nommé à son tour Grand Cadi en 177 A.H., permit pour la première fois aux chrétiens d’entrer dans la mosquée pour qu’il jugeât entre eux. Metz poursuit : "Selon une source sûre, en Andalousie, les chrétiens jugeaient eux-mêmes leurs litiges et n’avaient recours au juge musulman que pour les homicides."
Exception faite des affaires de statut personnel et des affaires sociales, les non-musulmans doivent, comme les musulmans, se conformer aux prescriptions de la loi musulmane en ce qui concerne le sang, les affaires financières, les moeurs, bref tout ce qui touche aux affaires civiles, pénales, etc... Ainsi, lorsque les juristes disent : "Ils jouissent des mêmes droits que nous et ont les mêmes devoirs que nous", il faut entendre que cette vérité est généralement vérifiée, sauf dans les cas particuliers des affaires de statut personnel et social évoquées plus haut. Ainsi, le dhimmi coupable de vol subit la même peine légale que subirait le musulman. Il en est de même pour le dhimmi coupable de meurtre, de brigandage, d’escroquerie, d’adultère, de diffamation ou de tout autre délit. En effet, notre religion interdit tous ces crimes et les non-musulmans s’engagent aux prescriptions de l’islam dans ce qui ne s’oppose pas à leur religion.
Selon l’Imâm Abû Hanîfah, la peine légale que subit le dhimmi ou la dhimmie coupable d’adultère est la flagellation, non pas la lapidation, car l’islam est un prérequis constitutif du ihsân [3] - circonstance aggravante de la sanction.
Il en est de même dans les transactions financières et civiles : les ventes, les locations, les associations, l’hypothèque, la préemption, le métayage, la mise en culture des terres en friche, le mandat, la garantie financière et les autres contrats et transactions où les gens font des échanges d’argent et d’intérêts qui réglementent la vie. Donc, les ventes et les contrats licites pour les musulmans le sont pour les gens de la dhimmah et les contrats interdits pour les musulmans le sont également pour les dhimmis, abstraction faite par de nombreux juristes du vin et du porc chez les chrétiens. En effet les chrétiens croient que leur religion les autorise à manipuler ces marchandises. On leur demande néanmoins de ne pas en faire étalage en public. En revanche, étant donné que l’usure est interdite chez les chrétiens, on ne les autorise pas à la pratiquer.
Traduit de l’arabe du site qaradawi.net.
[1] Sourate 5, Al-Mâ’idah, la Table servie, verset 49.
[2] Sourate 5, Al Mâ’idah, la Table servie, verset 42.
[3] Le ihsân définit la personne musulmane, chaste, libre et ayant déjà contracté mariage.
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