vendredi 1er février 2002
Celui qui interprète le livre de Dieu — Exalté soit-Il — se doit de chercher son sens dans le Coran lui-même. S’il ne l’y trouve pas, qu’il le recherche dans la Sunnah authentique et avérée. S’il ne l’y trouve pas, qu’il le recherche dans les propos des Compagnons en évitant les narrations faibles ou controuvées ainsi que les israélismes (isrâ’îliyyât). S’il ne trouve pas ce qu’il cherche dans les propos des Compagnons, qu’il cherche dans les propos des Successeurs. L’accord de ces derniers sur une chose indique — avec une forte probabilité — qu’ils le reçurent de la part des Compagnons. En cas de divergence, qu’il choisisse la meilleure opinion et qu’il donne l’avantage à l’opinion la mieux appuyée par des preuves. S’il ne trouve rien dans leurs propos pouvant servir d’interprétation pour un verset, car ces propos sont jugés faibles, controuvés ou faisant partie des israélismes rapportés par les gens du Livre qui embrassèrent l’islam, alors qu’il emploie sa raison au mieux et qu’il n’épargne aucun effort à condition qu’il possède tous les instruments de l’ijtihâd (effort intellectuel de déduction à partir des textes). Ce faisant, il doit respecter les règles suivantes :
En réalité, tout dépend si le lien entre versets est relatif à la circonstance de la révélation, comme dans le verset : "Certes, Allâh vous commande de rendre les dépôts à leurs ayants-droit, et quand vous jugez entre des gens, de juger avec équité. Quelle bonne exhortation qu’ Allâh vous fait ! Allâh est, en vérité, Celui qui entend et qui voit tout.", auquel cas il faut donner le pas à la circonstance de la révélation par rapport aux correspondances entre versets, car cela procède de la précédence des moyens par rapport aux finalités. Dans le cas contraire, il est plus approprié de citer les renvois entre versets avant la circonstance de la révélation pour mettre en valeur l’harmonie du texte du Coran, la beauté de son agencement et l’enchaînement entre ses versets.
Nous avons dit précédemment que l’exégèse traditionnaliste comprend l’exégèse à l’aide du Noble Coran, à l’aide de la Sunnah ou a l’aide des dires des Compagnons et des Successeurs. L’exégèse du Coran par le Coran est irréprochable et ne suscite aucune objection. L’erreur ne se manifeste que de la part de l’exégète qui rapproche des versets et qui, après analyse, s’avèrent sans lien.
De même, l’exégèse du Coran par les récits authentiques et fermement établis venant du Prophète — paix et bénédiction d’Allâh sur lui — est irréprochable et personne ne peut la rejeter ou la remettre en question une fois qu’elle a été établie. Dans ce sens, on rapporte authentiquement que chacun des quatre grands Imâms de la jurisprudence islamique dit à tour de rôle : "Si le hadîth s’avère authentique, alors telle est ma voie et délaissez tout autre opinion que j’aurais eue." Si ceci est valable dans le cadre du licite et de l’illicite, alors que penser de l’interprétation qui ne touche à rien de cela ? Cette attitude est obligatoire à plus forte raison. En revanche, les récits faibles et ceux faussement attribués au Prophète doivent être rejetés.
Enfin, les interprétations innombrables des Compagnons et des Successeurs sont de diverses catégories : authentiques, bonnes, faibles, controuvées ou faisant partie des israélismes constitués de légendes et de fables qui s’infiltrèrent dans la littérature islamique et, en particulier, dans les ouvrages exégétiques, au point d’en faire un amas d’idées informe et éclectique. Que ces interprétations relèvent de l’exégèse traditionnaliste exclusive ou allient la tradition islamique à autre chose, nous n’en retiendrons de toute manière que les narrations authentiques ou bonnes. En revanche, nous rejetons sans ménagement les narrations faibles, inconsistantes, controuvées ou faisant partie des israélismes.
Les anciens traditionnalistes constatèrent ce phénomène, à savoir la prédominance de la faiblesse dans l’exégèse traditionnaliste. Ainsi, le grand Imâm Ahmad Ibn Hanbal dit-il : "Trois choses n’ont aucun fondement : l’exégèse, les récits des guerres et les récits des expéditions". Les savants les plus doués parmi les disciples de l’Imâm dirent : "Il voulait dire que la plupart de ces narrations ne possèdent pas de chaînes de garants authentiques et continues." En effet, nous avons vu précédemment qu’il y a un grand nombre de narrations authentiques. Certains dirent également que l’Imâm Ahmad signifiait par son propos que la plupart des narrations entraient dans la catégorie mursal [2].
On rapporte que le grand Imâm Ash-Shâfiʿî dit : "Seule une centaine de hadîths venant d’Ibn ʿAbbâs en matière d’exégèse est authentifiée." Malgré l’exagération que recèle cette parole, elle indique l’importance du nombre de hadîths controuvés et faussement attribués à Ibn ʿAbbâs.
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Muhammad Abû Shahbah, Al-Isrâ’îliyyât Wal-Mawdûʿât fî Kutub At-Tafsîr, éditions As-Sunnah, 4ème édition, pp. 82-85, Le Caire, Égypte, 1988.
[1] La connaissance des circonstances de la révélation des versets met en évidence le lien entre le verset 4:58 et la Parole du Très Haut "N’as-tu pas vu ceux à qui une partie du Livre a été donnée ajouter foi à la magie et au tâghût, et dire en faveur des mécréants : ’Ceux-là sont mieux guidés que ceux qui ont cru’ ?" (Sourate 4, An-Nisâ’, Les Femmes, verset 51.) En effet, les juifs préférèrent la religion des polythéistes à celle des monothéistes, ce qui fut compté comme une trahison du dépôt (engagement) que Dieu leur avait confié et selon lequel ils se devaient de dire la vérité et de ne pas l’occulter. Ils méritèrent ainsi cette réprimande et cette menace. Il convenait aussi que l’on rappelle l’engagement général envers Dieu par la Parole du Très Haut : "Certes, Allâh vous commande de rendre les dépôts à leurs ayant-droit, et quand vous jugez entre des gens, de juger avec équité. Quelle bonne exhortation qu’ Allâh vous fait ! Allâh est, en vérité, Celui qui entend et qui voit tout."
[2] Le mursal désigne chez la majorité des spécialistes du Hadîth les narrations qu’un Successeur attribue au Prophète — paix et bénédiction d’Allâh sur lui — sans mentionner le Compagnon duquel il tient l’information. Chez les juristes et certains spécialistes du Hadîth, cela désigne toute narration souffrant de l’omission d’un transmetteur, Compagnon ou autre, que l’omission porte sur un ou plusieurs maillons de la chaîne de transmission.
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