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Chagrins d’un prédicateur
Section : Où est l’Islam dans ce champ de ruines ?

Péchés des cœurs, péchés des sens

mercredi 3 janvier 2007

Un ami que mon état apitoyait me dit : « Tu sembles ébahi par les valeurs d’hygiène, d’ordre et de perfectionnisme qui prévalent dans d’autres sociétés ne croyant pas à l’Islam. Ne te mets pas dans cet état, car derrière ce développement apparent se cache une terrible déperdition de la vertu ainsi qu’une déliquescence sexuelle ayant atteint les tréfonds de la bassesse. Grâce à Dieu, notre nation est épargnée de ces fléaux, de ces turpitudes et de ces vices. »

Je lui répondis : « Écoute mon ami. Je suis Musulman et je remercie mon Seigneur de me L’avoir fait connaître, et d’avoir fait de moi un disciple de Son ultime Prophète. Car le bienfait de l’Islam est irremplaçable. Et le paysan naïf qui se tient debout matin et soir devant son Seigneur pour dire "Louanges à Dieu, Seigneur des mondes", est d’une humanité plus élevée à mes yeux que l’astronaute dont le cœur est absent vis-à-vis de Dieu. Mais j’ai appris de mon Coran et de la vie de mon Messager à respecter la vérité et de la prendre pour seul guide.

Tu dis que l’humanité moderne est noyée dans les péchés de la chair, ce qui la couvre de déshonneur.

Je te rejoins pour dire que cette réalité ne peut être défendue par un homme raisonnable. La course matérialiste effrénée est un mal qui a fait périr d’anciennes civilisations, et qui pourrait également anéantir cette civilisation : « N’avons-Nous pas fait périr les premières générations ? Puis n’avons-Nous pas fait en sorte qu’elles soient rejointes par les dernières ? C’est ainsi que Nous agissons avec les criminels. » [1]

Les vices sexuels se sont répandus dans d’autres sociétés que la nôtre, et ceci me rappelle cette règle pédagogique que nous avons apprise lorsque nous étions étudiants et qui veut que les péchés des cœurs soient plus graves que les péchés des sens. Je crains fort en effet que les déviances qui se répandent chez nous et chez d’autres peuples ne soient soumises à cette règle. »

Mon ami me dit : « Je ne comprends pas ce que tu veux dire. »

Je lui demandai : « Te rappelles-tu la guerre de 1967, au cours de laquelle les Arabes ont perdu Jérusalem, le Sinaï, le Golan et la Cisjordanie, le tout en quelques heures seulement ? »

« Comment pourrais-je oublier cette guerre traumatisante et le désastre qui s’est alors abattu sur nous ? », me répondit-il.

Je repris : « Si l’homme qui avait mené cette guerre était l’un de ces étrangers, il aurait préféré se tirer une balle dans le crâne plutôt que de revenir au devant de son peuple couvert de cet opprobre. Mais chez nous, le leader de la défaite est rentré tranquillement chez lui, gratifiant ceux qui le félicitent pour son retour sain et sauf et pourchassant ceux qui lui demandent comment il a pu leur apporter ce déshonneur.

L’Europe et l’Amérique, où s’est répandue la déviance animale, n’acceptent et ne pourraient accepter cette déviance humaine. C’est là la différence entre le vice chez nous et chez eux. »

Mon ami me dit : « Encore une fois, je te répète que je ne comprends pas ce que tu veux dire. »

Je poursuivis : « Manger de l’arbre défendu comme l’a fait Adam est un péché moindre que de se rebeller contre Dieu comme l’a fait Satan. Le péché de la volonté qui s’est effondrée devant le désir de manger est moins grave que le péché de l’égoïste qui se croit supérieur aux autres. Je ne minimise pas les péchés des sens mais je pointe la laideur des péchés des cœurs et je montre le degré de hideur qui les caractérise.

L’orgueil, l’envie, la vanité tirée de soi-même, de sa lignée ou de ses richesses, l’amour de la polémique, du paraître et de la renommée, la quête de pouvoir aux dépens de ceux qui en sont le plus capables, sont tout autant de vices bien plus odieux que le débridement de l’instinct sexuel de la manière répréhensible à laquelle on assiste sous les auspices de la civilisation moderne. Partant, nos adversaires ne souffriront pas beaucoup, ou tout du moins pas sur le court terme, de leurs maux, comme nous souffrons nous-mêmes de ces fléaux que sont l’ostentation et l’orgueil et qui sont disséminés partout. »

De toute évidence, l’Islam est un remède protégeant des différents maux qui consument les individus et les sociétés. Il combat les péchés et en immunise ses fidèles. Il scrute les civilisations pour juger en premier lieu de leur degré de connaissance de Dieu — Glorifié soit Son Nom — et de leur degré de monothéisme. Et comme en atteste l’histoire, le leadership islamique sur le monde exportait par le passé des valeurs nobles, des traditions merveilleuses de munificence et des idéaux humanistes dignes de tout respect. Autrement dit, l’éminence rationnelle et morale prévalant chez les Musulmans était le capital dont dépensaient les prédicateurs et l’enceinte grâce à laquelle ils se prémunissaient.

C’est un crime caractérisé que de se rattacher à l’Islam, sans être en mesure de le comprendre, de l’expliquer, de l’appliquer ni de le défendre. Le destin ne laisse pas ces crimes impunis. Saurons-nous donc rectifier le tir avant qu’il ne soit trop tard ?

P.-S.

Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Muhammad Al-Ghazâlî, Humûm Dâʿiyah, éditions Nahdat Misr, troisième édition, décembre 1998.

Notes

[1Sourate 77, Al-Mursalât, Les Envoyées, versets 16 à 19.

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