vendredi 5 août 2005
Avant de décrire les personnes des dirigeants, nous mentionnerons d’abord quelques exemples de leurs forfaitures...
Parlant de la première croisade et décrivant l’offensive contre Antioche — ville actuellement connue sous le nom d’Iskenderun et que les Français arrachèrent à la Syrie pour l’annexer à la Turquie, en guise de récompense pour son dirigeant apostat [1] — le Professeur Ahmad Ash-Shuqayrî écrit :
« La bataille perdura pendant des mois très difficiles. Les combats se déroulaient aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la ville, sur les tours et les remparts, dans les rues et dans les places. La courageuse garnison appelait au secours et demandait des renforts, mais en vain...
Alep et Damas étaient les deux cités les plus proches d’Antioche, mais le conflit qui opposait les deux frères ennemis jurés Ridwân, roi d’Alep, et Duqqâq, roi de Damas, était à son paroxysme. La guerre fratricide battait son plein lorsque les troupes franques arrivèrent sous les remparts d’Antioche. »
Quelle était la cause de la guerre entre les deux rois frères ? « La cause en était que Ridwân, roi d’Alep, convoitait Damas et voulait l’arracher à son frère Duqqâq. C’était avec cet état d’esprit que les deux rois, Duqqâq et Ridwân, regardaient Antioche aux prises avec les croisés, sans qu’ils ne sachent ce que le destin allait leur réserver ! »
« Les croisés étaient probablement au courant du conflit entre les deux rois. Ils établirent alors une liaison avec Damas, écrivant à son roi pour le rassurer sur leurs intentions concernant son royaume. Le roi de Damas plaça sa confiance en cette paix humiliante. D’ailleurs, qu’avait-il à voir avec Antioche ? Après elle le déluge, n’est-il pas ? »
Ibn Al-Qalânisî écrit : « Les croisés écrivirent au souverain de Damas qu’ils ne prendraient et n’attaqueraient que les villes qui appartenaient naguère aux Byzantins. C’était une ruse de leur part, afin qu’il n’aille pas prêter main forte au souverain d’Antioche. »
Antioche résista toute seule. Mais qui résista pour elle et donna généreusement son sang pour défendre la ville menacée ?
Seuls les quémandeurs de l’au-delà ! Le roi d’Antioche était quant à lui un débauché et un despote qui tyrannisait ses sujets, ainsi que le décrivent nos historiens... Ces derniers mentionnent d’ailleurs que les habitants de la ville de Artâh — qui était sous la tutelle du roi d’Antioche — allèrent jusqu’à demander la protection des Francs ainsi que des renforts qui leur permettraient de lutter contre leur souverain ! Il en fut ainsi en raison de son ignominie et de son injustice.
Les Musulmans d’Antioche oublièrent quant à eux tout ce qu’ils avaient subi et résistèrent aux envahisseurs jusqu’à leur dernier souffle. Toutefois, la trahison et la division accélérèrent le destin de cette brave cité qui tomba finalement aux mains des croisés.
Ibn Al-Qalânisî écrit : « Innombrables étaient les hommes, les femmes et les enfants qui furent massacrés, capturés ou faits prisonniers. » L’historien européen Runciman écrit, quant à lui, que les croisés massacrèrent à Antioche pas moins de dix mille habitants, si bien que « la tâche immédiate de l’armée fut de nettoyer la ville et d’ensevelir rapidement les morts avant que la décomposition des cadavres ne provoquât une épidémie » [2].
Les croisés poursuivirent ainsi leur route jusqu’à Jérusalem, sans qu’il n’aient à faire face à aucune entité islamique consistante ni à aucune puissance unifiée et identifiable.
Le Professeur Ahmad Ash-Shuqayrî explique : « Le Shâm était prêt pour la défaite, puisqu’il n’était constitué que d’une juxtaposition de royaumes et de principautés sans aucun lien entre eux. La principauté d’Antioche était gouvernée par le prince Siyân ; le royaume d’Alep était dirigé par le roi Ridwân ; le royaume de Damas était dirigé par le roi Duqqâq ; la principauté de Homs était gouvernée par le prince Kirbûghâ ; la principauté de Hamâh était gouvernée par le prince Sulaymân ; et il y avait aussi l’État fatimide au Caire d’un côté, et l’État abbasside à Bagdad de l’autre... »
Les peuples en colère se rendaient par délégations successives dans les capitales respectives des deux Califats qui se disputaient le pouvoir. Mais en vain.
Aucun des deux ne songea à agir pour aider les résistants ou pour entraver les envahisseurs... La seule préoccupation qui dominait l’esprit des dirigeants était de rester au pouvoir. Et si un contact devait avoir lieu avec les envahisseurs croisés, c’était pour négocier avec eux quelque intérêt personnel, et leur faire présent de quelque territoire appartenant aux « adversaires politiques ».
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Muhammad Al-Ghazâlî, Humûm Dâʿiyah, éditions Nahdat Misr, troisième édition, décembre 1998.
[1] Il s’agit de Mustafâ Kamâl Atâturk. NdT.
[2] A History of the Crusades (Histoire des Croisades), tome 1, traduction de Denis-Armand Canal, éditions Dagorno, 1998. NdT.
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