jeudi 14 juillet 2005
L’Argument de l’Islam, l’Imâm Al-Ghazâlî, — que Dieu, Exalté soit-Il, lui fasse miséricorde — dit [1] : « Sache que la crainte véritable n’est autre que la souffrance du cœur de la perspective d’un mal pressenti. Cela peut-être dû à la perpétration des péchés. Il peut également s’agir d’une crainte de Dieu — Exalté soit-Il — émanant de la connaissance de Ses Attributs qui appellent nécessairement la crainte, et cela est bien meilleur et plus parfait, car quiconque connaît Dieu doit nécessairement Le craindre. D’où la Parole de Dieu — Exalté soit-Il — : “Seuls les savants parmi Ses serviteurs craignent Dieu.” » [2]
Dieu — Exalté soit-Il — invita Ses serviteurs à Le craindre Lui seul : « Et manifestez de la crainte à Mon égard » [3] Il fit l’éloge des croyants et les décrivit comme manifestant de la crainte à Son égard : « Ils craignent leur Seigneur au-dessus d’eux. » [4] Dieu fit de Sa crainte une condition de la perfection de la foi : « Et craignez-Moi si vous êtes croyants. » [5] De plus, Dieu promit deux Jardins à celui qui craint Sa Majesté : « Et celui qui craint la Majesté de son Seigneur recevra deux Jardins. » [6] Dieu fit du Paradis la demeure de celui qui craint la Majesté de son Seigneur disant : « Quant à celui qui craint la Majesté de son Seigneur, et s’interdit les (viles) passions, le Paradis sera sa demeure. » [7]
Sheikh Ahmad Zarrûq — que Dieu, Exalté soit-Il, lui fasse miséricorde — dit dans ses Qawâʿid : « L’un des mobiles de l’action c’est l’existence de la crainte, qui est une déférence doublée d’une frayeur. La peur, quant à elle, est une appréhension ressentie dans le cœur vis-à-vis de la vengeance du Seigneur. » [8]
La peur se caractérise chez celui qui perçoit le poids des conséquences de ses actes si bien qu’il honore ses devoirs et ne se risque pas dans le dévoiement ou les péchés. De surcroît, il ne s’expose point à des situations susceptibles de l’attirer dans le mal et la corruption. Puis, à mesure que le soufi s’élève dans la peur, il acquiert toutes les qualités dont sont empreints les Gens de la Proximité. À ce moment, les manifestations de la peur passent du plan charnel au plan spirituel, tant et si bien que le gnostique connaît des sentiments de chagrin imperceptibles sauf pour les gens purifiés.
Dans ce chapitre, maître ʿAbd Al-Wahhâb Ash-Shaʿrânî — que Dieu l’agrée — disait à propos de Dame Râbiʿah Al-ʿAdawiyyah qu’elle pleurait beaucoup et était souvent triste ; lorsqu’elle entendait parler de l’Enfer, elle s’évanouissait. L’emplacement de ses prosternations ressemblait à un petit bassin creusé par ses larmes. C’était comme si l’Enfer n’avait été créé que pour elle. Cela est dû à la croyance que toute épreuve est négligeable à côté de l’Enfer, et que toute catastrophe est bénigne, sauf à se trouver éloigné de Dieu — Exalté soit-Il —.
Les soufis pensent que l’amoureux n’est pas autorisé à goûter à la coupe de l’amour avant que la peur n’ait lavé son cœur. Quiconque n’a pas une piété équivalente à la sienne ne saurait comprendre la raison de ses larmes et quiconque n’a pas vu la beauté de Joseph ne comprend pas la douleur de Jacob.
Le craintif n’est pas celui qui pleure puis s’essuie les yeux. Le craintif est celui qui abandonne ce pourquoi il craint d’être châtié.
Abû Sulaymân Ad-Dârânî — que Dieu, Exalté soit-Il, lui fasse miséricorde — dit : « Dès lors que la peur quitte un cœur, il tombe en ruine. » [9] Les craintifs ne se ressemblent pas, ils appartiennent à diverses catégories. Ibn ʿAjîbah — que Dieu, Exalté soit-Il, lui fasse miséricorde — en dénombra trois sortes : « La crainte des gens du commun du chatîment et de la perte de la rétribution, la crainte de l’élite des remontrances et de la perte de la proximité et, enfin, la crainte de l’élite parmi l’élite du voilement dû au manque de bienséance. » [10]
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh ʿAbd Al-Qâdir ʿÎsâ, Haqâ’iq ʿan At-Tasawwuf, disponible en ligne sur le site Shazly.com.
[1] Al-Arbaʿîn fî Usûl Ad-Dîn, page 196
[2] Sourate 35, Fâtir, Le Créateur, verset 28.
[3] Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, verset 40.
[4] Sourate 15, An-Nahl, Les abeilles, verset 50.
[5] Sourate 3, Âl ʿImrân, La famille d’Amram, verset 175.
[6] Sourate 55, Ar-Rahmân, Le Miséricordieux, verset 46.
[7] Sourate 79, An-Naziʿât, versets 40 et 41.
[8] Qawâʿid At-Tasawwuf de Sheikh Ahmad Zarrûq, page 74.
[9] Ar-Risâlah Al-Qushayriyyah, page 60.
[10] Miʿrâj At-Tashawwuf ilâ Haqâ'iq At-Tasawwuf, page 6.
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