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Vérités sur le soufisme
Section : Témoignages des Savants

Sheikh Muhammad Râghib At-Tabbâkh

vendredi 20 août 2004

Le professeur et historien Muhammad Râghib At-Tabbâkh - qu’Allâh lui fasse miséricorde - écrit dans son ouvrage intitulé Ath-Thaqâfat Al-Islâmiyyah (La Culture islamique) : « Si le soufisme consiste en la purification de soi et au raffinement des manières, alors quelle excellente voie et quelle noble visée il propose ! Car cela constitue précisément la finalité des missions des Prophètes - paix et bénédiction sur eux. Le Prophète - paix et bénédiction sur lui - dit en effet dans un hadith : "Je n’ai été envoyé que pour parfaire les bonnes manières." [1]

Par ailleurs, en étudiant l’histoire des soufis des premiers siècles de l’islam, nous avons constaté qu’il s’agissait d’une belle histoire fondée sur les bonnes manières, le désintéressement de la vie matérielle, la piété et la dévotion, en conformité avec le Livre et la Sunnah. C’est ce que déclare le maître de cette voie, Al-Junayd - qu’Allâh lui fasse miséricorde -, dans sa biographie citée dans l’Histoire d’Ibn Khallikân : "Notre voie est régie par les principes du Livre et de la Sunnah". D’après le commentaire du Ihyâ’ [2] de l’érudit Az-Zabîdî, volume 1, p. 174 : "Al-Junayd dit : "Toutes les voies sont obstruées devant les hommes, sauf ceux qui marchent sur les pas du Messager - paix et bénédiction sur lui." Cette citation figure aussi dans sa biographie dans Ar-Risâlah Al-Qushayriyyah, p. 19. On y lit : "Al-Junayd dit : Celui qui n’a pas mémorisé le Coran, ni écrit le hadîth, ne doit pas être pris comme guide dans cette affaire (le soufisme) car notre science est régie par le Livre et la Sunnah". Az-Zabîdî cite ensuite une narration remontant à Al-Junayd qui dit : "Notre voie est régie par les principes du Livre et de la Sunnah". Al-Junayd dit aussi : "Cette discipline est fondée sur le Hadîth du Messager - paix et bénédictions sur lui."

Sirrî As-Saqtî dit : "Le soufi est un vocable qui recouvre trois significations : Celui dont la lumière de la connaissance n’éteint pas celle de sa piété, celui qui ne parle pas d’une science cachée en contradiction avec la lettre apparente du Livre, et qui n’est pas poussé par ses prodiges à violer les interdits de Dieu - Exalté soit-Il."

Dans Shadharât Adh-Dhahab, volume 5, p. 279, dans la biographie de Abû Al-Hasan Ash-Shâdhilî, on peut lire les propos tenus par ce dernier : "Toute science où te précède ton imagination, et où l’âme se plaît et se délecte, jette-la et suis le Livre et la Sunnah". Beaucoup d’autres gens du soufisme tinrent des propos semblables que l’on retrouve dispersés dans des ouvrages comme At-Taʿarruf Li-Madhhab Ahl At-Tasawwuf de l’Imâm Al-Kalâbâdhî, Ar-Risâlah Al-Qushayriyyah, etc.

En sus des bonnes manières, de la piété, du détachement des choses matérielles et de la dévotion pour lesquels ces gens était connus, ils s’acquittèrent également à leurs époques respectives de leur devoir d’orientation des masses vers la vérité. Ils prêchaient aux foules et les empêchaient de courir derrière ce bas-monde et de vouloir acquérir, quel qu’en fût le prix, ses biens éphémères, ou de laisser libre cours à leurs passions et à leurs désirs au point de verser dans les interdits et dans la négligence des devoirs et de ce pour quoi l’homme fut créé. Car la conséquence de ces comportements serait l’anarchie, la corruption, l’injustice et les troubles.

Par leurs prêches et leurs conseils, par la sagesse et les vérités qui coulaient à flots de leurs cœurs, ces gens étaient les gardiens de l’éthique, les guides de la communauté sur les chemins de la vérité et les voies de la prospérité et les promoteurs du bonheur authentique qui réside dans l’accomplissement par l’homme des devoirs qui lui incombent, sans oublier de prendre sa part de ce monde. Ils furent ainsi du nombre de ceux qui parmi cette communauté entendirent et se conformèrent à l’appel du Très-Haut : "Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, enjoint le convenable, et réprouve le blâmable. Et ce seront ceux-là qui réussiront." [3]

Les tout premiers soufis sont les personnalités illustres de cette religion, les maîtres de cette Communauté, sa lanterne lumineuse et sa lumière éclatante ; grâce à eux et à leurs semblables parmi les savants du Hadîth et de la jurisprudence, la Communauté fut guidée sur le droit chemin et sut emprunter une voie juste, la vie des musulmans s’organisa harmonieusement, les affaires de leur vie dans l’au-delà se rectifièrent et ils récoltèrent d’un grandiose succès.

Lorsque nous scrutons les chroniques des soufis, nous voyons que nombre d’entre eux avaient des disciples qui se comptaient par milliers. Chaque fois qu’un nouveau disciple les suivait, les maîtres soufis scellaient des liens de fraternité entre le nouveau-venu et leurs anciens disciples, tant et si bien que des liens de compassion et d’amour se tissèrent entre eux : ils se soutenaient les uns les autres, se recommandaient le bien mutuellement, les riches faisaient preuve de compassion envers les pauvres, les aînés faisaient miséricorde aux cadets, ils devinrent des frères par la grâce de Dieu, et devinrent tels les membres d’un même corps. Leur obéissance à leur Sheikh était indéfectible, ils se levaient lorsqu’il se levait, s’asseyaient lorsqu’il s’asseyait et s’empressaient de répondre présent à la moindre de ses propositions.

Parmi les mérites des soufis et leur impact louable sur la nation musulmane, on peut citer le fait que lorsque les rois et les princes entreprenaient le jihâd, nombreux étaient ceux d’entre eux qui incitaient leurs disciples à partir au jihâd, qu’on le leur demandât ou non. Parce qu’ils faisaient confiance en leurs maîtres et leur obéissaient, les disciples des soufis s’enrôlaient en grand nombre dans les rangs des combattants ; les armées étaient alors renforcées de gros effectifs venus des quatre coins du royaume et souvent, les maîtres soufis accompagnaient eux-mêmes les armées, défendaient et incitaient les autres au combat, ce qui contribuait à la réalisation de la victoire et au triomphe.

Lorsque nous sondons les fonds de l’histoire, nous trouvons de nombreuses illustrations de ce fait, sans omettre toutefois que de nombreux juristes et savants engagés agissaient de même.

Un autre impact des soufis était que lorsque des différends opposaient les gens pour des affaires profanes, notamment lorsqu’il s’agissait de disciples soufis, ils en référaient à leur Sheikh qui les départageait conformément à ce que Dieu a révélé, et ils en sortaient satisfaits sans nul besoin de porter leurs différends devant la justice.

Nous avons vu de nos propres yeux et entendu de nos propres oreilles des exemples de cet état de fait, émanant de quelques-uns de leurs survivants au début de ce siècle. Il arrivait même qu’un individu avertisse son confrère qu’il se plaindrait au Sheikh s’il ne lui rendait pas justice, ce qui le ramenait à l’équité de crainte que le récit de ses abus ne parvienne au Sheikh auprès duquel il voulait conserver une bonne réputation. »

P.-S.

Traduit de l’arabe du livre de Sheikh ʿAbd Al-Qâdir ʿÎsâ, Haqâ’iq ʿan At-Tasawwuf, disponible en ligne sur le site Shazly.com.

Notes

[1Hadith rapporté par Al-Bukhârî dans Al-Adab Al-Mufrad, chapitre des bonnes manières, d’après Abû Hurayrah - qu’Allâh l’agrée ; rapporté également par les Imâms Ahmad et Al-Bayhaqî ainsi que par Al-Hâkim dans At-Tarjamah An-Nabawiyyah, qui a jugé le hadith authentique selon les critères de Muslim.

[2Il s’agit du célèbre ouvrage de l’Imâm Abû Hâmid Al-Ghazâlî, Ihyâ’ ʿUlûm Ad-Dîn. NdT

[3Sourate 3, Âl ʿImrân, la Famille d’Amram, verset 104.

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