mercredi 8 juin 2005
Il s’agit d’éduquer la conscience religieuse et de développer chez la personne la capacité à faire son auto-critique en son for intérieur, afin qu’elle se débarrasse des obstacles entravant le chemin de la pureté, de l’amour, de l’abnégation et de la sincérité. Les soufis ont excellé dans ce domaine et ont fourni à cette fin des efforts louables. Ils ont ainsi marché sur les pas du Messager — paix et bénédictions sur lui — et ont suivi sa voie et sa guidance. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dit : « Le sage est celui qui fait son examen de conscience, qui œuvre pour l’au-delà, et l’incapable est celui qui s’incline devant ses passions, puis nourrit de faux espoirs en Dieu. » [1]
Celui qui fait son examen de conscience ne se laisse pas occuper par l’erreur, car il est constamment occupé par les œuvres pies, et, de par sa crainte de Dieu, il regrette tout manquement vis-à-vis de son Seigneur. Comment une telle personne pourrait-elle alors se laisser aller aux futilités et à l’oisiveté ?
As-Sayyid Ahmad Ar-Rifâʿî — que Dieu lui fasse miséricorde — dit : « De la crainte de Dieu découle l’examen de conscience, de l’examen de conscience découle l’observance de Dieu, et de l’observance de Dieu découle l’absorption permanente par Dieu — Exalté soit-Il. » [2]
Les soufis reproduisent en cela l’enseignement délivré par le Prophète — paix et bénédictions sur lui — à ses Compagnons en matière d’éducation spirituelle pure qui ancre dans les esprits l’examen de conscience. On rapporte en effet que le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — sortit un jour de chez lui, la faim lui nouant le ventre. Il rencontra ses deux amis Abû Bakr et ʿUmar dont il ne tarda pas à savoir qu’ils étaient dans le même état que lui et qu’ils n’avaient pas de quoi manger ce jour-là. Ils rencontrèrent ensuite un homme médinois qui ne se laissa pas tromper par leur jovialité apparente. Il comprit leur condition et les invita donc chez lui. Lorsqu’ils arrivèrent chez lui, ils trouvèrent des dattes, de l’eau fraîche et une ombre étendue. Après qu’ils eurent mangé quelques dattes et bu de l’eau, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dit : « Ceci fait partie des délices sur lesquels vous serez interrogés. » [3]
Quels sont donc ces délices sur lesquels ils seront interrogés et auront des comptes à rendre ? Quelques dattes et une gorgée d’eau pour apaiser la soif. Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — les considère comme autant de délices sur lesquels leur Seigneur les interrogera le Jour de la Résurrection. N’y a-t-il pas dans ce noble enseignement du Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — une belle façon de doter les esprits d’une conscience forte, d’une sensibilité délicate, d’une perception fine et d’un grand sens de la responsabilité qui doivent accompagner l’âme humaine dans chacune de ses entreprises.
En vérité, de l’examen de conscience naît un sentiment de responsabilité vis-à-vis de Dieu — Exalté soit-Il —, vis-à-vis de Ses créatures et vis-à-vis de l’âme qui doit honorer ses devoirs religieux, en termes de prescriptions et d’interdits. L’examen de conscience pousse l’individu à se rendre à l’évidence qu’il n’a pas été créé en vain, et qu’il va nécessairement retourner à Dieu — Exalté soit-Il, comme nous en a informé Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — lorsqu’il dit : « Nul d’entre vous n’échappera à un entretien avec Dieu. Il n’y aura pas d’interprète entre le Serviteur et son Seigneur. Le Serviteur cherchera des yeux à sa droite mais ne verra que son œuvre, il cherchera des yeux à sa gauche mais ne verra que son œuvre, puis il regardera devant lui et ne verra alors que l’Enfer. Prémunissez-vous donc de l’Enfer, ne serait-ce qu’en offrant la moitié d’une datte, et si vous n’en avez pas le moyen, faîtes-le ne serait-ce que par une bonne parole. » [4]
Par conséquent, il émane du cœur de l’homme la décision de se réconcilier avec Dieu par un repentir sincère. Il abandonne les occupations contingentes qui le détournent de son Créateur — Exalté soit-Il — et fuit vers Dieu pour se réfugier contre tout le reste : « Fuyez donc vers Dieu. Je suis pour vous de Sa part, un avertisseur explicite. » [5] Il se joint alors à ce groupe de croyants soufis, cheminant vers Dieu — Exalté soit-Il —, et répondant à l’appel de leur Seigneur : « Ô vous qui croyez ! Craignez Allah et soyez avec les véridiques. » [6]
Les gens sont tels des voyageurs immigrant vers la Présence du Vrai
... si bien que leur asile fut Sa Grande Présence, Son Altesse Sainte leur fit généreusement don de la proximité tant espérée par tout individu aimant Dieu — Exalté soit-Il — : « Dans un séjour de vérité, auprès d’un Souverain Omnipotent » [7]
Sheikh Ahmad Zarrûq — que Dieu, Exalté soit-Il, lui fasse miséricorde — dit dans ses Qawâʿid : La négligence de l’examen de conscience induit l’enfoncement dans le mal, l’absence de questionnement entraîne l’auto-satisfaction, la sévérité avec soi provoque le rejet et la rebellion, et le laxisme conforte dans l’oisiveté. Il est donc indispensable de faire son examen de conscience et de se questionner, d’accomplir l’œuvre accessible et correcte, sans laisser passer les erreurs manifestes et sans exiger l’accomplissement des œuvres trop subtiles. Tire une morale de ce que tu vois te dictant ce dont tu dois t’abstenir ou ce que tu dois accomplir. Tire une morale de l’adage : « Celui dont le quotidien n’est pas meilleur que la veille est perdant. Celui qui n’est pas en croissance est en regression. L’œuvre constante est une œuvre croissante. D’où la parole d’Al-Junayd — que Dieu l’agrée — : "Si un individu allait vers Dieu un an puis se détournait de Lui, il passerait à côté de choses supérieures à ce qu’il aurait récolté." » [8]
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh ʿAbd Al-Qâdir ʿÎsâ, Haqâ’iq ʿan At-Tasawwuf.
[1] Hadith rapporté et jugé bon par At-Tirmidhî, dans le Livre de la Description du Jour de la Résurrection, d’après Shaddâd Ibn Aws — que Dieu l’agrée.
[2] Al-Burhân Al-Mu'ayyad, d’As-Sayyid Ahmad Ar-Rifâʿî, page 56.
[3] Tafsîr Ibn Kathîr, volume 4, page 545, abrégé.
[4] Hadith rapporté par Muslim dans le Livre de l’Aumône légale, d’après ʿAdiyy Ibn Hâtim — qu’Allâh l’agrée —, et par At-Tirmidhî dans le Livre de la Description du Jour de la Résurrection.
[5] Sourate 51, Adh-Dhâriyât, verset 50.
[6] Sourate 9, At-Tawbah, Le repentir, verset 119.
[7] Sourate 54, Al-Qamar, La lune, verset 55.
[8] Qawâʿid At-Tasawuf (Les règles du soufisme) de Sheikh Ahmad Zarrûq, page 75.
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