mardi 15 avril 2003
Goldziher dit que lorsque les Musulmans conquirent ces nouveaux territoires, ils les administrèrent d’après les coutumes et les lois locales, après avoir modifié ces coutumes et ces lois, après les avoir imprégnées d’une teinte religieuse, et après en avoir fait des hadiths qu’ils attribuèrent à leur Prophète !
Tel est, de son point de vue, le développement de la loi !
Le développement de la loi, c’est la conspiration fomentée par des milliers de personnes pour contrefaire des dizaines de milliers de hadiths et les attribuer au Messager de Dieu ! ! Voilà à quoi ressemble une étude profonde et perspicace des religions. Le Coran est l’invention de Muhammad, qui l’a importé d’autrui ! Et la Sunnah est l’invention des Compagnons et des Successeurs, qui l’ont importée d’autrui ! Et l’Islam, eh bien, zéro ! !
La logique permet de penser que le pauvre s’endette auprès du riche, que le faible en appelle à l’aide du fort... Chacun sait que tout au long de l’histoire ancienne et contemporaine, il a toujours existé des formes d’entraide entre les individus, que les différentes civilisations et communautés humaines ont su emprunter, adapter des notions puisées chez d’autres civilisations afin de pouvoir en tirer avantage...
La logique ne permet cependant en aucun cas de penser que la jonction ou l’emprunt de notions puissent se faire si les deux parties ne sont pas égales. Il serait ainsi stupide de dire qu’Aristote a emprunté ses idées à un boulanger travaillant dans un fourneau d’Athènes, ou à un cabaretier travaillant dans une de ses tavernes ! Il serait tout aussi stupide de dire que Ford a emprunté sa fortune à un mendiant assis devant une église américaine.
Il serait toujours non moins stupide de dire que Muhammad a composé son Coran à l’aide d’un étranger venu à la Mecque y faire son commerce ! ! Cet exposé au contenu envoûtant et à la construction sublime met à l’échec les Arabes, ces maîtres de l’éloquence, qui ne parviennent pas à composer un seul verset semblable. Que dire alors d’un non-Arabe étranger ? « Et Nous savons parfaitement qu’ils disent : ‹Ce n’est qu’un être humain qui lui enseigne le Coran›. Or, la langue de celui auquel ils font allusion est étrangère, non arabe, et celle-ci est une langue arabe bien claire. » [1]
Mais laissons de côté ce raisonnement dont l’évidence crève les yeux. Intéressons-nous maintenant, pour y répondre de manière cinglante, à une autre question soulevée par l’orientaliste Goldziher. Ce dernier prétend que la Sunnah du Prophète n’est que l’importation de préceptes moraux, de sages paroles, d’histoires et de maximes puisées chez les civilisations antérieures - le chapitre qu’il a consacré à la Sunnah regorge de ces étranges prétentions. Il dit ainsi : « Des phrases de l’Ancien et du Nouveau Testament, des sentences rabbiniques ou tirées des Évangiles apocryphes, jusqu’à des doctrines de la philosophie grecque et à des formules de la sagesse perse et hindoue ont trouvé place dans l’Islâm sous ce déguisement [du hadîth]. » (page 34)
Nous allons répondre en détail à ces fausses allégations dont regorge ce chapitre, toutes tournant autour du fait que la Sunnah est l’œuvre des générations postérieures de l’Islam, et non pas les paroles et les actes du Messager ! !
Mais avant de répondre, nous aimerions introduire le sujet par quelques mots :
Le fossé est bien grand entre l’Islam et les religions qui l’ont précédé, et il est non moins grand entre la Communauté islamique et les autres communautés, anciennes ou contemporaines...
Cet orientaliste veut nous faire croire que la nouvelle religion a emprunté ses concepts ou les a importés des autres religions et philosophies, en particulier, le judaïsme et le christianisme. Il veut également nous faire croire que la Communauté de cette nouvelle religion n’a été qu’un simple transmetteur des connaissances et des préceptes moraux des Anciens, même si elle s’attribue le mérite de l’originalité et de l’innovation...
Nous répondons : La logique aurait pu rendre ces illusions vraisemblables si le devancier était plus riche et plus puissant que le successeur... Mais si la religion qu’a apportée Muhammad domine des territoires plus vastes et des horizons plus étendus que les peuples précédents, comment donc peut-on imaginer que le riche emprunte au pauvre, ou que le fort en appelle à l’aide du faible ? !
La Thora ne parle pas de la Demeure dernière - j’entends par-là les livres dont dispose le Juif d’aujourd’hui. Les discours prolixes que tient l’Islam sur la Demeure dernière, sur le Paradis et sa récompense et sur l’Enfer et son châtiment, sont-ils empruntés à la Thora ? !
Le Christianisme - comme tout le monde le sait - est une foi, non une loi. Les milliers de hadiths par lesquels l’Islam organise la vie sociale, par lesquels il entre dans les plus petits détails, grâce auxquels il bâtit une superbe Législation globale, sont-ils empruntés au Christianisme ? !
L’Unicité absolue, faisant à Dieu attributs de la Majesté, de la Beauté et de la Perfection, Le réhabilitant de toute équivoque Le faisant procéder de l’être humain, ou faisant procéder l’être humain de Lui... « Il n’y a rien qui Lui ressemble ; et c’est Lui l’Audient, le Clairvoyant. Il possède les clefs des trésors des cieux et de la terre. Il attribue Ses dons avec largesse, ou les restreint à qui Il veut. Certes, Il est Omniscient. » [2]
Cette Unicité, l’Islam l’a-t-il empruntée aux Trinités ecclésiastiques, ou aux descriptions humaines que l’Ancien Testament fait de Dieu ? !
Lorsque j’ai voulu rédiger mon livre Khuluq Al-Muslim (L’Ethique du Musulman), j’ai sélectionné de la Sunnah du Messager de Dieu près de mille hadiths traitant de la mise en pratique des préceptes moraux. Il n’existe pas de type de comportement humain qui ne fasse l’objet d’un de ces hadiths et n’en soit réformé vers ce qu’il y a de mieux. Si l’on désire s’intéresser aux autres prolongements de l’Islam, sous n’importe quel angle, aussi bien cultuel que juridique, on se trouve face à une ressource colossale et incommensurable de hadiths rapportés d’après Muhammad, lesquels sont contenus dans des tomes de très gros volume... une ressource dont on ne dispose pas du centième au sujet de tout autre homme, qu’il soit ancien ou contemporain.
Par quelle logique peut-on dès lors imaginer que cet Islam si prolifique et si débordant tende la main aux squelettiques indigents pour mendier auprès d’eux une idée ou pour leur emprunter un principe ? !
Les traits scientifiques singularisant l’Islam et distinguant explicitement sa personnalité sont indénombrables dans les deux grandes sources que sont le Livre et la Sunnah. Comment donc un homme tel Goldziher tente-t-il de faire croire aux gens que l’Islam n’a fait que transmettre les idées de ceux qui l’ont précédé ? !
Transmetteur de qui ?
Le propriétaire de l’immense château ne saurait être accusé d’avoir construit sa prestigieuse demeure grâce aux briques des chaumières qui l’entourent.
Il est complètement idiot de dire que la Sunnah du Prophète a été empruntée aux anciennes civilisations valétudinaires contemporaines de la mission prophétique ! !
Cette ignorance ressemble en tout point à ces propos - dont nous avons donné l’exemple - selon lesquels Aristote a puisé ses idées chez un boulanger ou chez un cabaretier. La Communauté formée par l’Islam possède des bases scientifiques qui lui ont permis d’accéder à une position jamais atteinte par une communauté antérieure. Le niveau scientifique des Musulmans a atteint un degré tel que leur supériorité culturelle et militaire est restée inégalée pendant de nombreux siècles.
Les Arabes - grâce à l’Islam - ont laissé les Romains et les Perses sur la touche. Ils s’en sont allés tracer leur chemin étape après étape. Ils étaient les maîtres, alors que les autres étaient leurs élèves. Génération après génération, cette prééminence culturelle est restée dévolue aux seuls Musulmans. Malgré la redoutable coalition croisée qui s’est abattue sur les Musulmans pendant leurs divisions, l’Europe, avec tous ses moyens grands et petits, a dû s’en retourner sous des gémissements imperceptibles... !
Comment peut-on dire alors que l’Islam a volé les principes et les lois des autres civilisations, se les attribuant à lui-même ? ! Cet orientaliste a des fantasmes noyés dans la calomnie de l’Islam, cherchant à le dépourvoir de tout mérite, et à attribuer tout mérite à son seul peuple, ou aux peuples assimilés...
Il peut bien sûr exister des similitudes entre les enseignements de l’Islam et les religions révélées antérieures... Quoi d’étrange en cela ! Le Dieu Unique est la Source de tous ces enseignements. Les fondements de la vérité ne diffèrent pas en fonction du lieu et de l’époque. Il demeure cependant que cette similitude n’est pas due au fait que l’Islam a imité autrui...
Nous, Musulmans, considérons que le Livre et la Sunnah sont les deux références auxquelles il en est fait appel. Ce qui concorde avec elles est la vérité, et ce qui en diverge, nous le réprouvons sans ménagement...
Certains israëlismes, nazaréismes et hellénismes [3] ont tenté de s’infiltrer dans l’Islam et prendre, sous son ombrage, une certaine légitimité ou acceptation. Les savants ont cependant déclaré une guerre sans merci contre ces récits intrus. Et jusqu’à aujourd’hui, elles font toujours l’objet du discrédit et de la récusation des savants... La raison de cela n’est pas qu’elles se rattachent à une religion antérieure. Non. La raison en est que leur authenticité scientifique est plus que douteuse...
Quant à ce qui est attribué à ces Prophètes dans le Livre de notre Seigneur et dans la Sunnah de notre Prophète, c’est la pure vérité. Son acceptation fait partie de la religion... Mais s’il existe des éléments sur l’histoire des Messagers antérieurs dans le Livre de Dieu et la Sunnah de son Messager, cela signifie-t-il que l’Islam est emprunté aux premières religions ? Non.
Moïse, Jésus et Muhammad sont frères. Tous sont des Émissaires de la part de Dieu. Chacun d’eux confirme l’autre... Quant aux disciples des Messagers, ils peuvent dévier du droit chemin, et la révélation divine est là pour les ramener à leur bon sens.
L’Islam est la dernière Parole descendue du Ciel, le verdict final de ce qui fut et de ce qui sera. Veut-on alors de nous que nous considérions Muhammad comme un faux Prophète, et que sa religion est un ramassis d’histoires empruntées à ceux qui l’ont précédé, dont il a pris connaissance et qu’il s’est attribué à lui-même ? « Et avant cela, tu ne récitais aucun livre et tu n’en n’écrivais aucun de ta main droite. Sinon, ceux qui nient la vérité auraient eu des doutes. Il consiste plutôt en des versets évidents, préservés dans les poitrines de ceux à qui le savoir a été donné. Et seuls les injustes renient Nos versets. » [4]
Quelles sont les assises de ce savoir ? Et où les hommes peuvent-ils en trouver la source sur cette Terre ? [5] Ces idées prônant l’Unité divine allaient-elles naître spontanément au milieu des idoles et des cailloux de la Péninsule ? ! Les manifestations de la justice allaient-elles être empruntées à l’arrogance et à la fatuité des Mages Chosroès ? ! La position des fondements de l’unification allaient-elles s’inspirer des divergences et des dissidences sévissant entre les Églises chrétiennes ? !
Mais supposons que Muhammad ait puisé les fondements de sa grandiose religion dans la Terre et non dans le Ciel. Quelle conclusion aussi absurde qu’irréaliste peut-on tirer de cette hypothèse ? L’étrange conclusion est qu’un Coran humain aura réussi à prêcher l’Unité de Dieu dans un style de discours et de guidance tel que même les Livres révélés n’ont su égaler. Il aura en outre servi la religion d’une manière que même le Seigneur de la Religion n’a pu imiter.
Cette logique en est-elle une ? ! Cette religion est-elle l’invention de Muhammad ? ! « Tu n’étais pas sur le versant ouest du Sinaï, quand Nous avons décrété les commandements à Moïse, et tu n’étais pas parmi les témoins. Mais Nous avons fait naître des générations dont l’âge s’est prolongé. Et tu n’étais pas non plus résident parmi les gens de Madyan leur récitant Nos versets ; mais c’est Nous qui envoyons les Messagers. Et tu n’étais pas au flanc du Mont Tor quand Nous avons appelé. Mais tu es venu comme une miséricorde de ton Seigneur, pour avertir un peuple à qui nul avertisseur avant toi n’est venu, afin qu’ils se souviennent. » [6]
L’une des caractéristiques de l’Islam est que ses bases scientifiques ont fait l’objet d’une préservation unique en son genre, qui leur a permis de rester, tout au long des siècles, immunisées contre toute tentative de modification ou de falsification.
Le Coran, depuis sa révélation de la part de Dieu jusqu’à cette heure, est préservé de la première lettre, jusqu’à la dernière... Il est transmis de génération en génération par et pour des nombres incalculables de ses connaisseurs. Cette méthode est au-dessus de tout doute et de toute suspiscion. Car si un récit est rapporté de la même manière par une foule de gens, la raison en convient qu’il est impossible à toutes ces personnes d’avoir conspiré pour fomenter un mensonge.
Nous pouvons dire que le Coran est l’unique Livre auquel la Protection céleste a accordé cette particularité. Il n’existe, entre les mains des hommes, aucun livre, qu’il soit d’origine terrestre ou céleste, doté de toutes ces garanties d’inviolabilité...
Et il y a également la Sunnah, la seconde source des principes de l’Islam. Elle aussi a eu droit à l’attention de la Communauté islamique, ce qui fait d’elle une référence globalement sûre.
Traduit de l’arabe aux éditions Nahdat Misr, cinquième édition, 1988.
[1] Sourate 16 intitulée les Abeilles, An-Nahl, verset 103.
[2] Sourate 42 intitulée la Consultation, Ash-Shûrâ, versets 11 et 12.
[3] Les israëlismes, les nazaréismes et les hellénismes sont des traditions et des idées respectivement juives, chrétiennes et grecques que certaines personnes bien ou mal intentionnées ont tenté au cours de l’histoire d’incorporer dans l’Islam et dans la Sunnah, bien qu’étant en contradiction avec ceux-ci. NdT
[4] Sourate 29 intitulée l’Araignée, Al-ʿAnkabût, versets 48 et 49.
[5] Tiré de notre livre Ta’ammulât fiddîni wal-Hayâh (Méditations sur la religion et sur la vie).
[6] Sourate 28 intitulée le Récit, Al-Qasas, versets 44 à 46.
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