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Défense du dogme et de la loi de l’Islam contre les atteintes des orientalistes
Section : De l’unité islamique

De l’unité islamique

lundi 29 novembre 2004

Depuis des siècles, les rois et les princes musulmans font l’objet de l’indignation des savants et du dégoût des dévots. Car ces dirigeants ont bâti leur empire et leur gloire sur le compte de l’Islam. Leur relation avec l’Islam, avec ses enseignements et avec son message, est une relation confuse et mouvementée.

Le message islamique, destiné à toute l’humanité, a vu sa voix étouffée et son influence perdue à cause de ces dirigeants qui ne s’en soucient guère. La Communauté islamique est devenue sous leur autorité un troupeau de créatures n’ayant rien d’autre à faire que de payer des impôts et d’effectuer des corvées.

Pour autant qu’il s’agisse de la remettre sur pied conformément à la religion, de la reconstruire sur la base du bien, de se lancer à la poursuite de ses intérêts publics, on ne trouve dès lors plus que de beaux discours prononcés par les langues, mais jamais concrétisés sur le terrain. Trouvera-t-on alors étrange que l’Islam soit ébranlé et que son pouvoir s’évanouisse, après des siècles consécutifs de cette déplorable situation ?

L’unité islamique ne concerne pas ces dirigeants, car l’Islam lui-même ne les concerne pas. Et même s’ils s’y intéressent, ils le font passer au second plan derrière leurs intérêts privés, les affaires de leur pouvoir, la position de leur famille et les passions de leurs suites.

Les Musulmans ont payé le prix de cette grave désobéissance et de ce mépris affiché. Ils en ont payé le prix par leur division en plus de cinquante États ou micro-États parsemés à travers le monde, n’ayant aucun poids dans la politique internationale, ni aucun avis dans la direction de leurs affaires.

Puis une poignée de gens, parmi ceux que Dieu a épargnés, se sont réveillés pour presser ces groupements musulmans de se réunir et ces sectes de se retrouver. Ils essayent de leur montrer que la cour de l’Islam est suffisamment étendue pour les accueillir tous, et que le jour où ils se rassembleront sous sa bannière, ils retrouveront le bonheur et l’honneur naguère perdus.

Il demeure cependant que de longues étapes et de grands obstacles restent à franchir pour réaliser le rassemblement islamique. Les causes de la scission sont encore là, et si elles perdurent plus longtemps, elles mèneront indubitablement vers l’évanouissement de l’Islam, vers la perte de sa loi, suivie de celle de son dogme !

Avez-vous entendu parler de ce que le croisisme occidental [1] prépare à l’Islam en Indonésie ? Lisez les décisions suivantes afin de savoir ce qu’il en est :

Les décisions des Catholiques et des Protestants pour le Java oriental

Le congrès dont il est question s’est tenu à Malang, dans le Java oriental, en octobre 1962. Ce congrès a voté un projet visant à évangéliser l’île de Java en vingt ans, et à évangéliser toute l’Indonésie en cinquante ans. Le congrès s’est également prononcé sur les moyens qui doivent être mis en œuvre pour réaliser cet objectif. Ils se résument aux points suivants :

  1. Fonder un maximum d’écoles chrétiennes.
  2. Les écoles primaires et secondaires ne doivent accepter que des enfants chrétiens.
  3. Ouvrir des écoles enseignant la Bible dans les villes à majorité musulmane.
  4. Les hommes chrétiens doivent se marier avec des jeunes Musulmanes, autant que faire se peut.
  5. Les femmes chrétiennes sûres de leur foi doivent se marier avec de jeunes Musulmans ayant une foi faible.
  6. Essayer d’attirer les enfants musulmans vers le Christianisme en leur proposant des aides, à travers les hôpitaux et les orphelinats.
  7. Imprimer, publier et diffuser l’Évangile en langue arabe auprès des Musulmans cultivés qui savent lire l’arabe.
  8. Attirer les Musulmans qui travaillent dans la politique, en leur assignant de hautes fonctions, par lesquelles ils peuvent exercer leur influence.
  9. Construire des églises prestigieuses au voisinage des mosquées réservées aux Musulmans non-rattachés à l’Association Muhammadienne ou à l’Union des Musulmans [2].
  10. Orienter les jeunes Chrétiens pour qu’ils n’entrent pas dans les écoles publiques, dont la plupart des élèves sont musulmans - l’enseignement de l’Islam étant par ailleurs obligatoire dans ces écoles.

À cette guerre continuelle contre l’Islam en Indonésie, vient s’ajouter une autre guerre contre le livre arabe et la langue arabe, la langue du Noble Coran. Les ennemis de l’Islam ne limitent pas leur guerre simplement à la religion. Bien au contraire, ils l’étendent jusqu’à la langue qui a été et qui est encore aujourd’hui au service du Livre de Dieu. Et c’est la raison pour laquelle ils livrent une bataille farouche contre le livre arabe qui contribue à diffuser la culture arabo-musulmane nécessaire à tout Musulman, et dont il ne saurait se passer pour comprendre sa religion et parfaire ses convictions.

Depuis très longtemps, l’Égypte a joué un rôle majeur dans la promotion de la culture arabo-musulmane en Indonésie, et ce, à travers le livre arabe qu’elle y exportait, même à l’époque de la colonisation hollandaise. L’Égypte avait ainsi un grand rôle culturel à accomplir, auquel venait s’ajouter l’action d’Al-Azhar qui, depuis des siècles, porte le message de la pensée islamique.

On a constaté, à travers les rapports du service des douanes égyptiennes, une baisse importante dans le mouvement d’exportation du livre arabe vers l’Indonésie. Alors qu’en 1961, l’Égypte a exporté vers l’Indonésie 135 tonnes de livres arabes, elle n’en a exporté qu’une tonne unique en 1962. Cette différence exorbitante entre les deux derniers exercices nous amène à nous poser des questions sur le lien entre cette diminution soudaine et la décision du congrès des Églises qui s’est tenu en 1962. Les ennemis de l’Islam connaissent le secret de la force du livre arabe dans la diffusion de la conscience islamique. Et c’est en conséquence qu’ils travaillent à empêcher sa propagation et à lui faire contre-courant.

C’est la seule explication plausible à la chute vertigineuse de l’exportation du livre arabe. C’était le premier coup donné par la pioche que constituent ces graves décisions.

Malgré ces volontés déterminées et ces moyens très accessibles, il demeure que la méfiance coule encore dans les veines de la Communauté fatiguée et exténuée. Entre l’ignorance ambiante, l’hypocrisie de la masse dirigeante et le passivisme de l’élite savante, la Communauté passe son temps à reprendre son souffle avant d’être, une nouvelle fois, la cible de calamités.

Les Chrétiens ont tourné la page sur les guerres religieuses qui les consumaient durant le Moyen-Âge. Ils ont jeté à terre les importantes divergences, y compris dogmatiques, qui les séparaient, et ont décidé de rencontrer l’Islam et ses adeptes en formant un front uni et des forces partenaires.

Quant aux Musulmans, le panislamisme qui est censé les unir n’est encore qu’un rêve lointain, et la pureté qui est censée illuminer leur chemin n’est encore qu’un souhait inaccessible.

Les manifestations douloureuses de la division se sont exprimées ces derniers jours, à travers les nouvelles publiées dans les journaux. Ainsi a-t-on appris de la police de Karâchi que 120 Musulmans ont été tués et 26 autres blessés au cours d’affrontements sanglants entre Sunnites et Shîʿites, dans le village de Târî, situé à une quarantaine de kilomètres de la capitale pakistanaise [3]. Des incendies se sont par ailleurs déclarés dans le village où ont eu lieu les combats. D’autres affrontements similaires ont également éclaté à Lahore et ont fait deux victimes.

Cette dépêche précise en outre que les Sunnites sont les disciples du Prophète Muhammad, tandis que les Shîʿites sont les disciples de ʿAlî, quatrième Calife Bien-Guidé !

Après avoir lu ces informations tragiques, j’ai baissé la tête, sentant mon cœur brisé et affligé par ce qui nous arrivait. Quel malheur ! Pourquoi ces effusions de sang et ces maisons incendiées ? On entendrait les gémissements de l’Islam à travers ces amoncellements de ruines. La fraternité islamique est en train d’être anéantie par ces attaques aveugles. Pourquoi ces combats ?

Est-ce un combat entre les Musulmans et les colonisateurs qui ont envahi leurs terres ?

Est-ce un combat entre les Musulmans et les sionistes qui se sont emparé de leur héritage, qui en ont effacé les traits et qui se sont construit un État sur ses ruines ?

Hélas ! C’est un combat entre des Musulmans et des Musulmans, envahis par l’ignorance dans l’obscurité de laquelle ils se giflent les uns les autres et s’entretuent. Et le seul gagnant de ces combats est le diable.

Cette nouvelle cache en vérité derrière elle une très longue histoire, dont les racines remontent très loin dans le passé. Les gens du commun ont peut-être le moins de reproches à se faire, en comparaison avec tous les crimes que cette histoire a suscités. Ceux qui en portent le lourd fardeau sont ceux qui disséminent les graines de la division, en faisant fi des conséquences amères et désastreuses que cela peut avoir sur les générations postérieures, et des conséquences fâcheuses que cela peut avoir sur l’Islam, condamné à voir ses rangs faiblir et ses causes bafouées.

Il n’existe aucune divergence entre les enfants de l’Islam qui mérite qu’on répande pour elle le sang d’un troupeau de moutons. Comment peut-on dès lors insuffler aux béotiens qu’il existe des divergences inter-musulmanes que seule l’épée peut trancher ?

L’une des choses les plus odieuses consiste à fabriquer les causes de la scission et du déchirement de la Communauté.

Il est possible que les points de vue diffèrent sur une question donnée, et que les gens se subdivisent en des écoles d’opinion variées...

Mais là où les conceptions et les points de vue ne peuvent pas diverger, comment certaines personnes peuvent-elles s’octroyer le droit de créer une scission artificielle, puis de l’immiscer à tout prix dans la sphère publique, pour la simple et bonne raison qu’elles désirent voir les gens divisés en des parties et des groupes ennemis qui se détestent et s’entretuent ?

Je me désole de voir certaines personnes, parmi celles qui ne mesurent pas la portée de leurs propos, ou bien pire, qui lancent des accusations à tort et à travers, en se contrefichant de leurs conséquences, entrer dans le domaine de la pensée islamique avec ces comportements malades, qui ne font que porter atteinte de la pire des manières à l’Islam et à sa nation.

J’entendis l’un de ceux-là dire un jour au cours d’une assemblée : « Les Shîʿites ont un autre Coran que le nôtre, comportant des additions et des soustractions par rapport à celui que nous connaissons.

- Et où est ce Coran ?, demandai-je. Le monde musulman, qui s’étend sur trois continents et qui a quatorze siècles d’histoire derrière lui, depuis la mission de Muhammad jusqu’au jour d’aujourd’hui, n’a connu qu’un seul Coran, avec un début et une fin déterminés, un nombre de sourates, de versets et de mots dénombrés. Où est alors cet autre Coran ? !

Et pourquoi ni les hommes ni les djinns n’ont trouvé une copie de cet autre Coran durant tous ces siècles passés ?

Pourquoi ce mensonge ?

Pour le compte de qui répand-on ces rumeurs parmi les béotiens, qui se formeront une mauvaise opinion de leurs frères, avant de se former une mauvaise opinion de leur Livre ?

Un seul Coran existe. Une fois imprimé au Caire, il est sacralisé par les Shîʿites de Najaf et de Téhéran qui se le transmettent de main en main et qui le gardent chez eux, sans qu’il ne leur vienne à l’idée autre chose que la révérence due à ce Livre, à celui Qui l’a révélé et à celui qui l’a transmis. Pourquoi alors mentir sur le compte des hommes et sur le compte de la révélation ? »

Parmi ces menteurs, certains diffusent également cette calomnie que les Shîʿites seraient les disciples de ʿAlî tandis que que les Sunnites seraient les disciples de Muhammad, et que pour les Shîʿites, c’est ʿAlî qui aurait dû être le messager de Dieu, Muhammad ne l’ayant été que par erreur !

Ce ne sont là qu’inanités immondes et falsifications abjectes.

Mais la croyance à ces inanités a servi de mobile pour le déclenchement de cette déplorable boucherie qui a eu lieu entre les enfants de l’Islam, Shîʿites et Sunnites. Elle les a poussés - alors même qu’ils sont frères dans la religion - à s’entredévorer de cette manière humiliante.

Les Shîʿites croient à la mission de Muhammad et estiment que l’honneur de ʿAlî découle de son affiliation à ce Messager et de son attachement à sa Tradition.

Comme tous les Musulmans, ils ne voient en aucun humain, parmi les anciens ou les contemporains, un être plus grand ni plus digne d’être suivi que le Véridique et le Loyal. Comment peut-on dès lors leur attribuer ces délires ?

La vérité est que lorsque ceux qui veulent diviser la Communauté en groupes ennemis n’ont pas trouvé de motif raisonnable justifiant cette division, ils ont recouru à la fabrication de ces motifs. Et le cercle du mensonge leur a offert de très larges possibilités lorsqu’ils ont constaté l’étroitesse du cercle de la vérité.

Je ne suis pas en train de nier l’existence de divergences juridiques ou théoriques, de plus ou moins grande importance, entre les Shîʿites et les Sunnites. Mais je soutiens que ces divergences ne méritent pas le dixième de l’antipathie qui règne entre les deux partis. Des divergences juridiques et théoriques ont éclaté entre les écoles de pensée sunnites, voire entre les disciples d’une même école. Pourtant, les sages ont empêché que ces divergences se transforment en guerre froide ou chaude.

Les Shîʿites auraient mieux fait de comprendre que les Sunnites vouent le plus profond amour aux gens de la Demeure prophétique et qu’ils rejettent catégoriquement tout ce qui leur porterait atteinte. Et les Sunnites auraient mieux fait de comprendre que les Shîʿites s’en tiennent aux traditions du Porteur de ce message et qu’ils considèrent toute déviance à son égard comme un égarement.

Quant aux divergences juridiques ou théoriques, elles ne sont rien de plus que des points de vue s’appuyant sur des sources scientifiques et sur l’intention de leurs auteurs vis-à-vis de Dieu. Que ces derniers aient raison ou tort, ils seront récompensés et pleinement rétribués pour leur effort.

Certaines personnes plus exigentes peuvent dire de l’autre partie qu’elle est assurément dans l’erreur. Soit ! Qu’est-ce que cette erreur a à voir avec les cœurs et la foi qui les habite ?

Admettons qu’un orateur se trompe dans la prononciation d’un mot, ou qu’un écrivain se trompe dans l’orthographe de ce mot, ou qu’un comptable se trompe dans un calcul ou encore qu’un historien se trompe sur la date d’un événement. Admettons que tout cela ait lieu. Qu’est-ce que ces erreurs ont à voir avec la réalité de la religion ou avec la répartition des hommes tantôt dans la catégorie des croyants et tantôt dans celle des incroyants ?

Si un homme croit comme moi au Livre de Dieu et à la Tradition du Messager de Dieu, s’il accomplit ses cinq prières quotidiennes, s’il jeûne annuellement le mois de Ramadân, s’il effectue le pèlerinage s’il en a les moyens, comment puis-je alors l’excommunier parce qu’il s’est trompé dans la compréhension de telle ou telle question, ou dans le jugement de valeur qu’il porterait sur tel ou tel personnage ?

Admettons qu’il commette effectivement une erreur, une erreur que je refuse de reconnaître. Pourquoi, dans ce cas-là, ne pas laisser au temps le soin de résoudre ces questions conflictuelles, qu’elles soient d’ordre juridique ou théorique, au lieu de les résoudre dans des batailles polémiques, au cours desquelles les débatteurs perdent la pureté et l’élévation de leur âme, ou dans des batailles militaires, au cours desquelles est rompu le nœud de la foi et se fait entendre le rugissement du diable ?

La plupart des divergences juridiques et théoriques ne sont, pour ainsi dire, pas notre pain quotidien. Les Musulmans peuvent donc bien s’en passer et les oublier pendant quelque temps, au cours duquel ils s’occuperont de construire au lieu de détruire, d’œuvrer au service de Dieu avec recueillement dans les mosquées et avec ardeur dans les domaines de la production.

Quant à occuper les gens par des divergences fondées - très rares au demeurant - ou par des divergences infondées - les plus nombreuses -, il s’agit là d’un acte totalement anti-religieux.

Et ceux qui s’activent à cela n’ont rien à voir avec Dieu.

P.-S.

Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Muhammad Al-Ghazâlî, Difâʿ ʿan Al-ʿAqîdah Wash-Sharîʿah didd Matâʿin Al-Mustashriqîn, éditions Nahdat Misr, deuxième édition, janvier 1997.

Notes

[1Le croisisme est un néologisme que nous avons créé pour traduire le concept arabe de salîbiyyah, substantif issu de salîb qui signifie "croix". Le croisisme désigne une mentalité se réclamant du Christianisme, utilisant la religion pour réaliser des desseins expansionnistes ou impérialistes, plus particulièrement dirigés contre le monde musulman. Le croisisme a souvent été identifié au Christianisme dans l’histoire de l’Église, bien que ce dernier en soit innocent. Le croisisme n’a cessé de s’exprimer tout au long de l’histoire, ses manifestations les plus violentes ayant été les Croisades et la colonisation. Le croisisme est au Christianisme ce que le sionisme est au Judaïsme. NdT

[2Il s’agit de grandes associations islamiques indonésiennes. NdT

[3Karâchi a été la capitale du Pakistan jusqu’en 1961, époque où Sheikh Al-Ghazâlî rédigeait le présent ouvrage. NdT

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