mercredi 15 octobre 2003
Goldziher s’est confronté aux théologiens musulmans dans une longue discussion. Mais avant d’éclaircir la nature de ce débat, nous aimerions l’introduire par un discours islamique indispensable.
La raison humaine admet un domaine à l’intérieur duquel son activité est pleinement reconnue et où ses efforts portent abondamment leurs fruits.
Si cette raison parvient à voir juste du premier coup, ce sera tant mieux. Mais si elle commet une erreur, alors son trébuchement tiendra lieu d’enseignement grâce auquel elle appréhendera le chemin vers la vérité.
Or, il est très rare que la raison trace sa voie dans l’immensité de l’inconnu au terme d’une seule bataille. De temps à autre, elle parvient à connaître une petite parcelle de ce qui lui était caché. Mais à chaque fois qu’elle parvient à une vérité qu’elle croyait importante, elle découvre qu’il existe des vérités autrement plus difficiles à atteindre, des vérités dont l’essence est autrement plus difficile à saisir.
L’unique domaine de cette raison exploratrice et dynamique est le large terrain délimité par :
a) L’Univers, toutes les lois qui régissent ses horizons et toutes les caractéristiques de ses éléments constitutifs. Les disciplines que sont la chimie, la physique, la géométrie, l’astronomie, la biologie, etc., ont vu le jour et ont défini leurs méthodes dans le but d’appréhender cet Univers et ce qui s’y rattache. La pensée humaine n’aura aucun grief à s’engager dans ces disciplines physiques ni n’aura aucune limite à laquelle elle devrait s’arrêter.
b) Les affaires de ce bas-monde et les méthodes employées par l’homme pour gérer cette nature qui s’offre à lui : l’industrie, l’agriculture, le commerce, la médecine, ainsi que tous les autres arts découverts par l’humanité et les différentes techniques apportées par les diverses nations dans tous les secteurs. Et là encore, un large domaine s’ouvre devant la pensée humaine pour lui permettre de se mouvoir à son gré sans restriction et sans aucune limite.
c) Les relations humaines fondées sur la connaissance des règles psychiques, morales, sociales et politiques qui régissent la vie de l’espèce humaine à la surface de cette terre. Et à ce niveau, la raison peut agir d’elle-même là où la religion n’apporte pas de précisions particulières. Mais lorsque les législations célestes apportent une directive sur un point particulier de ce domaine, c’est à elles que doit revenir le dernier mot. Après maints examens et maintes comparaisons, il nous est apparu que la raison concorde systématiquement avec la religion sur ce dernier aspect. Et si la raison en décide autrement dans certaines sociétés, ce ne peut être qu’une erreur dont les séquelles retombent sur l’humanité entière et que seule la religion peut corriger. L’Imâm Abû Hâmid Al-Ghazâlî - qui méprisait au plus haut point la philosophie humaine - pensait que ce qui méritait la considération au niveau de l’éthique, de la sociologie, de la politique, etc., n’était en fait que les vestiges de missions prophétiques disparues et d’anciennes législations célestes. Il pensait que la religion était la détentrice du premier et du dernier mot dans ce domaine.
d) Quant au domaine qui relève indubitablement et exclusivement de la religion, tant dans l’aspect général que dans le détail, il s’agit du dogme et du culte… La raison saine est celle qui, en toute grâce, reconnaît que Dieu est vérité, que la perfection toute la perfection est l’un de Ses Attributs, qu’Il est le plus digne d’être obéi, mais que le discours sur Dieu et sur Ses Attributs ne revient qu’à Lui Seul, et que la connaissance des formes de culte obligatoire ne peut provenir que de la révélation. En clair, cela signifie que l’activité de la réflexion humaine est définivement rejetée si elle porte sur la métaphysique ou sur l’innovation de nouveaux rites et de nouvelles formes de cultes rendus à Dieu. La raison humaine a plus intérêt à s’activer là où sa dynamique est productive… et à se contenter - ensuite - d’admettre ce que le Ciel a décidé de lui enseigner.
Traduit de l’arabe aux éditions Nahdat Misr, deuxième édition, janvier 1997.
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