mercredi 18 juin 2003
Le discours sur le dogme et son développement nous amène à nous empresser de dissiper une illusion qui peut traverser les esprits. Il est un fait chez nous que les dogmes et les cultes ne peuvent souffrir ni ajout ni soustraction, tout comme ils ne sont soumis à aucune évolution qui les ferait aller de l’avant ou qui les ferait revenir en arrière.
La raison humaine ne saurait rien y ajouter d’elle-même tout comme elle ne saurait rien y retrancher.
Les fondements de la foi et les piliers des cultes nous sont parvenus de la part du Seigneur de l’univers - Exalté soit-Il - et jusqu’au jour d’aujourd’hui, ils sont restés intacts, tels qu’ils nous sont parvenus. En ce qui concerne les dogmes musulmans, nul n’a prétendu que leur vérité a été un tant soit peu modifiée en ce quatorzième siècle par rapport à ce qu’ils étaient au premier siècle.
Ce sont toujours les mêmes. Ce à quoi ont cru le Messager et ses premiers Compagnons, nous sommes tenus d’y croire aujourd’hui.
Si nous supposons que douze siècles de l’Histoire étaient effacés, avec tout ce qu’ils portent en personnages et en idées, et qu’il ne restait que ce siècle-ci et la première génération de Musulmans, alors les dogmes qui sont entre nos mains ne sauraient être affectés par le moindre personnage qui aurait été ôté ni le moindre oubli d’une idée qui aurait été émise pendant cette longue durée.
Le Coran, qui a été accompli du vivant du Messager, est l’unique source de dogmes et l’unique reposoir de la vérité.
Le style du Coran dans la fixation des dogmes se distingue par sa clarté absolue et se caractérise par sa concordance avec l’évidence rationnelle. Tout comme il se caractérise également par sa ténacité face aux contradictions et aux équivoques.
Au sujet du monothéisme, il dit : « Et votre dieu est un Dieu unique. Pas de divinité à part Lui, le Clément, le Miséricordieux. » [1]
Au sujet du dogme de la Rétribution, il dit : « Pas de divinité à part Lui ! Très certainement, Il vous rassemblera au Jour de la Résurrection, point de doute là-dessus. Et qui est plus véridique que Dieu en parole ? » [2]
Au sujet de la Science divine qui embrasse toute la Création, il dit : « C’est Lui qui détient les clefs de l’Inconnaissable. Nul autre que Lui ne les connaît. Et Il connaît ce qui est dans la terre ferme, comme dans la mer. » [3]
Au sujet de Son Monopole à créer l’existence et à gérer la Création, il dit : « Dieu est le Créateur de toute chose, et de toute chose Il est le Garant. Il détient les clefs des cieux et de la terre. » [4]
Au sujet de la négation de divinités associées ou d’une quelconque descendance, au sujet de la relégation de tout autre que Lui à la servitude la plus totale, il dit : « Dieu ne S’est point attribué d’enfant et il n’existe point de divinité avec Lui ; sinon, chaque divinité s’en irait avec ce qu’elle a créé et certaines seraient supérieures aux autres. Gloire et pureté à Dieu ! Il est Supérieur à tout ce qu’ils décrivent. Il est Connaisseur de toute chose visible et invisible ! Il est bien au-dessus de ce qu’ils Lui associent ! » [5]
Les traits qui caractérisent le dogme musulman sont éminemment intègres et éminemment clairs. Quelle ne fut alors ma surprise lorsque je lus de la part de Goldziher la phrase suivante : « Il serait difficile de tirer du Qorân même un système de dogmes unitaire, homogène et exempt de contradictions. » (page 62)
Afin que le lecteur sache où se trouvent les grossières contradictions, et afin qu’il puisse comparer entre les types de discours et les natures des dogmes, je rapporterai ici les premières lignes de l’Évangile de Jean : « Jn 1:1- Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu.
Jn 1:2- Il était au commencement avec Dieu.
Jn 1:3- Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut. »
Puis ensuite : « Jn 1:9- Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme ; il venait dans le monde.
Jn 1:10- Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu. »
Et enfin : « Jn 1:14- Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. »
Ces propos sont bien entendu aux yeux de Goldziher d’une toute autre teneur, différente de celle des versets du Coran susmentionnés. Ces propos constituent une doctrine dogmatique claire, sans aucune contradiction ni aucune obscurité… !
Quant au Coran : « L’indécision, le caractère contradictoire de sa doctrine étaient l’objet de remarques railleuses. » (page 62)
Nous ne doutons pas un seul instant que notre homme traverse une crise psychologique !
Son ingurgitation d’imbécilités aussi flagrantes, sans la moindre récrimination, et sa récusation de versets aussi fluides et aussi radieux sont l’indice de violents soubresauts intellectuels. Le poète a eu raison de dire :
Yuqdâ ʿalal-mar’i fî ayyâmi mihnatihi hattâ yarâ hasanam-mâ laysa bil-hasani
Traduction
Tel homme est terrassé dans ses périodes de crises, jusqu’à considérer comme beau ce qui n’est pas beau
Par ses accusations, Goldziher voulait sans doute finalement mettre sur un même plan l’Islam et le Christianisme au niveau du développement dogmatique et de l’évolution des croyances.
Il est en effet bien connu que la relation entre les personnes de la Sainte Trinité n’a pris sa forme définitive qu’après que plusieurs conciles majeurs eurent été organisés par les Pères de l’Église, et au cours desquels ils promulguèrent les décisions auxquelles aboutirent leurs études.
Ce fut ainsi que le concile de Nicée entama cette série en promulguant un édit établissant la divinité de Jésus, Fils de Dieu - comme ils disent.
Puis un autre concile promulgua un édit établissant la divinité du Saint Esprit.
Plus tard, les conciles divergèrent entre eux quant à la question de l’Unité de la nature du Père et de celle du Fils : le Père et le Fils ont-ils une seule et unique volonté ou bien leurs volontés sont-elles distinctes ? Chaque école a eu son idée sur la question.
Puis la dernière étape du développement de ce dogme consiste en l’encyclique promulguée par le Pape Pie XII dans laquelle il promeut Marie au rang des divinités.
A ces gens, je ne leur souhaite que grand bien pour ce qu’ils ont fait, et que la conviction en tous ces dogmes emplisse le cœur de Goldziher. Nous, nous ne séquestrons pas la liberté de conscience [6].
Néanmoins, ce qui nous étonne, c’est qu’un individu fasse mine d’ignorer les caractéristiques d’une religion fondée sur la clarté la plus totale, et commette les pires turpitudes pour tenter de faire croire aux béotiens que l’Islam n’a pas apporté un dogme unitaire et accompli, mais plutôt que les dogmes musulmans sont l’œuvre des premières générations !
Voyez-vous ? Il s’agit de la même imposture qu’il a dite en traitant du développement de la loi et qu’il répète ici à la lettre près en traitant le développement dogmatique.
Muhammad - de son point de vue - n’a pas apporté les dogmes islamiques auxquels nous, Musulmans, croyons aujourd’hui. La forme qu’ont prise ces dogmes ne nous proviendrait pas du fondateur même de la religion. De qui nous proviendrait-elle alors ? Il répond :
« Ce n’est que dans les générations suivantes, lorsque la culture en commun des idées qui inspiraient les premiers adeptes a déjà amené la formation d’une communauté définie, que prennent corps, tant par des processus internes au sein de la communauté que sous les influences du milieu ambiant, les aspirations de ceux qui se sentent appelés à être les interprètes des prédications prophétiques, comblent les lacunes de la doctrine du Prophète […]. » (page 61)
Telle est - si vous ne le saviez pas - la formation de nos croyances ! !
Le Musulman, qui sait que son dogme n’a aucune autre source que le Coran dont la révélation est consensuellement admise chez les hommes et chez les djinns comme ayant eu lieu du vivant de Muhammad, observe ces lignes écrites puis hoche la tête avec étonnement : Ces propos concernent-ils l’Islam et les Musulmans, ou bien concernent-ils des gens vivant sur Mars !
Les dogmes musulmans sont l’œuvre de personnes qui ont voulu combler les lacunes de l’héritage prophétique, et quelles lacunes ! ! Je présume qu’il doit faire entre autres allusion aux lacunes comblées par le concile de Nicée.
Une deuxième fois : « Si tu n’as pas honte, fais ce qu’il te plaît. »
Notre orientaliste rêveur poursuit ses fantasmes à la page 63 :
« […] l’examen des contradictions apparues dans le Qorân était à l’ordre du jour parmi les croyants eux-mêmes. »
Et bien entendu, cet ordre du jour n’est parvenu qu’à ses oreilles à lui seul.
Nous, Musulmans, n’avons jamais entendu parler d’examen des contradictions du Coran, pour la seule et unique raison qu’elles n’existent pas : « S’il provenait d’un autre que Dieu, ils y trouveraient certes maintes contradictions ! » [7]
Quant au fait qu’il existe dans le Coran des versets équivoques, cela est vrai, et nous allons en parler. Mais pour qui l’équivocité est-elle synonyme de contradiction ? Uniquement pour cet orientaliste !
Traduit de l’arabe aux éditions Nahdat Misr, cinquième édition, 1988.
[1] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 163.
[2] Sourate 4 intitulée les Femmes, An-Nisâ’, verset 87.
[3] Sourate 6 intitulée les Bestiaux, Al-Anʿâm, verset 59.
[4] Sourate 39 intitulée les Groupes, Az-Zumur, versets 62 et 63.
[5] Sourate 23 intitulée les Croyants, Al-Mu’minûn, versets 91 et 92.
[6] Nous savons pertinemment que Goldziher est juif, mais le fait est qu’il a rédigé son livre pour servir l’évangélisation américaine.
[7] Sourate 4 intitulée les Femmes, An-Nisâ’, verset 82.
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