lundi 26 mai 2003
La diffamation de la Législation islamique est devenue une sornette à laquelle nous ont accoutumés les orientalistes et leurs disciples. Les critiques objectives ont démontré la vanité et l’incohérence de leurs prétentions.
Le monde n’a pas connu, dans le passé ni dans le présent, de droit plus raffiné ni plus juste que le droit islamique, au niveau de la garantie des intérêts et de la préservation des vertus.
C’est pour cette raison que les savants érudits ont dédaigné de faire bon accueil à la reconnaissance de la Législation islamique par les organisations internationales, comme le ferait un faible ou un impuissant… !
Le Sheikh Muhammad Zâhid Al-Kawtharî écrit dans son bref ouvrage Min ʿIbar At-Târîkh (Des Leçons de l’Histoire) :
« Que gagnerait-on si la jurisprudence islamique était reconnue comme source de droit par une organisation juridique, sinon la placer au même rang que le droit romain, bien connu de tous ?
Une bien piètre fierté en est à retirer de qui ne connaît tous les emprunts faits par le droit européen à la jurisprudence islamique en général, et à la jurisprudence de Mâlik en particulier, comme le montre l’histoire de l’Église. »
Le Sheikh Makhlûf Al-Minyâwî - un grand savant malékite - rédigea à la fin du treizième siècle de l’Hégire un livre traitant des emprunts faits par l’Occident à l’École de jurisprudence malékite. Cet ouvrage est conservé dans la Maison des Livres égyptienne sous le numéro 1085, dans la section des Arts divers. Quiconque étudie cette question sait que ce sont les Européens qui furent, à une certaine époque, sous la dépendance de nos sciences, non que nous étions sous leur dépendance dans toutes nos affaires, même au niveau de la jurisprudence et des sciences islamiques [1]. Le Docteur Sûfî Hasan Abû Tâlib - professeur à l’Université du Caire [2] - rédigea également une étude dans laquelle il compara la Législation islamique au droit romain et dans laquelle il réfuta les vaines prétentions véhiculées par les orientalistes et leurs disciples, en montrant l’impossibilité pour l’Islam de s’inspirer d’un tel droit.
On trouve notamment dans cette étude les propos suivants :
« Suwâs Pacha prétendit que la jurisprudence islamique s’accomplit et arriva à maturité en Syrie, et que les juristes musulmans subirent l’influence du droit romain à travers le système judiciaire romain dont l’application demeura de vigueur même après la conquête musulmane.
Cette opinion est fondamentalement erronée.
Le système de déposition des plaintes et de leur classification dans des types spécifiques appelé le Barnâmaj, le Programme, n’existait pas en Syrie lors de la conquête musulmane. D’autre part, aucune École de jurisprudence islamique ne vit le jour dans le Shâm [3]. Pire, pas un seul juriste musulman - à l’exception d’Al-Awzâʿî - ne vécut au Shâm… !
Or il est bien connu que les premières Écoles de jurisprudence islamique apparurent à Médine, là où se spécialisèrent dans la jurisprudence de nombreux Compagnons, à la tête desquels on trouvait ʿUmar et ʿAlî Ibn Abî Tâlib, ainsi que de nombreux Successeurs [4], les plus célèbres d’entre eux étant les Sept Juristes connus à travers l’Histoire du droit islamique. Apparut également à la Mecque une École de jurisprudence par laquelle se distinguèrent certains Compagnons comme ʿAbd Allâh Ibn ʿAbbâs et un petit nombre de Successeurs. L’influence de cette École sur la jurisprudence islamique ne peut cependant être comparée à celle de l’École de Médine qui donna naissance à l’Imâm Mâlik ; en outre, ce fut auprès des professeurs de cette école qu’Ash-Shâfiʿî fit ses études. Nous trouvons également l’École d’Al-Kûfah [5] en Irak qui concurrençait avec l’École de Médine du point de vue de l’épanouissement de la jurisprudence dont elle était la scène. Elle donna par ailleurs naissance aux grands hommes de la jurisprudence islamique comme Abû Hanîfah. A côté de l’École d’Al-Kûfah, on trouve encore une autre École qui est celle de Bassora, même si cette dernière fut de moindre importance que celle d’Al-Kûfah. En Égypte apparut une autre École dont l’un des plus grands noms fut Al-Layth Ibn Saʿd, même si elle non plus ne rivalisait pas avec les Écoles d’Al-Kûfah et de Médine.
Quant au Shâm, il n’y apparut pas d’Écoles de jurisprudence rivalisant avec celles apparues au Hedjaz ou en Irak, bien que c’était le centre du Califat omeyyade. Dans toute cette région, il n’exista donc pas d’École juridique ayant influencé la jurisprudence islamique, exception faite, comme nous l’avons mentionné, d’Al-Awzâʿî qui fonda sa propre École. Mais cette dernière disparut rapidement.
Par ailleurs, Al-Awzâʿî s’appuyait sur le Coran et le Hadith, mais ne figurait pas parmi les juristes qui faisaient preuve d’un effort d’appréciation des textes.
Les savants du Shâm s’occupèrent en fait plutôt de théologie que de jurisprudence. La raison en est probablement que dans la région, de nombreuses religions se côtoyaient : on trouvait ainsi l’Islam, le Christianisme et le Judaïsme côte à côte, ce qui mena à de longues polémiques sur les dogmes religieux des uns et des autres. »
D’après ce qui précède, nous aboutissons à la conclusion que la jurisprudence islamique - contrairement à ce que prétendait Suwâs Pacha - s’accomplit et arriva à maturité à Médine et à Al-Kûfah, et non dans le Shâm.
Ces deux Écoles étaient donc bien loin du « droit romain et de la culture romaine ». Nous avons mentionné d’autres réponses aux mensonges des orientalistes à ce sujet dans notre livre Huqûq Al-Insân (Les Droits de l’Homme).
Traduit de l’arabe aux éditions Nahdat Misr, 1988.
[1] L’historien français Gustave Le Bon dit dans son livre La Civilisation des Arabes : « Pendant cinq cents ans, les universités de l’Occident vécurent exclusivement [des livres des Arabes], et […] au triple point de vue matériel, intellectuel et moral, ce sont eux qui ont civilisé l’Europe. » Il dit également : « [Les Arabes] furent pendant plusieurs siècles les seuls maîtres que les nations chrétiennes connurent […]. »
[2] Professeur Sûfî Abû Tâlib… Il occupa par la suite le poste de Président de la Commision législative au Conseil du Peuple puis le poste de Président du Conseil lui-même. Il occupa également le poste de Président de la République par intérim après la mort d’As-Sâdât. Il desservit la cause de la Législation islamique grâce à ses savantes publications et à ses excellentes conférences sur le sujet.
[3] Le Shâm désigne en arabe la Grande Syrie, incluant la Palestine et la Jordanie. NdT
[4] Les Successeurs sont la génération suivant celle des Compagnons. NdT
[5] Al-Kûfah est une ville d’Irak, au sud de Bagdad, qui fut un important centre intellectuel sous la dynastie abbasside. NdT
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