dimanche 5 octobre 2003
Les versets coraniques se subdivisent à ce sujet en deux catégories :
– La première affirme que l’être humain dipose d’un libre arbitre, et que ses actions sont suivies d’effet… Et cela est vrai.
– La seconde affirme que la suprême destinée domine tout le schéma de cette existence et agit sur un terrain bien plus large que celui de la volonté partielle de l’être humain… Et cela est également vrai.
L’un ne contredit pas l’autre.
Quant aux prétentions de cet orientaliste selon lesquelles les versets mecquois tendent vers le libre arbitre alors que les versets médinois tendent vers la prédestination ou le fatalisme, ce ne sont que prétentions infondées et vides de sens.
Mais Goldziher persiste à vouloir accuser le Coran d’être contradictoire !
Nous citerons à cet égard un argument qu’il avance, mais qui constitue plutôt - comme le notera le lecteur - une farce très amusante. Écoutez-le donc dire : « Nous avons pu constater que le Qorân peut servir à appuyer les vues les plus contradictoires dans l’une des plus importantes questions fondamentales de la morale religieuse. Hubert Grimme, qui a très sérieusement approfondi l’analyse de la théologie du Qorân, a trouvé une explication lumineuse qui pourrait nous aider à sortir de ce labyrinthe. Il trouve que les doctrines contradictoires exposées par Muhammed sur le libre arbitre et le choix de la grâce appartiennent à des périodes diverses de son activité, et répondent aux impressions que lui suggèrent les circonstances de chaque moment. Dans les premiers temps de la Mekke, il admet pleinement le libre arbitre et la responsabilité ; à Médine il s’enfonce de plus en plus dans la doctrine de la non-liberté et du servum arbitrium. »
Cette remarque est-elle justifiée ? Est-il vrai que le Coran mecquois tend vers le libre arbitre, contrairement au Coran révélé à Médine ?
Voici le Coran sous nos yeux. Il nous suffit de regarder puis de juger.
Ce qui a été révélé à la Mecque comporte les deux significations de manière égale, ce qui indique la prédestination et ce qui indique le libre arbitre.
Sourate 18, la Caverne : « Et dis : "La vérité émane de votre Seigneur. Quiconque le veut, qu’il croie, et quiconque le veut qu’il mécroie." » [1]
Et dans la même sourate : « Quiconque Dieu guide, c’est lui le bien guidé. Et quiconque Il égare, tu ne trouveras alors pour lui aucun allié pour le mettre sur la bonne voie. » [2]
Sourate 17, le Voyage nocturne, qui est une sourate mecquoise : « Quiconque emprunte le droit chemin ne l’emprunte que pour lui-même ; et quiconque s’égare, ne s’égare qu’à son propre détriment. Et nul ne portera le fardeau d’autrui. » [3]
Et dans la même sourate : « Quiconque Dieu guide, c’est lui le bien guidé. Et quiconque Il égare, tu ne leur trouveras jamais d’alliés en dehors de Lui. Et au Jour de la Résurrection, Nous les rassemblerons traînés sur leur visages, aveugles, muets et sourds. L’Enfer sera leur demeure. » [4]
Pire, la prétendue signification d’un fatalisme absolu - au sens où l’entend notre orientaliste - s’est répétée à la lettre près entre le Coran mecquois et le Coran médinois.
Sourate 74, le Recouvert, qui est mecquoise : « C’est ainsi que Dieu égare qui Il veut et guide qui Il veut. Nul ne connaît les armées de ton Seigneur, à part Lui. » [5]
Et sourate 2, la Vache, qui est médinoise : « Par cela, nombreux sont ceux qu’Il égare et nombreux sont ceux qu’Il guide ; mais Il n’égare par cela que les pervers. » [6]
Cette liste de versets montre donc que l’affirmation selon laquelle le Coran mecquois entérinerait le libre arbitre ou que le Coran médinois tendrait vers le fatalisme est… vide de sens.
Mais néanmoins, Goldziher n’hésite pas à qualifier ces propos de profonds et de sérieux… Que seraient alors les inanités et que seraient les absurdités ?!
Le Coran, tant dans sa forme que dans son fond, tant dans sa rhétorique que dans sa portée, n’admet aucune contradiction entre ce qui en est mecquois et ce qui en est médinois. Sa fin entérine son début et son début pose les bases de sa fin. Cette distinction fait partie des stupidités des orientalistes et de ceux qui en sont éblouis.
Le Coran dit de l’homme qu’il se guide lui-même car il est une cause active et un être libre. Et il dit de lui qu’il est guidé par son Seigneur car l’homme ne crée pas les circonstances qui l’aident à atteindre son but ni les moyens qui lui permettent d’y parvenir.
Les deux descriptions sont vérité. Elles doivent être portées à la connaissance des hommes, où qu’ils soient, sans cette illusion de conflit ou de contradiction.
Monsieur Goldziher prétend que Muhammad a senti les contradictions inhérentes à sa révélation, en conséquence de quoi, il aurait interdit à ses disciples de lui poser des questions au sujet de ces contradictions, en leur demandant de ne pas s’embarrasser de l’équivocité de certains versets !
Nous sommes désolés de dire que notre homme ment sciemment… Car il sait pertinemment que l’équivocité dans le Coran concerne les vérités inaccessibles à la raison et dont l’essence ne peut être saisie par les humains.
Traduit de l’arabe aux éditions Nahdat Misr, deuxième édition, janvier 1997.
[1] Sourate 18 intitulée la Caverne, Al-Kahf, verset 29.
[2] Sourate 18 intitulée la Caverne, Al-Kahf, verset 17.
[3] Sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 15.
[4] Sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 97.
[5] Sourate 74 intitulée le Recouvert, Al-Muddaththir, verset 31.
[6] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 26.
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