dimanche 8 juillet 2001
Cette sourate tire son nom du verset 9 dans lequel apparaît ce mot : « Te rends-tu compte que les Gens de la Caverne et d’Ar-Raqîm constituaient une merveille d’entre Nos signes ? »
Il s’agit de la première sourate qui fut révélée au cours de la troisième partie de la période mecquoise. Nous avons en effet déjà distingué quatre parties dans la période mecquoise, dans l’introduction de l’exégèse de la sourate 6, Al-Anʿâm, les Bestiaux. La troisième partie s’est étendue entre la cinquième et la dixième année de prophétie. La spécificité de cette troisième partie peut être mieux appréhendée si on la compare avec les deuxième et quatrième parties. Au cours de la deuxième partie, les Quraysh s’en sont principalement tenus à des railleries, moqueries, humiliations, menaces, tentations, récusations et propagandes mensongères à l’encontre du Prophète et des Compagnons. Leur but était d’étouffer le mouvement islamique naissant.
Mais durant la troisième partie, à cette même fin, les Quraysh employèrent la persécution, la brutalité et les pressions économiques à un degré tel qu’un grand nombre de musulmans durent, pour rester en vie, quitter la Mecque et émigrer en Abyssinie. Quant à ceux qui restèrent, ils furent malmenés, isolés et confinés dans le vallon de Abû Tâlib (oncle du Prophète) en compagnie du Prophète et de sa famille. Comble de la misère, un boycott total, tant social qu’économique, fut décrété à leur encontre. Le seul élément positif était la présence, parmi les musulmans, de l’épouse du Prophète, Khadîjah, et de Abû Tâlib (qui n’était pas musulman), dont l’influence suffit à gagner le soutien de deux grandes familles des Quraysh. C’est à la mort de ces deux soutiens, au cours de la dixième année de la mission prophétique que la quatrième partie de la période mecquoise commence, avec son cortège de persécutions drastiques qui ont conduit le Prophète et tous ses Compagnons à quitter la Mecque.
Le sujet de cette sourate semble montrer qu’elle fut révélée au début de la troisième partie de la période mecquoise, le départ pour l’Abyssinie n’ayant pas encore eu lieu, malgré les persécutions déjà importantes. Ceci explique pourquoi l’histoire des Gens de la Caverne (ashâb al-kahf) a pu apporter un réconfort et un encouragement aux musulmans persécutés. Les musulmans avaient là un bel exemple de croyants qui jadis avaient œuvré pour sauver leur foi coûte que coûte.
Cette sourate fut révélée en réponse à trois questions par lesquelles les polythéistes mecquois, en connivence avec les Gens du Livre (Juifs et dans une certaine mesure Chrétiens) entreprirent de tester le Prophète. Les questions étaient les suivantes :
Étant donné que les histoires dont il est question relèvent des traditions chrétienne et juive, inconnues dans le territoire du Hijâz (c’est à dire la Mecque et ses environs), elles constituaient pour les Quraysh une excellente occasion de voir si le Prophète avait bien accès au monde du de l’Inconnu (ghayb) ou pas. Allâh, cependant, donna non seulement une réponse complète à leurs questions, mais surtout souligna le parallèle entre ces histoires et les défauts des opposants à l’Islam dans le conflit qui opposait, à la Mecque, la foi et l’incrédulité.
Au sujet des Gens de la Caverne, Allâh répondit que ces gens avaient foi dans le même dogme monothéiste que celui qui est présenté dans le Coran et que les conditions dans lesquelles ces gens vivaient correspondaient trait pour trait à celle des musulmans persécutés à la Mecque. D’autre part, ceux qui persécutaient les Gens de la Caverne agissaient de la même manière que les persécuteurs qurayshites. En outre, les musulmans ont appris de cette sourate que tout croyant qui serait persécuté dans une société cruelle ne devait pas céder devant le mensonge mais s’exiler, même seul, en ne comptant que sur Allâh. Cette sourate fut l’occasion également de souligner, pour les mécréants mecquois, que cette histoire des Gens de la Caverne constituait une preuve suffisante de l’existence de l’au-delà, car elle montre qu’Allâh a le pouvoir de ressusciter qui il veut, même après une longue mort comme ce fut le cas des Gens de la Caverne.
Cette histoire a également permis de mettre en garde les notables de la Mecque qui persécutaient la jeune et peu nombreuse communauté musulmane. Elle fut également l’occasion d’informer le Prophète qu’il ne devrait en aucun cas négocier avec les persécuteurs ni leur accorder plus d’importance que ses partisans pauvres. Ensuite, ce fut l’occasion d’exhorter ces notables à cesser de ne faire que profiter des plaisirs éphémères de cette courte vie et à rechercher plutôt les plaisirs éternels de l’au-delà.
L’histoire d’Al-Khadir et Moïse a permis à la fois de répondre aux mécréants et de conforter les croyants. La morale de cette histoire est la suivante : "Vous devriez avoir une Foi totale dans la Sagesse de ce qu’Allâh a décidé qu’il vous arriverait. La réalité ne vous est pas perceptible et vous ne savez comment comprendre cette sagesse. Parfois, alors qu’il semble que les événements vous sont défavorables, vous geignez « Comment cela a-t-il pu se passer ? Pourquoi subissons-nous tout cela ? » En réalité, s’il vous était donné d’appréhender ce qui se passe véritablement, vous vous apercevriez combien ce qui vous arrive est la meilleure chose possible. Même si parfois, une chose semble vous être défavorable, vous verriez qu’en définitive elle s’avère être un bien pour vous."
Le même enseignement peut être tiré de l’histoire de Dhû Al-Qarnayn. Allâh, avec cette histoire, sermonne les mécréants inquisiteurs pour leur dire « Ô vous, notables orgueilleux de la Mecque ! Tirez leçons de cette histoire ! Bien qu’il fût un grand souverain, un grand conquérant et qu’il possédât de nombreux biens, il n’a eu de cesse de se soumettre à son Créateur. Mais vous, vous vous rebellez contre Lui, alors que vous n’êtes rien comparés à Dhû Al-Qarnayn. D’autre part, il n’a pas mis sa réelle confiance dans le mur de protection, très solidement bâti, mais bien en Allâh ! Il était convaincu que ce mur le protégerait contre ses ennemis tant que telle serait la volonté d’Allâh mais qu’il s’effondrerait, si solide qu’il fût, quand telle sera la Volonté de Dieu. Mais vous qui ne possédez en comparaison que d’insignifiantes demeures fortifiées, vous vous croyez pourtant à l’abri permanent de toutes calamités. »
Alors que le Coran est venu retourner la situation contre ceux-là même qui tentaient de piéger le Prophète, à la fin de la sourate, Allâh conclut comme il avait commencé : « L’unicité du Créateur et l’au-delà sont des vérités absolues. Pour votre propre bien, vous devez y croire, vous conformer à ce qu’elles impliquent dans votre vie, et agir avec la conviction que vous rendrez des comptes à Allâh. Si vous ne vous conformez pas, vous gâcherez votre vie d’ici-bas et tout ce que vous ferez sera perdu ».
Traduit de l’anglais du site de l’association des étudiants musulmans de l’USC.
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