mardi 12 juin 2001
La sourate fut ainsi intitulée d’après le mot Quraysh figurant dans le tout premier verset.
Bien que Ad-Dahhak et Al-Kalbî estimèrent qu’il s’agissait d’une sourate médinoise, une grande majorité des commentateurs s’accorda à dire qu’elle était mécquoise, ce que laisse entendre l’expression « rabba hadhâ al-bayt » (le Seigneur de cette Maison) dans cette même sourate. Fut-elle révélée à Médine, que l’expression « cette Maison » désignant la Kaʿbah n’aurait pas été appropriée. D’ailleurs, son contenu se rapproche tellement de celui de la sourate Al-Fîl qu’elle fut probablement révélée immédiatement après elle, sans qu’aucune autre sourate ne se soit interposée entre elles.
Se basant sur cette proximité, certains savants anciens considéraient les deux sourates comme une seule entité. Cette opinion est appuyée par les traditions qui disent que dans l’exemplaire du Coran appartenant à Ubayy Ibn Kaʿb (que Dieu l’agrée), ces deux sourates étaient écrites comme une seule et même sourate, c’est-à-dire sans l’insertion de « Bismillah » entre elles. [1] Par ailleurs, ʿUmar (que Dieu l’agrée) récita une fois ces deux sourates dans la prière comme si elles n’en faisaient qu’une. [2]
Mais ce point de vue n’est pas acceptable car dans l’exemplaire du Coran que ʿUthmân (que Dieu le bénisse) fit officiellement écrire avec la coopération d’un grand nombre de Compagnons et qu’il a envoyé dans les grands centres des pays islamiques, le « Bismillah » était écrit entre ces deux sourates. Depuis ces deux sourates furent écrites séparément dans tous les exemplaires du Coran partout dans le monde. De plus, les styles de ces deux sourates sont tellement différents qu’elles constituent clairement deux sourates distinctes.
Pour bien comprendre cette sourate, il est essentiel de garder à l’esprit le contexte historique relatif à son contenu et à celui de sourate Al-Fîl.
La tribu des Quraysh était dispersée dans le Hijaz jusqu’au temps de Qusayy Ibn Kilâb, l’ancêtre du saint Prophète (que les salutations et les bénédictions de Dieu soient sur lui). Tout d’abord, Qusayy les rassembla à la Mecque et cette tribu put avoir la main mise sur la Kaʿbah. C’est pourquoi Qusay fut surnommé « le rassembleur » (mujammi) par les siens. Cet homme, par sa perspicacité et sa sagesse, avait fondé une cité-état à la Mecque et avait pris d’excellentes dispositions pour le bien-être des pélerins de toute l’Arabie. De ce fait, les Quraysh bénéficièrent d’une grande influence dans les tribus et les terres arabes.
Après Qusayy, les offices de l’état mecquois se répartirent entre ses fils, ʿAbd Manâf et ʿAbd Ad-Dâr. Mais des deux, ʿAbd Manâf avait gagné une grande renommée même du vivant de son père et était tenu en grande estime partout en Arabie. ʿAbd Manâf avait 4 enfants : Hâshim, ʿAbd Shams, Al-Muttalib et Nawfal. Parmi eux, Hâshim, le père de ʿAbd Al-Muttalib le grand-père du saint Prophète, avait le premier conçu l’idée de prendre part au commerce qui se faisait à travers l’Arabie entre les pays orientaux, la Syrie et l’Égypte, et de se procurer également les produits nécessaires à la vie des arabes de telle façon que les tribus vivant près des routes commerciales achetaient ces produits et que les commerçants vivant à l’intérieur des terres soient attirés par le marché de la Mecque. C’est à cette époque que le règne sasanide s’empara du commerce international qui se faisait entre les pays septentrionaux, les territoires orientaux et l’empire byzantin en passant par le Golfe persique.
Ceci eut pour effet de ranimer la route commerciale reliant le sud de l’Arabie à la Syrie et l’Égypte longeant les côtes de la Mer Rouge. Vis-à-vis des autres caravanes, les Quraysh avaient l’avantage que les autres tribus sur la route du commerce leur tenaient en haute estime du fait qu’ils étaient les gardiens de la Ka’bah. Les autres tribus restaient redevables de la grande générosité dont les Quraysh faisaient preuve en période de pèlerinage. C’est pourquoi les Quraysh ne craignaient aucunement que leurs caravanes ne soient pillées ou qu’on leur porte le moindre préjudice sur la route. Les tribus sur leur chemin ne leur faisaient même pas payer les lourdes taxes de passages qu’elles demandaient aux autres caravanes.
Hâshim prenant avantage de cet état de fait mit au point un plan commercial et associa ses trois frères dans un partenariat commercial. Ainsi, Hâshim obtint des privilèges commerciaux du roi « Ghassanide »en Syrie, ʿAbd Shams obtint ceux de Négus, Al-Muttalib eut ceux des nobles du Yemens et Nawfal ceux des gouvernements de l’Iraq et d’Iran, et leur commerce commença à florir. C’est ainsi que les quatre frères devinrent de célèbres commerçants et on commença à les appeler ashâb al-îlâf c’est-à-dire les générateurs d’amour et d’affection compte tenu de leur relations amicales avec les tribus et les états des pays environnants.
Grâce à leurs relations d’affaires avec la Syrie, l’Égypte, l’Iraq, l’Iran, le Yémen et l’Abyssinie, les Quraysh tombaient sur des opportunités telles et leur contact direct avec la culture et civilisation des différents pays avaient tellement amélioré le niveau de leur connaissance et leur sagesse qu’aucune tribu en Arabie ne pouvait se comparer à eux. Quant aux richesses et aux biens matériaux de ce monde, ils étaient devenus la tribu la plus riche et la Mecque était devenue le centre commercial le plus important de la péninsule arabique. Un autre avantage important provenant de ces relations internationales fut qu’ils rapportèrent d’Iraq l’art de l’écriture sur pierre qui fut par la suite utilisée pour écrire le Coran. Aucune autre tribu arabe ne pouvait se vanter de compter autant de gens lettrés que les Quraysh. Pour ces mêmes raisons, le saint Prophète (que les salutations de Dieu et Ses bénédictions soient sur lui) dit : « les Quraysh sont les leaders des hommes. » (Musnad Ahmad : Marwiyyât ʿAmr Ibn Al-ʿÂs). Et selon une tradition rapportée par l’Imâm ʿAlî dans Al-Bayhaqî, le saint Prophète dit : « Au début, la direction des arabes étaient aux mains des Himyar, puis Allah la leur retira et la donna aux Quraysh ».
Les Quraysh avaient ainsi prospéré et réussi quand l’événement de l’invasion d’Abrahah eut lieu. Si Abrahah avait à ce moment là réussi à s’emparer de la Ville Sainte et détruire la Ka’bah, non seulement la gloire et la réputation des Quraysh et de la Kaʿbah elle-même auraient disparu, mais aussi la croyance de l’Arabie pré-Islamique, que la Maison (Kaʿbah) était véritablement la maison d’Allah, aurait été ébranlée et la haute estime qu’on tenait aux Quraysh pour être les gardiens de la « Maison » à travers tout le pays, aurait été ternie. Après la progression abyssinienne à la Mecque, les byzantins auraient également entrepris de prendre le contrôle de la route commerciale entre la Syrie et la Mecque et les Quraysh auraient été réduits à un sort pire qu’avant l’époque de Qusayy Ibn Kilâb. Mais quand Allah montra cette manifestation de Son pouvoir qu’est cette foule d’oiseaux détruisant 60 mille soldats abyssiniens amenées par Abrahah par des jets des pierres ; de la Mecque au Yémen, ils ne cessèrent de tomber et de mourir sur le bas côté du chemin. La croyance des arabes que la Kaʿbah était la Maison d’Allah augmenta beaucoup, et l’honneur et la réputation des Quraysh s’étaient aussi considérablement accrue à travers le pays.
Après cela les arabes étaient convaincus qu’ils bénéficiaient d’une faveur spéciale d’Allah. Aussi ils parcoururent tous les coins et les recoins d’Arabie sans crainte et passaient partout dans le pays avec leur caravanes de commerce sans qu’elles ne soient inquiétées. Personne n’osait les atteindre ne serait-ce que d’une mauvaise pensée. Ne parlons même pas de leur porter atteinte eux-mêmes et quand bien même ils avaient un non-Quraysh sous leur protection, on lui permettait également de passer sans problème.
Ceci était tellement bien connu à l’époque de la désignation du saint Prophète pour la mission prophétique, qu’il n’était pas nécessaire de le rappeler. C’est pourquoi dans les quatre phrases concises de cette sourate, on demandait seulement aux Quraysh de considérer : « puisque vous reconnaissez vous-même cette Maison ( c.a.d. la Kaʿbah) comme étant la Maison d’Allah, et non celle des idoles, et que vous savez parfaitement que c’est Allah et Lui seul qui vous a garanti la paix par la vertu de cette Maison, qu’Il a fait prospérer votre commerce et vous a sauvé de la pauvreté, vous devriez alors Le vénérer et Le servir et Lui seul ! »
Traduit de l’anglais du site de l’association des étudiants musulmans de l’USC.
[1] Il convient de noter que l’inscription de la basmalah au début des sourates a été instituée lors de la recension uthmanienne du Coran et qu’auparavant elle n’était inscrite qu’au début de sourate Al-Fâtihah. C’est d’ailleurs pour cette raison que les savants ont divergé sur le statut de la basmalah dans cette sourate en particulier, à savoir si elle est considérée comme un verset faisant partie de la fâtihah ou non. L’opinion majoritaire considère la basmalah comme étant effectivement un verset de cette sourate alors qu’elle ne l’est pas dans toutes les autres sourates du Coran.ndlr
[2] Il est admis, bien que ce ne soit pas fréquent, de réciter plusieurs sourates successives du Coran sans nécessairement intercaler la basmalah. Un tel usage peut être constaté dans certains enregistrements de notre audiothèque.ndlr
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