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Introduction aux sourates du Coran
Section : Sourates 21 à 30

Sourate An-Nûr (La Lumière)

mercredi 17 avril 2002

Nom

Cette sourate est nommée d’après le verset 35, où apparaît le terme An-Nûr (La lumière).

Période de révélation

L’opinion des savants est unanime sur ce point : cette sourate fut révélée après la campagne menée contre les Banû al Mustaliq comme le confirment les versets 11 à 20 relatifs à la calomnie d’Aicha, incident qui survint lors de cette campagne. Cependant les opinions divergent quant à savoir si cette campagne eut lieu en l’an 5 de l’Hégire avant la bataille du Fossé ou bien si ce fut après, en l’an 6. Il s’agit là d’un point important à régler dans la mesure où il nous permet de déterminer si la révélation de cette sourate est antérieure ou non à celle de la sourate Al-Ahzâb, qui est la seule autre sourate à évoquer les commandements relatifs à l’observance du voile pour les femmes. Il est communément admis que la sourate Al-Ahzâb fut révélée à l’occasion de la Bataille du Fossé. Or, si cette bataille avait eu lieu plus tôt, cela signifierait que les prescriptions initiales relatives au voile ont été révélées dans la sourate Al-Ahzâb et complétées plus tard par les commandements contenus par cette sourate. Mais d’un autre coté, si la campagne contre les Banû Al-Mustaliq est antérieure à la Bataille du Fossé, l’ordre chronologique de la révélation des commandement s’en trouverait renversée et il deviendrait difficile de comprendre le bien-fondé de cette législation et les implications inhérentes aux commandements sur le voile.

Selon Ibn Saʿd, la campagne contre les Banû Al-Mustaliq eut lieu pendant le mois de Shaban en l’an 5 de l’Hégire et la Bataille du Fossé au mois de Dhi’l-Qiʿdah de la même année. Cette opinion se fonde sur des traditions rapportées par Aicha - Que Dieu l’agrée - concernant les événement liés à la calomnie dont elle fut victime, dans lesquelles elle évoque une dispute survenue entre Saʿd Ibn ʿUbâdah et Saʿd Ibn Muʿâdh. Saʿd Ibn Muʿâdh, d’après des traditions jugées authentiques mourut lors de la campagne menée contre les Banû Qurayzah, laquelle eut lieu immédiatement après la bataille du Fossé. Il est donc par conséquent évident qu’il ne pouvait pas prendre part en l’an 6 à une dispute concernant la calomnie d’Aicha — que Dieu l’agrée —.

D’autre part, Muhammad Ibn Ishâq dit que la Bataille du Fossé eut lieu au mois de Shawwâl de l’an 5 et la campagne contre les Banû Al-Mustaliq au mois de Sha’ban de l’an 6. Cette opinion est étayée par plusieurs traditions authentiques données par Aicha — que Dieu l’agrée — et d’autres. Selon ces traditions, les commandements relatifs au purdah avaient été révélés dans la sourate Al-Ahzâb, avant que ne survienne la campagne calomnieuse contre Aicha — que Dieu l’agrée —.

  1. Le Saint Prophète avait épousé Zaynab — que Dieu l’agrée — au mois de Dhi’l-Qiʿdah de l’an 5 A.H. après la bataille du Fossé,
  2. Hamnah, sœur de Zaynab, joua un rôle non négligeable dans la propagation des rumeurs sur le scandale, pour la simple raison, que Aicha - qu’Allâh l’agrée - était la rivale de sa sœur. Ce fait vient donc confirmer la thèse de Muhammad Ibn Ishâq.

Examinons à présent ces deux opinions d’un peu plus près. Le seul argument en faveur de la première thèse consiste en une mention de Saʿd Ibn Muʿâdh qui aurait pris part à une dispute liée à ce scandale. Mais cet argument est affaibli par le fait que dans d’autres traditions, Aicha - que Dieu l’agrée - cite Usayd Ibn Hudayr à la place Saʿd Ibn Muʿâdh comme ayant pris part à cette dispute. On peut donc légitimement supposer qu’une confusion est survenue entre ces deux noms lors de la transmission de ces traditions. De plus, si nous adoptons la première thèse en se fondant sur la seule mention du nom de Saʿd Ibn Muʿâdh présente dans certaines traditions, nous sommes confrontés à d’autres difficultés qui, elles, ne peuvent être résolues en aucune façon. En effet il nous faudrait alors admettre que le mariage du Saint Prophète avec Zaynab - que Dieu l’agrée - est antérieur à la Bataille du Fossé. Mais nous savons par le Coran et grâce à maintes traditions authentiques que ces deux événements sont postérieurs à la bataille et à la campagne menées contre les Bani Qurayzah. C’est pourquoi Ibn Hazm, Ibn Al-Qayyim et d’autres éminents érudits ont estimé que l’opinion de Muhammad Ibn Ishâq était correcte et nous ferons de même. Ainsi, nous conclurons cette analyse en disant que la révélation de la sourate Al-Ahzâb est antérieure à celle de la sourate An-Nûr, laquelle fut révélée dans la seconde moitié de l’an 6 de l’Hégire, plusieurs mois après la sourate Al-Ahzâb.

Contexte Historique

Examinons à présent les circonstances dans lesquelles eut lieu la révélation de cette sourate. Il faut garder à l’esprit que la calomnie, qui fut à l’origine de cette révélation était étroitement liée au conflit opposant les musulmans aux mécréants.

Depuis la victoire de Badr, le mouvement islamique gagnait chaque jour en importance, il était devenu si puissant qu’à l’époque de la Bataille du Fossé, les forces ennemies , qui totalisaient, réunies près de 10000 soldats, échouèrent à l’écraser et durent renoncer à assiéger de Médine au bout d’un mois.

Cela signifiait, et les deux parties l’avaient bien compris, que la guerre offensive menée par les mécréants avait pris fin. Le saint Prophète lui-même déclara : après cette année, Les Qurayshites ne pourront plus vous attaquer, ce sera à vous de lancer l’offensive."

Quand les mécréants eurent compris qu’ils ne pourraient défaire les musulmans sur un champ de bataille, ils résolurent de s’attaquer à eux sur le front moral. On ne peut pas dire avec certitude si ce changement de tactique fut le fruit de délibérations et de concertations, ou si ce fut le résultat inévitable de l’humiliante défaite subie à la Bataille du Fossé, à l’occasion de laquelle les ennemis avaient concentré toutes leurs forces sur le champ de bataille. Ils savaient que le développement de l’islam n’était pas dû à la supériorité numérique des musulmans, ni à leur supériorité en fait d’armes, de munitions ou de ressources matérielles, en effet, dans tous ces domaines les musulmans avaient le dessous face à leur ennemis qui les surpassaient de loin. Mais ils devaient leur succès à leur supériorité morale. Les mécréants étaient conscients que les nobles et pures qualités du Saint Prophète et de ses compagnons avaient conquis les cœurs et uni le peuple en en faisant une communauté extrêmement disciplinée. Résultat, ils triomphaient des associateurs et des Juifs, aussi bien en temps de paix qu’en tant de guerre, parce que ces derniers manquaient de discipline et de caractère.

Dans ces conditions, les mécréants, toujours mus par de sombres desseins, lancèrent une campagne de diffamation contre le Saint Prophète et les musulmans, afin d’anéantir le rempart de morale qui leur permettait de vaincre leurs ennemis. Leur stratégie consistait à obtenir l’aide des hypocrites qui les seconderaient dans la diffusion des rumeurs dirigées contre le Prophète et ses compagnons ; ainsi, les associateurs et les juifs pourraient exploiter les germes de discorde qui apparaîtraient au sein de la communauté musulmane et saper leur discipline et leur unité.

Ils eurent l’occasion de mettre en œuvre cette stratégie pour la première fois au mois de Dhi’l-Qiʿdah 5 A.H. lorsque le Saint Prophète épousa Zaynab — que Dieu l’agrée — qui avait été l’épouse de son fils adoptif, Zayd Ibn Hârithah. Le Saint Prophète avait arrangé ce mariage afin de mettre fin à une antique coutume qui conférait au fils adoptif le même statut que le fils biologique. Les hypocrites, cependant, y virent une belle occasion de calomnier le Saint Prophète au sein de la communauté, tandis que les associateurs et les juifs exploitèrent ce fait à l’extérieur, en vue de ruiner son excellente réputation. A cette fin, on inventa et diffusa des histoires extravagantes : « Un jour Mohammad (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui)vit la femme de son fils adoptif et s’en éprit, il fit en sorte qu’elle divorce et l’épousa. »

Bien que ce ne fût qu’une absurde fiction, elle fut si habilement propagée qu’elle atteignit parfaitement son but, au point que de nombreux traditionalistes et commentateurs en ont cité des passages dans leurs écrits et que les orientalistes l’ont exploitée à leur tour pour calomnier le Saint Prophète. En réalité, Zaynab n’a jamais été une étrangère que le Saint Prophète aurait vue par hasard et dont il se serait épris au premier regard. Elle était en effet sa cousine, fille de sa tante maternelle, Umaymah, qui était elle-même fille de ʿAbd Al-Muttalib. Il la connaissait donc depuis son enfance. Un an avant cet incident, il l’avait persuadée malgré ses réticences de se marier avec Zayd afin de montrer de façon concrète que les Qoraychites et les esclaves affranchis étaient égaux en tant qu’êtres humains. Comme elle s’était jamais vraiment faite à l’idée de ce mariage avec un affranchi, ils ne purent rester ensemble très longtemps et le divorce s’imposa comme solution inévitable à cette situation. Les fais mentionnés ci-dessus étaient bien connus de tous, cependant les calomniateurs réussirent à semer le trouble avec leur propagande si bien qu’aujourd’hui encore, certaines personnes utilisent ces calomnies pour flétrir l’image de l’islam.

La seconde rumeur, quant à elle, portait atteinte à l’honneur de ʿAïshah — que Dieu l’agrée —, épouse du Saint Prophète en liaison avec un incident survenu lors de son retour de l’expédition contre les Banû Al-Mustaliq. Comme cette attaque a été beaucoup plus grave et violente que la première, et constitue l’arrière plan historique de cette sourate, nous traiterons de cette affaire de façon plus détaillée.

Il nous faut dire tout d’abord quelques mots à propos de ʿAbdullah Ibn Ubayy, qui joua le rôle principal dans cette attaque. Il était membre du clan de Khazraj et faisait partie des principaux chefs de Médine. Les Médinois avaient même pensé à en faire leur roi avant la venue du Saint Prophète, mais ce projet n’avait pas abouti suite aux changement de la situation. Bien qu’il eût embrassé l’islam, c’était un hypocrite, et son hypocrisie était si manifeste qu’on l’avait appelé le " Chef des Hypocrites". Il ne laissait jamais passer une occasion de calomnier l’islam afin de prendre sa revanche.

Abordons maintenant le fait principal. Lorsque, au mois de Sha’ban 6 A.H., le Saint Prophète apprit que le peuple des Banû Al-Mustaliq se préparait à entrer en guerre contre les musulmans et essayait d’entraîner d’autres clans dans ce projet, il décida de prendre ses ennemis de vitesse et de les attaquer par surprise. Après avoir capturé les membres de ce clan et pris leurs possessions, le Saint Prophète marqua une halte près de la source de Muraysî qui se trouvait sur leur territoire. Un jour, une dispute éclata entre une servante de Omar — que Dieu l’agrée — et un allié du clan des Khazraj, dispute qui se transforma bientôt en querelle entre les Muhajirûn (immigrants) et les Ansâr ( musulmans de Médine), mais l’on y mit fin assez vite. Ceci, toutefois, ne convenait pas à Abdullah Ibn Ubayy, qui avait rejoint l’expédition avec un grand nombre d’hypocrites. Aussi se mit-il à exciter les Ansar, en leur disant : " Vous avez amené ces gens de la Mecque et avez partagé avec eux votre richesse et votre prospérité, et maintenant ils sont devenus vos rivaux et veulent vous dominer. Mais vous leur retirez votre appui, même maintenant, ils seront obliges de quitter votre ville." Il jura et déclara : « Aussitôt que nous serons de retour à Médine, les gens respectables que vous êtes chasseront ces gens de peu hors de la ville."

Quand le Prophète apprit cela, il ordonna à ses hommes de se préparer à partir immédiatement et de rentrer à Médine. Ils cheminèrent à marches forcées jusqu’au lendemain midi, sans s’arrêter en chemin, si bien que les hommes, épuisés, n’avaient pas de temps à perdre en propos futiles.

Grâce à cette sage décision et à cette mesure prise rapidement, le Saint Prophète prévint à temps les conséquences néfastes du discours de ʿAbdullah Ibn Ubayy, mais ce dernier trouva une autre occasion de perpétrer un nouveau méfait, cette fois bien plus grave et sérieux : il lança une rumeur contre ʿAïshah - que Dieu l’agrée - et cette nouvelle campagne de calomnie aurait pu plonger la jeune communauté musulmane dans une guerre fratricide, si le Saint Prophète et ses fidèles n’avaient pas fait preuve de sagesses, de patience et de discipline dans la gestion de cette affaire. Afin de mieux comprendre les événements qui aboutirent à ce fameux « scandale ». Elle raconte : », nous évoquerons cet incident selon les mots de ʿAïshah — que Dieu l’agrée — elle-même.

Elle raconte : « Chaque fois que le Saint Prophète partait en voyage, il tirait au sort laquelle de ses épouses devait l’accompagner. Cette fois-ci, il fut décidé que c’est moi qui l’accompagnerais lors de l’expédition contre les Banû Al-Mustaliq. Pendant le voyage du retour, le saint Prophète fit halte pour la nuit en un lieu qui marquait la dernière étape du trajet vers Médine. Il faisait encore nuit lorsque l’on commença à se préparer pour le départ. Je quittai le camp pour satisfaire un besoin naturel.

Quand je revins et m’approchai de mon lieu de repos, je vis que j’avais dû laisser tomber mon collier quelque part. Je fis demi-tour et allai à sa recherche, mais entre temps la caravane était partie et je me retrouvai seule. Les quatre porteurs de ma litière l’avait replacée sur mon chameau sans se rendre compte qu’elle était vide, du fait de mon faible poids : j’avais eu peu à manger ces jours-ci. Je me recouvris de mon voile et m’étendis en espérant que lorsqu’on constaterait que j’avais été laissée en arrière, on enverrait des gens me chercher. Entre temps, je m’endormis. Au matin, comme Safwân Ibn Muʿattal As-Sulamî passait par là, il me vit et me reconnut car il m’avait vue plusieurs fois avant que ne soit révélé le commandement relatif au voile.

A peine m’eut-il vu qu’il arrêta son chameau et s’écria spontanément : « Mon Dieu ! On a laissé ici l’épouse du Saint Prophète !" A ces mots, je m’éveillai brusquement et recouvris mon visage de mon voile. Sans prononcer d’autres paroles que celles-ci, il fit s’agenouiller son chameau devant moi et se tint sur le côté, tandis que je grimpai sur le dos du chameau. Il conduisit le chameau en le tenant par la bride et nous rattrapâmes la caravane aux environs de midi, alors qu’elle venait de s’arrêter et personne n’avait encore remarqué ma disparition. J’appris par la suite qu’on avait utilisé cet incident pour me calomnier et que ʿAbdullah Ibn Ubayy était l’un des calomniateurs les plus acharnés." ( Selon d’autres traditions, lorsque Aicha — que Dieu l’agrée — rejoignit le camp, montée sur le chameau que conduisait Safwân et qu’on apprit qu’elle avait été laissée en arrière, ʿAbdullah Ibn Ubayy s’écria : « Mon Dieu, il est impossible qu’elle soit restée chaste. Regardez, voici qu’arrive la femme de votre Prophète montée sur le chameau que conduit l’homme avec lequel elle a passé la nuit.’)

Lorsque je fus rentrée à Médine, je tombai malade et restai alitée pendant plus d’un mois. Bien que je ne fusse pas au courant, les rumeurs au sujet du "scandale" se répandaient à travers toute la ville et parvinrent même jusqu’aux oreilles du Saint Prophète. Je remarquai d’ailleurs qu’il ne semblait pas aussi concerné par ma maladie qu’il aurait du l’être. Il venait me voir mais sans s’adresser à moi directement, s’enquérait auprès des autres de mon état de santé puis quittait la maison. Cette attitude me troubla et je pensai qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Aussi pris-je congé de lui et me rendis chez ma mère qui saurait bien prendre soin de moi.

Pendant mon séjour là-bas, une nuit, je sortis de la ville pour prendre l’air avec la mère de Mistah qui était un cousin de ma mère. Tandis qu’elle marchait à mes cotés et buta sur quelque chose et s’écria : " Puisse Mistah périr !" Je lui dis : Comment la bonne mere que tu es peut maudire son proper fils, un fils qui prit part à la bataille de Badr ?". Elle répondit : "Ma chère enfant, tu n’es donc pas au courant de ses agissements ?" Elle me raconta alors tous les détails relatifs à la campagne dont j’étais l’objet’." (Outre les hypocrites, un certain nombre de musulmans sincères furent impliqués dans cette campagne et parmi ceux qui y jouèrent un rôle prépondérant il y avait Mistah, Hassân Ibn Thâbit, le célèbre poète de l’islam, et Hamnah, fille de Jahsh et sœur de Zaynab - Que Dieu l’agrée). En entendant cette horrible histoire, mon sang ne fit qu’un tour, je rentrai immédiatement à la maison et passai le reste de la nuit à pleurer.

Durant mon absence, le Saint Prophète consulta Ali et Usâmah Ibn Zayd sur cette affaire. Usâmah parla de moi en bons termes, disant : ’O Messager d’Allah, nous n’avons trouvé que du bien chez ton épouse. Tout ce qui a été dit sur son compte n’est que mensonge et calomnie ». Pour ce qui est de ʿAlî, il dit : « O Messager d’Allah, il n’y a pas pénurie de femmes ; si tu veux, tu peux épouser une autre femme. Cependant si tu veux enquêter, fais appeler sa servante et questionne-la. » On envoya chercher la servante et on la questionna. Elle répondit : » Je jure par Allah que je n’ai jamais vu le moindre mal en elle, si ce n’est qu’elle s’endort lorsque je lui demande de surveiller la pâte à pain en mon absence et qu’une chèvre vient et le mange.’

En ce même jour, le Saint Prophète s’adressa au peuple du haut de sa chaire et dit : "O Musulmans ! Lequel d’entre vous défendra mon honneur contre les attaques de celui qui a transgressé toutes les règles en me blessant, en calomniant mon épouse ? Par Dieu, j’ai mené une enquête approfondie à ce sujet et n’ai trouvé aucun grief à lui reprocher, pas plus qu’à l’homme dont le nom a été impliqué dans ce "scandale". A ces mots, Usayd Ibn Hudayr (ou Saʿd Ibn Muʿâdh d’après d’autres traditions) se leva et dit : "O Messager d’Allah, si cette personne appartient à notre clan, nous la tuerons de nos mains, mais si elle appartient au clan des Khazraj , nous le tuerons si tu l’ordonnes. ». Entendant cela, Saʿd Ibn ʿUbâdah, le chef du clan des Khazraj, se leva et dit : " Tu mens, tu ne peux pas tuer cette personne. Tu dis cela seulement parce que la personne en question appartient à notre clan, au clan des Khazraj. Si elle avait appartenu à votre clan, tu n’aurais jamais dit cela. » Usayd rétorqua : "Tu es un hypocrite, c’est pourquoi tu défends un hypocrite. » A ces mots, un grand tumulte se fit dans la mosquée, bien que le Saint Prophète eût été présent pendant tout ce temps. Mais il apaisa leur colère et descendit de sa chaire.

Les autres détails concernant cet incident seront donnés au fil de notre commentaire du Texte sacré qui absout ʿAïshah - que Dieu l’agrée - de tout blâme. Nous voudrions souligner pour l’instant la gravité du méfait commis par ʿAbdullah Ibn Ubayy :

  1. Il voulait porter atteinte à l’honneur du Saint Prophète et de Abû Bakr Siddiq — que Dieu l’agrée —.
  2. Il entendait saper la supériorité morale qui constituait le plus grand atout des musulmans.
  3. Il voulait déclencher une guerre civile entre les Muhajirûn et les Ansâr, et entre les Aws et les Khazraj, les deux clans des Ansâr.

Thème

Cette sourate ainsi que les versets 28 à 79 de la sourate Al-Ahzâb (dont cette sourate constitue la suite) ont été révélés pour consolider le front moral qui était à cette époque la principale source des attaques ennemies. Les versets 28 à 73 furent révélés à l’occasion du mariage du Saint Prophète et de Zaynab - Que Dieu l’agrée, et à l’occasion de la seconde attaque (la calomnie envers ʿAïshah — que Dieu l’agrée — la sourate An-Nûr fut révélée pour réparer les fissures apparues dans l’unité de la communauté islamique. Si nous gardons cette idée à l’esprit dans notre étude consacrée à ces sourates, nous comprendre la sagesse qui sous-tend les commandements relatifs au voile. Allah révéla les instructions suivantes, afin de renforcer le front moral et combattre la vague de propagande qui s’était manifestée depuis le mariage de Zaynab — que Dieu l’agrée — :

  1. On enjoignit aux femmes du Saint Prophète de rester dans leurs appartements afin d’éviter de révéler leurs atours et d’être prudentes dans leurs entretiens avec des tiers(versets 32 et 33).
  2. Il fut interdit aux autres musulmans de pénétrer dans les appartements privés du Saint Prophète et on leur prescrivit de demander ce qu’ils voulaient en restant derrière le rideau.(verset 53).
  3. On établit une distinction entre les parents mahram et non-mahram. Seuls les premiers étaient autorisés à pénétrer dans les appartements privés des épouses du Saint Prophète, car leurs liens familiaux était si étroits qu’ils interdisait tout mariage entre eux. (verset 55).
  4. Il fut dit aux musulmans que les femmes du Prophète leur étaient interdites comme l’étaient leur propres mères, c’est pour cela que les musulmans devaient les considérer avec les plus pures intentions (versets 53 et 54).
  5. Les musulmans furent avertis qu’ils encourraient la malédiction et le courroux d’Allah s’ils offensaient le Saint Prophète. De la même façon, porter l’atteinte à l’honneur d’un musulman ou d’une musulmane constituait un odieux péché.(versets 57 et 58).
  6. On enjoignit à toutes les musulmanes de couvrir leur visage de leurs voiles lorsqu’elle devaient sortir de leurs demeures. (verset 59).

A l’occasion de la seconde attaque, cette sourate a été révélée pour maintenir dans toute sa pureté la fibre morale de la société islamique et la renforcer suite aux coups qui lui ont été portés à travers le " scandale ". Nous allons résumer les différents commandements et instructions qui ont été donnés, selon leur ordre chronologique, afin de montrer comment le Coran utilise l’occasion psychologique pour reformer la communauté par l’adoption de mesures légales, morales et sociales.

  1. La fornication avait déjà été qualifiée d’atteinte à l’ordre social (4:15,16) elle fut considérée dorénavant comme un crime qui devait être puni par cent coups de fouet.
  2. Il fut enjoint aux musulmans d’éviter la fréquentation des hommes et femmes coupables d’adultère et interdit de contracter un mariage avec eux.
  3. Quiconque accusait autrui d’adultère mais échouait à produire quatre témoins devait être puni de 80 coups de fouet.
  4. La loi du Liʿân fut prescrite dans les cas où un mari décide d’accuser sa femme d’adultère.
  5. Les musulmans furent invites à tirer une leçon de cette histoire concernant ʿAïshah - Que Dieu l’agrée - que l’on peut énoncer ainsi : " Vous devriez faire preuve d’une extrême prudence vis-à-vis des accusations d’adultère portées contres des gens de bonne réputation et ne pas les diffuser, au contraire, vous devriez les réfuter et y mettre un terme immédiatement. ". Dans cette optique fut énoncé un principe général qui dit que l’épouse qui sied à un homme vertueux est une femme vertueuse, car il ne pourra s’entendre très longtemps avec une mauvaise femme et il en va de même pour une femme vertueuse ; c’est une façon de dire : " Puisque vous saviez que le Saint Prophète était un homme vertueux, et même le plus vertueux de tous les homes, comme avez-vous pu croire qu’il aurait connu le bonheur avec une mauvaise femme et qu’il l’aurait louée comme étant son épouse préférée ? Car il est évident qu’une femme adultère aurait été incapable de tromper par son comportement affectueux un homme aussi vertueux que le Saint Prophète. Vous auriez du également considérer le fait que l’accusateur était un homme vil, et l’accusée, une femme vertueuse. Cela aurait du suffire à vous convaincre que l’accusation n’était même pas digne que vous la preniez en compte, en effet ce n’était pas même concevable.
  6. Ceux qui ont répandu ces rumeurs et propagé le mal dans la communauté islamique méritent une punition et non des encouragements.
  7. Un principe général fut établi selon lequel les relations au sein de la communauté islamique devaient reposer sur la bonne foi et non sur la suspicion : chacun devait être présumé innocent tant que sa culpabilité ne serait pas prouvée.
  8. Il fut interdit d’entrer dans la demeure d’autrui sans façons, la permission devait etre demandée auparavant.
  9. Les hommes et les femmes devaient baisser leurs regards, il fut interdit de jeter des œillades les uns aux autres.
  10. On enjoignit aux femmes de couvrir leur tête et leur poitrine, même quand elle se trouvaient chez elles.
  11. On interdit aux femmes de paraître maquillées devant des tiers, excepté leurs esclaves et les parents avec lesquels le mariage était interdit.
  12. On leur prescrivit de cacher leur parure lorsqu’elles quittaient leur demeure et même de porter des ornements susceptibles de faire du bruit lorsqu’elles se déplaçaient.
  13. On encouragea les gens à se marier, même lorsqu’il s’agissait d’esclaves car le célibat favorise les comportements contraires à la pudeur.
  14. On découragea la pratique de l’esclavage et on exhorta les propriétaires d’esclaves et les autres musulmans d’aider financièrement les esclaves à acquérir leur liberté selon les conditions fixées par la loi de la Mukâtabah.
  15. La prostitution des esclaves fut interdite en premier lieu, car la prostitution en Arabie était confinée à cette seule classe. Cela impliquait donc l’interdiction légale de toute prostitution.
  16. Le respect de l’intimité fut prescrit même aux serviteurs et aux enfants en bas âge de la maisonnée. Ils ne devaient pas entrer dans les appartements privés d’un homme ou d’une femme sans permission, notamment, le matin, à midi, et le soir.
  17. On permit aux vieilles femmes de découvrir leur têtes quand elles étaient chez elles, mais on leur demanda d’éviter de révéler leurs atours. Il leur fut même précisé qu’il était meilleur pour elles de se voiler la tête.
  18. Les aveugles, les handicapés et autres malades furent autorisés à consommer la nourriture dans les maisons d’autrui sans permission, et cela n’était pas considéré comme du vol.
  19. D’un autre coté, les musulmans furent invités à développer leurs relations entre eux par la prise de repas en commun ; les proches parents et les amis intimes étaient autorisés à venir manger les uns chez les autres sans qu’il y ait besoin d’une invitation formelle, afin de favoriser l’affection mutuelle des membres de la communauté et le développement de relations sincères et suffisamment solides pour résister aux attaques extérieures. Au fil de ces instructions étaient énoncés des signes clairs et distincts qui permettaient à chaque musulman de différencier les hypocrites et les croyants. Dans le même temps, la communauté se trouvaient unifiée par l’adoption de mesures disciplinaires destinées à la renforcer et l’affermir et à décourager par conséquent les attaques ennemies à l’avenir.

Mais plus que tout, ce qu’il y a de remarquable dans ce discours, c’est qu’il est totalement exempt de l’amertume qui devrait fatalement résulter d’attaques aussi honteuses et absurdes. Au lieu de céder à la provocation, le discours prescrit des lois et des régulations, établit de nouveaux commandements et énonce des instructions pleines de sagesse, ainsi que l’exigeait à cette époque l’éducation de la communauté. A cette occasion il nous est donc enseigné comment faire face à de telles provocations de façon sage, sereine et généreuse. Dans le même temps, l’on a là la preuve évidente qu’il ne s’agit pas des paroles du Prophète Muhammad — paix et bénédictions sur lui — mais celle de l’Être qui observe les affaires humaines depuis les hauteurs suprêmes et guide l’humanité, libre de tout préjugé, de toute inclination et de tout sentiment. Si cela avait été les paroles du Saint prophète, on y aurait sans doute décelé des traces d’une amertume bien naturelle en dépit de sa grande générosité et patience, car il est tout à fait humain qu’un homme d’une grande noblesse soit indigné lorsque son propre honneur est attaquée d’une façon si vile et si basse.

P.-S.

Traduit de l’anglais du site de l’association des étudiants musulmans de l’USC.

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